Gauche : le poison de la primaire

Cohn-Bendit, l'un des signataires (Photo AFP)

Cohn-Bendit, l’un des signataires
(Photo AFP)

Plusieurs personnalités, et pas des moindres (Daniel Cohn-Bendit, l’économiste-star Thomas Piketty, les sociologues Dominique Méda et Michel Wieviorka, l’écrivaine Marie Desplechin, et d’autres) signent dans « Libération » de ce matin une tribune libre dans laquelle elles réclament une primaire de toutes les gauches.

« NOUS refusons la paralysie de nos institutions, écrivent ces personnes, appartenant pour la plupart à la société civile. Nous appelons à une grande primaire des gauches et des écologistes. Notre primaire est la condition sine qua non pour qu’un candidat représente ces forces à l’élection présidentielle ». Présenté de la sorte, le projet semble positif et traduit des convictions fortes que nul ne saurait leur contester. « Nous refusons la passivité face à l’abstention, au vote Front national et à la droitisation de la société ». Il n’empêche : exiger une primaire alors qu’un président sortant n’a pas renoncé à se présenter pour un second mandat, cela revient à lui couper l’herbe sous le pied, à nier son autorité, à l’obliger à accomplir un exercice au cours duquel il devra se justifier pendant que ses concurrents exposeront des projets alternatifs.

Un temps trop court.

Un seul des signataires de la pétition, Daniel Cohn-Bendit, voit dans la proposition une méthode qui renforcerait la légitimité de François Hollande. Même s’il est sincère, il ne peut pas nier que la primaire, pour un président sortant, crée un obstacle de plus à sa candidature. Dans le cas du président actuel, l’espoir d’une « inversion de la courbe du chômage » d’ici à la fin de l’année est faible. Or, comme les signataires souhaitent que la primaire de la gauche ait lieu en même temps que celle de la droite, soit les 20 et 27 novembre de cette année, il ne resterait qu’une dizaine de mois au chef de l’État pour obtenir des résultats probants sur le front du chômage. Il n’aura alors qu’un choix : ou bien il prend acte de son échec, se retire de la compétition, et la primaire à gauche devient indispensable ; ou bien il annonce que les créations d’emplois sont assez nombreuses et il maintient sa candidature. Dans le cadre de la primaire, il devra alors justifier non seulement son bilan mais son refus de tenir une promesse qu’il a faite depuis longtemps, celle de ne pas se représenter s’il échoue sur le front de l’emploi.

Se débarrasser de Valls.

La vérité est infiniment plus simple que ce que les auteurs de l’appel à la primaire veulent bien nous dire. Leur constat principal, c’est que le gouvernement de Manuel Valls estime n’avoir pas d’autre choix que de conduire une politique économique néo-libérale. Ils lui reprochent de ne pas avoir obtenu de résultats et de s’entêter dans l’application de recettes qui, selon eux, sont anachroniques. D’autres, comme vient de le dire Emmanuel Macron au « Monde », pensent qu’on n’a pas tout fait pour réduire le chômage. C’est ce courant, il est vrai fort peu socialiste, que les auteurs de l’appel veulent étouffer. À tout prendre, ils ne verraient pas d’inconvénient à ce que M. Hollande se représente s’il en vient à de meilleurs sentiments.
Cela signifie qu’il commencerait par se séparer de M. Valls et par appeler un nouveau Premier ministre chargé de pratiquer la politique inverse de celle de son prédécesseur. De quelque côté que l’on prenne la suggestion, elle tend à faire de M. Hollande une sorte de pantin soudain soumis à la volonté de la gauche de la gauche. Il est responsable d’un mouvement qui lui est hostile et risque de se renforcer dans les mois à venir. Au lendemain des attentats de janvier dernier, plus personne n’osait parler d’une primaire à gauche. Que l’idée revienne soudainement en force montre que l’opposition interne au président ne se laisse plus impressionner par sa stature de numéro un de la sécurité en France.

RICHARD LISCIA

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