Hollande-Valls : discorde ?

Hollande et Valls (de dos) (Photo AFP)

Hollande et Valls (de dos)
(Photo AFP)

La presse regorge d’articles signalant des incompatibilités entre le président de la République et le Premier ministre : divergences programmatiques, déloyauté croissante attribuée à Manuel Valls par les mauvaises langues, agendas différents. Il est pourtant admis que, si les deux caractères n’ont rien en commun, ils se complètent, et que François Hollande ne s’inquiète pas trop des foucades du chef du gouvernement.

CES ARTICLES « informés » sont surtout alimentés par la perspective du remaniement gouvernemental qui va avoir lieu avant la fin de la semaine. Le chef de l’État serait tenté d’aller au bout du changement envisagé en se séparant de son Premier ministre. Des conseillers de l’Élysée protégés par l’anonymat tentent de donner du crédit à cette thèse. Mais, dans la pratique, le départ du Premier ministre et son remplacement (par qui ?) auraient la signification politique que M. Hollande ne veut pas donner au remaniement. Ce qu’il souhaite, c’est constituer une machine de guerre électorale, avoir un gouvernement entièrement à sa botte, et définir une ligne sociale-libérale que M. Valls incarne déjà parfaitement. Le président qui, parfois, poursuit des chimères, a tenté désespérément de rallier à lui quelques fortes personnalités d’une gauche qu’il a déçue. « Le Parisien », ce matin, annonçait la nomination de Martine Aubry aux Affaires étrangères. Il a été sèchement démenti par la maire de Lille qui « ne souhaite pas entrer au gouvernement et ne demande rien à personne ».

Entêtement et naïveté.

Dans cette stratégie subtile qui consiste à convaincre quelques personnalités très à gauche qu’elles peuvent apporter leur contribution à une équipe pourtant vouée à appliquer une politique économique encore plus libérale, il y a chez M. Hollande, de l’entêtement ou de la naïveté. Pas seulement parce qu’il a fait des choix programmatiques qui lui ont aliéné la gauche de la gauche mais parce que M. Valls lui-même est pour elle un épouvantail. D’où l’idée que le plus grand obstacle à la réélection du président serait moins son échec sur le plan de l’emploi que l’homme qui dirige le gouvernement et dont le tempérament est effectivement de nature à alimenter des querelles. M. Valls n’est pas commode et il voudrait aller plus loin dans la modernisation de l’économie, en jetant une partie de la gauche dans un ghetto et en se créant la stature d’un personnage oecuménique capable de trouver des soutiens à gauche et à droite.

Hollande plus prudent que Valls.

Sur la notion de rassemblement, les deux hommes trouvent un terrain commun. M. Hollande est seulement plus prudent, plus tacticien, et ne veut pas perdre les forces qui l’ont élu en 2012 en essayant de se gagner les bonnes grâces d’une autre partie hypothétique de l’électorat. M. Valls, lui, sait qu’une forte fraction du PS le hait, sans compter les communistes, les mélenchonistes et les écologistes. En somme, c’est à lui plus qu’à M. Hollande que le renouvellement de la majorité est nécessaire. Tout cela est bel et bon mais il ne faut pas croire non plus ce que disent des conseillers mal intentionnés et, surtout, il ne faut pas laisser une imagination débridée envisager des hypothèses qui secoueraient trop le paysage politique pour être vraisemblables. Un départ de M. Valls signerait une crise politique qui s’ajouterait aux diverses difficultés que rencontre M. Hollande actuellement. Un nouveau Premier ministre dont la tâche serait terminée dans un an ne se réjouirait guère d’accéder à ce poste prestigieux. Pour qu’il y ait un tel bouleversement, il faudrait que le président de la République veuille changer de politique, ce qui n’est pas le cas. Il est plus que probable que M. Valls restera à Matignon jusqu’en mars 2017. Il est plus que probable que la gauche sera battue aux élections. Dans ces conditions, M. Hollande aura terminé sa carrière et M. Valls aura cinq ans pour refonder une gauche moderne.

RICHARD LISCIA

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