Calais : la pseudo-évacuation

Cazeneuve choisit la prudence (Photo AFP)

Cazeneuve choisit la prudence
(Photo AFP)

Les pouvoirs publics semblaient décidés à procéder à l’évacuation d’au moins une partie de la « jungle » de Calais. Saisie par les associations humanitaires, la juge a approuvé la mesure gouvernementale. Mais le ministre de l’Intérieur s’est ravisé à moitié. Il parle maintenant d’une évacuation lente et seulement des tentes vidées de leurs occupants.

LE GOUVERNEMENT a changé d’avis. Il voulait en finir avec la « jungle », il faudra maintenant des mois pour que ce lieu de rendez-vous de tous les migrants qui souhaitent se rendre en Grande-Bretagne soit rasé. Pourtant, les autorités avaient promis de loger tous les évacués, soit en les installant dans des containers aménagés soit en les répartissant dans des lieux d’accueil. Les associations estiment qu’il y a plus de migrants à Calais que les 3 500 dénombrés par le gouvernement ; elles n’ont cessé de dénoncer les conditions de vie et d’hygiène dans la « jungle », mais elles ont critiqué avec la même virulence le projet d’évacuation. Si M. Cazeneuve a cédé partiellement à leurs revendications, c’est que le contexte politique ne se prêtait guère à une action ferme : avec la déchéance de nationalité et la réforme du travail, le gouvernement accumule des mesures jugées peu conformes à l’idéologie socialiste par les élus PS, les organisations humanitaires et les migrants eux-mêmes qui estiment qu’ils sont dans leur bon droit et qu’ils ne sont pas obligés de rester en France, mais qui veulent demeurer à Calais, c’est-à-dire près de la Grande-Bretagne. Ils craignent donc que, en acceptant d’être évacués, ce qu’un petit nombre d’entre eux a fait, ils seront irrémédiablement éloignés des côtes anglaises.

Les migrants connaissent leurs droits.

Les arguments des humanistes ne peuvent pas être négligés. Les migrants ne font pas un raisonnement toujours clair, mais ce sont évidemment des victimes et ceux qui vont à leurs secours les ont si bien informés de leurs droits qu’ils ne manquent jamais l’occasion de rappeler que les autorités françaises ne peuvent pas les maltraiter. Ils viennent de pays où aucun individu n’est respecté, mais, à défaut de trouver, comme en Allemagne, une aide matérielle décente, ils savent qu’en France, on évitera par tous les moyens de porter atteinte à leurs droits. Le gouvernement essaie donc de les convaincre un à un qu’ils ne peuvent pas rester dans la « jungle ». Inutile de dire qu’ils ne partiront pas tant qu’ils n’y seront pas contraints.
La réponse de l’Europe à l’immigration massive de populations entières qui veulent échapper aux guerres du Proche-Orient est nulle. Les accords de Schengen ne sont pas respectés, même pas par la Belgique qui, alertée du projet d’évacuation de Calais, a fermé sa frontière, car les migrants sont tentés de se déplacer vers les ports belges où des ferrys partent pour l’Angleterre. Pendant que la Grèce croule sous les nouveaux arrivants dont l’hiver n’as pas vraiment freiné la migration, les pays qui jalonnent le chemin vers le nord de l’Europe ont construit des murs ou des barrières pour empêcher la traversée de leurs frontières. Ce qui condamne la Grèce et la Turquie à absorber des milliers de personnes bien qu’elles n’en aient pas les moyens. La question n’est plus de savoir si les accords de Schengen sont encore valables. Elle concerne les mesures que doit prendre l’Union européenne pour tenter de canaliser et juguler le flot incessant d’immigrés. Il n’existe aucun consensus en la matière et les pays de l’ouest européen sont clairement en désaccord avec ceux de l’est du continent qui rejettent toute idée de répartition des migrants par quotas.

Une politique humaine mais ferme.

Il n’est même pas simple de prendre la responsabilité d’ouvrir ses frontières. La chancelière allemande, Angela Merkel, l’a fait, elle y a perdu une bonne partie de sa popularité et elle est vivement combattue par nombre d’élus et de militants de la CDU-CSU, son propre parti. En France, le gouvernement voulait agir sous la pression de l’opinion, il a reculé devant les cris poussés par les associations et par une partie de la gauche. Existe-t-il une politique migratoire fondée sur la compassion ? Il faut certes tout faire pour leur accorder un minimum de droits sociaux, on doit même prévoir un budget pour les héberger et les soigner, mais il ne faut pas non plus qu’un traitement compassionnel les encourage à venir en France. Même si notre pays n’est pas leur destination privilégiée, le moment viendra où, comme ailleurs, nous serons submergés. À quoi il faut s’empresser d’ajouter que le problème ne va pas être résolu dans les années qui viennent, qu’il menace très sérieusement l’intégration européenne, qu’il va peser sur nos comptes et nos moeurs et qu’il faut s’y attaquer avec patience mais aussi fermeté.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à Calais : la pseudo-évacuation

  1. Charpentier Roland dit :

    D’accord avec cet édito, mais j’espère que le mot « submergés » est pris au figuré; car avec les 30 000 réfugiés qu’il est prévu d’accueillir cette année, nous sommes encore loin de la noyade.

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