Barbarin : une crise de l’Église

Mgr Barbarin : une question de discernement (Photo AFP)

Mgr Barbarin : une question de discernement
(Photo AFP)

Le sort du cardinal Philippe Barbarin, primat des Gaules, est en suspens depuis qu’a été révélé son comportement dans au moins deux affaires de prêtres accusés de pédophilie, qu’il s’est contenté d’écarter de leur ministère sans vraiment les dénoncer ou les sanctionner.

IL S’AGIT d’une affaire très pénible de pédophilie impliquant l’Église catholique et qui s’ajoute à toutes celles qui se sont produites dans divers pays, notamment aux États-Unis ou en Grande-Bretagne. Mgr Barbarin n’a rien à voir avec les actes commis, mais on lui reproche de les avoir couverts, ce qui relève de la morale plus que du pénal, même si, en droit, la non-dénonciation d’un crime est considérée comme une complicité. Le problème du cardinal est que, d’emblée, il n’a pas choisi le camp qui devrait être le sien, celui des enfants victimes de la pédophilie. Il semble qu’il ait plus pensé à protéger l’institution catholique que les enfants, qu’il ait moins mesuré la perversité du crime que ses conséquences sur la réputation de l’Église, qu’il ait préféré le secret à la manifestation de la vérité et que, ce faisant, il a pris le risque de livrer d’autres enfants à une pratique criminelle dont on sait depuis longtemps qu’elle est hélas beaucoup plus courante que l’Église ne veut l’admettre, en dépit des immenses scandales qui ont secoué l’Amérique et l’Europe.

Compassion mal placée.

Tout, dans les réactions de Mgr Barbarin, telles qu’il les décrit lui-même, trahit sa panique devant ce qu’il considère comme une menace à l’institution plutôt que des fautes majeures de prêtres. La compassion qu’il éprouve pour ses frères en religion l’a privé de celle qu’auraient dû lui inspirer des enfants innocents. Des enfants livrés aux pulsions d’hommes dont la conduite est d’autant plus indigne qu’ils sont dotés d’un pouvoir écrasant toute résistance chez la victime. C’est incroyable que le cardinal ait pu dire « la majorité des faits, grâce à Dieu, sont prescrits », comme si l’incapacité de la justice à sévir suffisait à absoudre les prêtres pédophiles, censés répondre non pas à la police mais devant Dieu, à l’éthique et à leur conscience s’ils en ont une. Comme si la gravité des faits était soudainement effacée par la prescription. Alors qu’un mal indicible est fait aux victimes. Ce n’est pas seulement un corps qui est visé, c’est l’enfance, c’est l’innocence, c’est l’insouciance. Des enfants subissent un traumatisme dont, la plupart du temps, ils ne peuvent pas concevoir de quels ingrédients il est fait, ils sont choqués sur le moment, puis gardent au fond de leur âme une blessure irréparable, leur psychisme est abimé, leur évolution est compromise, leur arrivée à l’âge adulte est pleine de dangers, celui de la honte recuite, celui de reproduire les actes qu’ils ont subis, celui de ne pas trouver la place qui leur revient dans la société.

Une vaste opération d’autodéfense.

C’est ce dont Mgr Barbarin aurait dû parler plutôt de se lancer dans une vaste opération d’autodéfense, propos multiples mais peu convaincants, appel aux moyens les plus modernes de la communication, organisation de la solidarité entre évêques, lesquels n’ont certes pas trahi le premier d’entre eux mais n’ont guère grandi leur fonction en omettant la blessure profonde causée à l’enfance et en se rangeant dans le seul camp que finalement ils connaissent : l’institution elle-même plutôt que le message qu’elle est censée véhiculer, l’amour du prochain, n’est-ce pas ? Quand, au demeurant, on a vu avec quel acharnement Mgr Barbarin qui, pourtant, dans les médias, donne une impression de modernité, a combattu le mariage homosexuel sous le prétexte qu’il représente un danger pour les enfants, on se demande pourquoi il n’a pas compris que seul devait compter dans sa réaction le sort des enfants confiés à l’Église par des familles croyantes et naïves. C’est le paradoxe d’une âme pétrie d’habitudes et de convenances qui a cru déceler le mal dans l’amour parental mais est restée aveugle à des crimes d’autant plus révoltants qu’ils sont commis par ceux qui devraient, toute leur vie, rester insoupçonnables.

RICHARD LISCIA

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10 réponses à Barbarin : une crise de l’Église

  1. Michel de Guibert dit :

    Il est bien regrettable que vous participiez au lynchage médiatique dont est victime le cardinal Philippe Barbarin.
    Le cardinal Barbarin n’a pas « couvert » des actes de pédophilie commis par des prêtres de son diocèse ; dans deux autres affaires à Lyon, il est immédiatement intervenu.
    Dans l’affaire qui est en cause, il s’agissait de faits très anciens, sans qu’il y ait jamais eu de plainte, et ses prédécesseurs avaient laissé un ministère à ce prêtre qui avait reconnu les faits et qui n’a jamais récidivé depuis 25 ans.
    Quant à la petite phrase que vous mettez en cause : « la majorité des faits, grâce à Dieu, sont prescrits », c’est une déformation assez tordue de ce qu’a dit le Cardinal Barbarin, lequel voulait dire justement que l’auteur des actes de pédophilie n’avait pas récidivé depuis 25 ans, donc bien avant la prescription des faits.
    On peut juger maladroite ou imprudente l’attitude du cardinal Barbarin, mais il n’est pas honnête d’en faire un complice pour sauver l’institution.
    Encore une fois, dans les deux affaires lyonnaises plus récentes dont il a eu connaître sous son épiscopat, il est intervenu immédiatement.

    Réponse
    Comme chaque fois que vous écrivez un commentaire, vous êtes dans le déni absolu de la vérité. De sorte que vous n’argumentez jamais, vous vous contentez de porter des jugements, toujours outranciers. Je rejette en bloc votre attitude car elle est fondée sur la déformation et une interprétation douteuse des faits. Je ne vois pas pourquoi vous éprouvez le besoin de me lire puisque nous n’avons rien en commun. Je vous suggère d’aller voir ailleurs.

    R.L.

  2. Dr. Gérard Guasch dit :

    « La plupart des faits, grâce à Dieu, sont prescrits », dit le cardinal Barbarin. Belle excuse en vérité ! Les faits sont les faits et les victimes restent les victimes. Hélas !
    « On peut juger maladroite ou imprudente l’attitude du cardinal Barbarin, mais il n’est pas honnête d’en faire un complice pour sauver l’institution », dit M. De Guibert. Mais est-il honnête que l' »institution » cache hypocritement ses vices depuis tant d’années ?

    • Michel de Guibert dit :

      D’accord avec vous, mais on ne peut reprocher au Cardinal Barbarin les carences de ses prédécesseurs.
      Il y a depuis l’affaire Dutroux une prise de conscience de la gravité des actes pédophiles, loin de « l’air du temps » des années 70 où des intellectuels pétitionnaient dans la presse pour la liberté sexuelle avec les mineurs.
      On peut regretter que l’Église n’ait pas été plus lucide dans cette époque troublée, mais à sa décharge il est vrai qu’elle a toujours du mal à se faire entendre sur toutes ces questions « sociétales » liées à la sexualité…

  3. Num dit :

    Clairement la communication de Mgr Barbarin est maladroite, la phrase que vous citée est fort malheureuse si ce n’est déplacée. Son manque de compassion pour les victimes est regrettable ou désolant. Nous sommes d’accord.
    Tenons nous en maintenant aux faits. Ils sont très anciens, sans récidive et n’ont pas donné lieu à des plaintes. L’Eglise a muté ces prêtres dans des monastères sans contact avec des enfants.
    Que feriez-vous dans la même situation ? Vous apprenez que dans votre entourage quelqu’un a commis de tels actes il y a 25 ans, qu’il n’a pas récidivé et que personne n’a porté plainte: vous le dénoncez quand même à la police ? Personnellement, je me garderais de donner des leçons de morale à quiconque car je n’en sais rien.

  4. Candide dit :

    Puis-je vous proposer de regarder la vidéo de Eric Zemmour sur ce sujet : « On n’est pas forcément d’accord » sur RTL : Affaire Barbarin : « Chacun jette son fagot dans le bûcher médiatique » ?

    Réponse
    Je ne crois pas qu’Eric Zemmour ait des leçons à donner à qui que ce soit ou soit une référence dans quelque manière que ce soit.
    R.L.

    • Candide dit :

      Je pense que cette vidéo contient des éléments d’ordre historique et critique qui, sauf erreur de ma part, ne sont pas tous dénués d’une certaine pertinence ; j’ai déjà remercié le Quotidien du Médecin pour la liberté d’expression qu’il autorise et le remercie à nouveau.
      Mon propos n’était pas une appréciation des compétences d’Eric Zemmour.
      Je continuerai à écouter ses chroniques, sans forcément adhérer à toutes, et je continuerai à lire avec plaisir vos éditoriaux, sans forcément adhérer à tous.

  5. Christian D. dit :

    Bravo pour cet article remarquable, qui se démarque de l’ambiance médiatique de chasse à l’homme, pour démonter une mécanique institutionnelle véritablement perverse.

  6. Jeanpierre dit :

    L’institution est de l’Église sans être l’Église: la confusion a beau être coutumière, elle ne grandit personne.
    La responsabilité de Mgr Barbarin porte sur les nominations auxquelles il a procédé, sur la connaissance qu’il est censé avoir du dossier des personnes sous son autorité, sur la manière dont les plaignants et leurs proches ont été traités. Il est, comme tous ses confères, confronté à l’impossibilité de faire preuve de discernement parce qu’il manque de prêtres pour afficher un organigramme solide, alors que pas mal d’entre eux sont marqués par une idéologie traditionaliste et ou charismatique: idéologie « intégrale » et « fondamentale » qui voisine la pensée de Zemmour et de la Néo-Action française. Nota: quatre prêtres traditionalistes et charismatiques de son diocèse qui causent du scandale en peu de temps, c’est beaucoup: Eric Pépino, Bernard Preynat, Hervé Benoit, Jérôme Billioud.

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