Brusque tension PS-LR

Valls exaspéré par Sarkozy (Photo AFP)

Valls exaspéré par Sarkozy
(Photo AFP)

La nécessité, pour la gauche et la droite à la fois, de battre le Front national aux élections régionales, semblait promettre au second tour un report partiel des voix de la gauche vers la droite classique, malgré l’absence de tout accord de type « front républicain ». C’était sans compter les excès de langage liés à toute campagne et à l’incompatibilité des caractères de Manuel Valls et Nicolas Sarkozy.

Le Premier ministre s’est rendu vendredi dernier à Moirans pour tenter de rassurer une population alarmée par une émeute de gens du voyage qui a fait beaucoup de dégâts. C’est le moment qu’a choisi le président de LR pour dénoncer l’absence d’autorité du gouvernement. M. Valls, qui semble avoir décidé de ne pas ménager l’ancien chef de l’État, lui a rétorqué qu’il avait une conception de l’autorité différente de la sienne ; et de rappeler que M. Sarkozy « ne respecte pas les règles de droit, ne respecte pas l’État de droit, bafoue les principes mêmes de la République, c’est-à-dire l’indépendance de la justice ». C’est alors Christian Jacob, chef du groupe LR à l’Assemblée nationale, qui a pris le relais de M. Sarkozy en lançant contre le chef du gouvernement une charge sans nuances :« Manuel Valls, a-t-il dit ce matin sur Europe 1, c’est le degré zéro de l’autorité… On le voit chaque semaine vociférant à l’Assemblée, ruisselant de sueur, tremblant de tous ses membres, insultant l’opposition en permanence…À chaque fois qu’il intervient, le FN monte ».

Sarkozy flirte encore avec le Front.

Double attaque sur la forme et sur le fond, qui ne risque guère d’aboutir à une entente cordiale entre les deux tours. S’agit-il d’excès de langage liés au tempérament des protagonistes, ou d’une autre stratégie électorale du pouvoir ? D’une part, même s’il n’omet jamais d’attaquer le Front national et de montrer en quoi son propre parti est différent de celui-là, M. Sarkozy réserve à la majorité ses piques les plus cruelles. Son éloge permanent de l’autorité, celle dont la gauche serait totalement privée, est une autre façon de rappeler aux électeurs du Front qu’ils ne seraient pas déçus s’ils votaient pour lui. D’autre part, il ne veut pas sembler trop conciliant avec la majorité. Mais ce faisant, sa thèse déclenchant aussitôt l’antithèse, il crée une tension tous azimuts qui, logiquement, pourrait profiter à l’extrême-droite. M. Sarkozy craint peut-être le slogan de Marine Le Pen qui associe droite et gauche dans le sigle « UMPS », mais cette raillerie facile a perdu de son efficacité depuis que l’UMP a changé de nom. M. Sarkozy ne doit pas se laisser impressionner par des formules électorales qui ne convainquent que les déjà convaincus.

La caricature est facile.

La gauche et la droite ont des responsabilités comparables dans l’ascension du FN. Marine Le Pen doit son succès à une politique fiscale qui a accablé les Français sous Sarkozy et sous Hollande. On peut poursuivre la bataille politique sur le thème de « Plus répressif que mois, tu meurs », mais l’enjeu principal, avant l’immigration et la sécurité, des régionales, puis, plus tard, de l’élection présidentielle, c’est la croissance et l’emploi. Et c’est sur ce point central que l’argumentation des partis doit être la plus forte. Ce qui n’est pas le cas. On continue à s’attaquer réciproquement au moyen d’arguments qui n’ont rien à voir avec les préoccupations de nos concitoyens ; M. Jacob a dressé de M. Valls un portrait dont sa subjectivité explique la sémantique excessive. Il ne semble pas craindre que quelqu’un au PS donne de M. Sarkozy une caricature facile à dessiner. Enfin, il est évident que pendant le jeu de massacre, c’est le troisième larron qui tirera les marrons du feu. MM. Valls et Sarkozy devraient y penser.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à Brusque tension PS-LR

  1. Etienne ROBIN, néphrologue dit :

    Pendant que le PS et Les Républicains s’invectivent, le Front National, écrivez-vous, « tire les marrons du feu ». On vous comprend bien, et même on vous approuve sur le fond. Mais on est obligé de désavouer la forme : en réalité, ce sont le PS et LR qui tirent les marrons du feu (et se brûlent les pattes), au profit du FN qui les leur dérobe (et s’en régale). Ce n’est pas l’inverse, à moins d’inverser sans logique la piquante historiette racontée par le bon La Fontaine.

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