L’OBJECTIF EST d’améliorer la compétitivité des entreprises. La montée irrésistible du chômage en France est liée aux avantages sociaux qui dissuadent les employeurs d’embaucher : en effet, un recrutement, aujourd’hui, est un engagement presque irréversible, auquel l’entreprise en difficulté ne peut plus échapper parce que le licenciement est hors de prix. Les cas ne sont pas rares de sociétés qui, contraintes de se séparer d’une partie de leur personnel, paient des indemnités tellement élevées que, mises en faillite, elles mettent la clef sous la porte. Les indemnités prud’homales seront donc plafonnées à quinze mois de salaire.
Des baisses de salaires.
Le gouvernement a prévu de réduire tous les avantages sociaux qui risquent de mettre l’entreprise en péril. Il envisage même des baisses de salaires quand la conjoncture devient mauvaise. La semaine de 35 heures est maintenue. Les heures supplémentaires commencent donc à partir de la 36ème. Cependant le paiement des heures supplémentaires donnera lieu à des majorations qui peuvent ne pas dépasser 10 % (25 % aujourd’hui). Les entreprises seront libres de fixer, selon la demande, la durée hebdomadaire du travail, qui pourra atteindre 48 heures.
La réforme est sérieuse, comme le dit Emmanuel Macron, dont les idées se retrouvent dans le projet. François Hollande a préféré le confier à sa nouvelle ministre, dont la personnalité discrète devrait donner lieu à moins de polémiques que la loi Macron de l’année dernière. Mais il est évident que ce sont les salariés qui feront tous les sacrifices car les avantages dont ils bénéficient seront rabotés. On peut donc s’attendre à une nouvelle levée de boucliers chez nombre de socialistes, à l’extrême gauche et dans les syndicats.
L’application du 49/3 envisagée.
Dans un entretien avec « les Échos » de ce matin, Mme El Khomri a envisagé l’adoption de la loi par le biais de l’article 49/3 de la Constitution, ce qui avait été le cas pour la loi Macron. Cette éventualité a été aussitôt dénoncée par Benoît Hamon, ancien ministre et membre de la « fronde » socialiste, qui estime que le texte « ne passe pas », non seulement chez les frondeurs mais dans tout ce qui se situe à gauche. M. Hamon ajoute qu’il ne croit pas « à cette fable selon laquelle il faut diminuer les droits de ceux qui sont au travail pour que davantage de gens trouvent un emploi ». C’est une remarque qui résume toute l’affaire du chômage en France. La méthode qui consiste à réduire le coût du licenciement pour faciliter l’embauche n’est pas une fable. Elle a été appliquée un peu partout en Europe, avec des résultats tangibles. En revanche, on peut dire qu’elle n’a pas été mise en oeuvre en France, et que le chômage, en conséquence, ne cesse d’augmenter. Le maintien des avantages acquis a créé en France une sous-classe sociale, celle des chômeurs. Il existe, certes, une différence entre un riche et un pauvre, mais il en existe aussi entre une personne qui travaille et une autre qui n’a pas d’emploi.
On est là au coeur du débat. La vérité est que la réforme du travail aurait dû être adoptée il y au moins trois ans. Il n’y avait pas une chance que François Hollande, sorti tout frais d’une campagne électorale où il avait promis l’inverse de cette réforme aux Français, prît le risque de se déjuger dans ce domaine. Avec l’échec de la politique économique et sociale du gouvernement Ayrault et l’arrivée de Manuel Valls à Matignon, on pouvait espérer que la majorité comprendrait que le maintien des acquis sociaux hérités de la croissance des « Trente Glorieuses » constituait l’obstacle majeur à la régression du chômage. Il n’en a rien été et le front contre le changement de contrat social n’a cessé de se renforcer. Le gouvernement doit encore éviter les maladresses, comme l’annonce du recours au 49/3, mais il dispose maintenant d’un projet de loi dont l’application pourrait apporter une bouffée d’oxygène à l’emploi. Encore faut-il que les syndicats acceptent cette indispensable modernisation et que le patronat prenne enfin des risques.
RICHARD LISCIA