Hollande jette l’éponge

Hollande hier soir au stade de France (Photo AFP)

Hollande hier soir au stade de France
(Photo AFP)

C’était couru d’avance : le président de la République a renoncé aujourd’hui à convoquer le Congrès pour une révision de la Constitution qui aurait inclus une loi sur la déchéance de nationalité.

LE CHEF DE L’ETAT n’avait pas le choix. Il savait qu’il ne pourrait réunir une majorité des trois cinquièmes pour entériner la révision de la Constitution, dans laquelle il souhaitait inclure, outre la déchéance de nationalité, l’état d’urgence et la réforme du Conseil supérieur de la magistrature. Le Sénat, dont la majorité se situe à droite, refusait d’étendre la déchéance à tous les citoyens français et le texte approuvé par la chambre haute n’était donc pas identique à celui de l’Assemblée, qui, par souci de justice, rejetait l’application de la déchéance aux seuls bi-nationaux. Laquelle était d’ailleurs ce que M. Hollande avait prévu dans un premier temps. La droite sénatoriale n’a donc pas cessé de rappeler que tout ce qu’elle exigeait, c’était la mise en oeuvre de la première proposition du président. Ainsi se heurtait-elle de front à l’Assemblée, ce qui empêchait un vote du Congrès.

Pas de cadeau.

Dans la déclaration qu’il a prononcée peu après midi, François Hollande a replacé le projet de révision constitutionnelle dans le contexte du terrorisme. Il a réaffirmé que, en dépit de sa décision, il continuerait à lutter de toutes ses forces contre la violence. Il a blâmé l’opposition parce qu’elle a fait échouer son projet. Il est clair toutefois qu’il s’est d’abord heurté au refus de la gauche et que ce refus a entraîné le vote du Sénat, peu enclin à faire des cadeaux au président sous prétexte qu’il a des difficultés avec sa propre majorité.
De toute évidence, la révision de la Constitution a été mal préparée, M. Hollande n’ayant pas vu à quels obstacles multiples son idée simple en apparence l’exposait. Mais quoi qu’en disent les parlementaires de droite, l’application de la disposition aux seuls bi-nationaux est injuste car elle leur fait courir, avant même qu’ils aient commis un crime, un risque que n’encourent pas les autres citoyens. De toute façon, le débat baigne dans l’hypocrisie : tout le monde savait que la déchéance pour tous aurait posé un problème avec les mono-nationaux. On conviendra d’ailleurs que toute l’affaire été gâchée par la politique politicienne, que M. Hollande a voulu impressionner l’opinion en prenant une mesure martiale (et qu’il croyait consensuelle) alors que la lutte contre le terrorisme est mieux assurée par des lois sévères et par la répression que par la déchéance, et que ce qui importe, ce n’est pas de faire les gros yeux aux terroristes (qui s’en moquent), mais de les arrêter, de les juger et des condamner.

Que faire des terroristes ?

Il reste qu’un crime exceptionnel mérite non pas une loi d’exception, mais une loi spécifique. Que faire des terroristes condamnés à la perpétuité qui, au bout de 30 ans, demanderaient leur libération ? Pour le moment, le droit français n’envisage que de les remettre en circulation, perspective insupportable pour les victimes et leurs familles. Ne faut-il pas, comme l’a suggéré Nathalie Kosciusko-Morizet, envisager un texte qui supprimerait cette possibilité ?
Enfin, le président, dans sa déclaration, s’est montré combatif et très vivement irrité par l’opposition, pour laquelle il a eu des mots qu’il n’a pas encore utilisés pour décrire tous ceux, à gauche, qui lui donnent du fil à retordre. Depuis quatre ans, il ne sait pas lui-même où il se situe. La déchéance, par exemple, était un clin d’oeil à la droite à l’extrême-droite, de même qu’il a vaguement tenté d’obtenir l’aval de l’opposition pour ses réformes économiques. Le voilà qui semble demander à l’ensemble de la gauche, frondeurs compris, qu’elle suive enfin son panache blanc. Tentative dérisoire pour reprendre pied, alors que l’abandon de la révision constitutionnelle ne peut être analysée par l’opinion que comme une défaite de plus pour l’exécutif, dont la popularité est extraordinairement basse et qui, décidément, n’a pas une seule bonne nouvelle à se mettre sous la dent.

RICHARD LISCIA

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4 réponses à Hollande jette l’éponge

  1. Michel de Guibert dit :

    « L’application de la disposition aux seuls bi-nationaux est injuste car elle leur fait courir, avant même qu’ils aient commis un crime, un risque que n’encourent pas les autres citoyens »… certes, mais il leur reste encore une nationalité !
    L’application de la disposition aux mono-nationaux eût été encore plus injuste car elle les aurait privés de toute nationalité, faisant d’eux des apatrides…

  2. A3ro dit :

    D’accord à 100 % avec l’article. La mesure donnait vraiment l’impression d’avoir été mal préparée par le gouvernement ; ça, plus son efficacité toute relative et ses potentiels effets pervers, je suis pas fâché de plus en entendre parler.

    Dans les faits, NKM n’a pas tort : il serait pas mal de garder un oeil sur les terroristes potentiels après leur remise en liberté. Mais d’un autre côté, dès l’instant ou un condamné a purgé sa peine, il est censé avoir payé sa dette vis-à-vis de la société et redevenir un citoyen normal. Sans compter qu’on peut étendre une peine si on juge que le condamné est encore dangereux pour la société. La vraie solution est donc de respecter la loi actuelle : si on veut vraiment mettre un terroriste hors d’état de nuire, on le condamne à perpétuité avec peine de sûreté de 30 ans. Demander la libération au bout de 30 ans n’est pas la libération automatique – un juge qui voit arriver un condamné pour terrorisme risque d’y réfléchir à deux fois avant de le remettre dans la nature. Et même s’il est remis en liberté, cela n’interdit pas aux services de renseignements de garder un oeil dessus. (A condition qu’ils en aient les moyens, ce qui serait la vraie réponse à apporter à ce genre d’attentat, pas des lois liberticides).

    L’argument « insupportable pour les familles des victimes », pourquoi pas ? Mais, même si la justice doit considérer les familles des victimes, rendre la justice n’est pas venger les victimes.

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