Cameron : pari risqué

Boris Johnson se voit Premier ministre Photo AFP)

Boris Johnson se voit Premier ministre
Photo AFP)

Le Premier ministre britannique, David Cameron, a conclu un accord avec l’Union européenne qui singularise davantage le statut particulier dont le Royaume-Uni n’a cessé de bénéficier au sein de l’Union. Il espère faire de cet accord l’argument massue de sa campagne en faveur du maintien de son pays dans l’Union. Il risque d’être déçu.

LE MAIRE de Londres, le fantasque Boris Johnson, a annoncé en effet qu’il militerait pour le « Brexit », c’est-à-dire pour la sortie de son pays de l’UE. C’est un coup dur pour la stratégie de M. Cameron : Boris Johnson est conservateur comme le Premier ministre, convoite sa position et n’hésite pas à entrer en conflit avec lui pour l’isoler. De nombreux élus Tories se sont en effet prononcés contre le maintien du Royaume-Uni dans l’Europe. La séquence du voyage à Bruxelles du Premier ministre britannique a pourtant été jouée à la perfection. Dès son arrivée, M. Cameron tenait un langage viril en vertu duquel ses partenaires européens seraient responsables d’un départ éventuel de la Grande-Bretagne s’ils ne faisaient pas les concessions qu’il leur réclamait. En réalité, il ne les a pas obtenues. Il exigeait un droit de veto sur les décisions les plus importantes, il ne lui a pas été accordé. Il voulait intervenir dans les affaires de la zone euro alors que son pays n’y est pas, il a été éconduit.

Le style de Margaret.

M. Cameron n’avait nullement l’intention de rompre avec l’UE. Il voulait seulement convaincre son opinion publique qu’une relation améliorée avec l’Union européenne justifiait que les liens ne fussent pas coupés. Il n’est pas sûr du tout que les Britanniques se rendent à ses arguments et la dissidence de Boris Johnson va en encourager plus d’un à voter contre l’UE le 23 juin prochain, lors du référendum que M. Cameron s’est engagé à tenir dès qu’il est entré au 10 Downing Street il y a plus de cinq ans. Son erreur, peut-être, est d’avoir adopté le ton et le vocabulaire des Anglais hostiles à l’Europe. Constatant que la menace populiste croît dans son pays, le Premier ministre a cru que, en traitant les Européens avec l’arrogance d’une Margaret Thatcher, il apparaîtrait comme le garant de l’exception britannique et que ses administrés lui feraient confiance pour mener à bien la consolidation du statut particulier de la Grande-Bretagne au sein de l’UE.

Les chefs d’entreprise pour l’Europe.

Mais les temps ont changé. L’euro-scepticisme n’a pas seulement entraîné la création d’un parti populiste et démagogique, l’UKIP, qui tire à boulets rouges sur tout ce qui est identifié à l’Europe. Il a pénétré dans toutes les couches de la société britannique, il enflamme une presse de caniveau qui diffuse des millions d’exemplaires, et il menace M. Cameron au sein de son propre parti où les élus se demandent s’ils n’ont pas intérêt à se laisser emporter par le vent de la phobie anti-européenne. M. Cameron vaut mieux que ces calculs consternants. Il sait que l’isolement de la Grande-Bretagne lui porterait un coup économique et il sait que, si critiquable que soit le fonctionnement de l’Europe, la Grande-Bretagne ne peut pas se passer d’elle. Il est rejoint dans cette analyse par une forte minorité d’Anglais et, surtout, par les chefs d’entreprise qui sont ulcérés par la tournure que prend un débat national pourri par les mensonges et la démagogie.
Le chef du gouvernement britannique, qui s’est rendu à Bruxelles porteur d’un chantage dont personne n’était dupe (« Retenez-moi ou je fais un malheur »), se voit aujourd’hui pris dans un piège qu’il s’est lui-même tendu en croyant qu’il avait conçu une tactique géniale et irrésistible. À lui de s’en dépêtrer. Le pire est que ce plan élaboré pour maintenir le royaume dans l’Europe pourrait aboutir au résultat inverse.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à Cameron : pari risqué

  1. Jeanjean dit :

    M. Cameron a joué gros. Que les Britanniques prennent leurs responsabilités. Mais ils risquent de payer le prix fort d’une stratégie risquée d’un homme politique qui une fois de plus à oublié les raisons de l’édification de l’Europe pour se replier sur une position identitaire égoïste et de courte vue. Quid de la City après le Brexit ?

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