Le déshonneur européen

Cameron : démission à la rentrée (Photo AFP)

Cameron : démission à la rentrée
(Photo AFP)

À tous ceux qui pensent que le « Brexit » voté par les électeurs britanniques à raison de 52 % des voix, est une bonne chose pour les Britanniques, pour les Européens et pour le monde en général, je prédis au contraire des difficultés considérables, peut-être infranchissables.

NON SEULEMENT David Cameron démissionnera à la rentrée, comme il l’a annoncé lui-même, non seulement les marchés, en chute libre dans le monde, ne se redresseront qu’à coup de transfusions monétaires incalculables, non seulement la livre sera dévaluée, non seulement l’impact du Brexit sur la croissance économique sera négatif, non seulement on prive la jeunesse européenne d’un idéal rare, précieux et peut-être unique, non seulement le départ du Royaume-Uni déstabilise, ampute, complique immensément la tâche de l’Union européenne, mais les citoyens britanniques ont infligé à l’histoire, telle que la volonté humaine peut en modifier et améliorer le cours, un coup de bêlier qui risque d’être le début d’une désagrégation de l’Union. Il faudra toute l’énergie qui reste encore à la France et à l’Allemagne, et ce n’est pas beaucoup, pour relancer leur politique européenne, réagir positivement en renforçant davantage l’intégration de la zone euro, notamment sur les plans fiscal, social et politique et surmonter cette crise sans précédent.

L’usage de la peur.

L’affaiblissement alarmant de notre gouvernement, plongé dans des crises franco-françaises dont le dérisoire le dispute à l’idiotie, le déséquilibre entre les économies allemande et française, la flamme de plus en plus brûlante du nationalisme en Pologne, en Hongrie, en Autriche, en Italie, la manipulation incessante des électeurs par l’usage de la peur comme moyen de conquête du pouvoir, tous ces ingrédients ne laissent pas beaucoup d’espoir pour le rétablissement d’une Europe malade et divisée. Regardez bien ce qui se passe : ce ne sont pas les peuples qui font la fête, ce sont les partis de l’intolérance et de la xénophobie, ce ne sont pas les Européens qui jubilent, ce sont les Marine Le Pen, les Nigel Farage, les Boris Johnson, et tant d’autres, qui se prétendent animés par l’amour de leur pays mais applaudissent au désastre, alors que la Grande-Bretagne, où l’Écosse a voté à plus de 60 % en faveur du « remain », est littéralement menacée d’explosion, que les ex-partenaires européens du Royaume-Uni sont directement affectés par son départ, avec une chute incontrôlable des marchés, des perspectives de croissance amoindries, un malaise politique sans précédent, une sidération qui fait que les meilleurs experts ne peuvent pas vous dire ce qui va se passer vraiment.

Politiciens de la haine.

De quoi sont-ils satisfaits, les nationalistes, les xénophobes, les racistes, les promoteurs du chacun pour soi, les défenseurs de l’égoïsme, les manipulateurs, menteurs, hypocrites qui triomphent ? De la peur de l’avenir que le Brexit inspire à tous ? De la dévaluation de la livre ? De l’amputation d’une Europe qui n’a jamais eu plus besoin de se renforcer ? Du bonheur teinté d’inquiétude des « brexiters »? On rêve d’une planète où l’on pourrait envoyer dans la même fusée tous ces démolisseurs patentés de l’Europe, tous ces politiciens de la haine, tous ces falsificateurs de l’histoire qui, au nom d’un danger, celui de l’immigration, ont apporté à 500 millions de personnes le pire des remèdes : la désagrégation d’un continent, la rupture d’un idéal pacifique, l’insulte à l’éthique.
On ne le dira jamais assez : racisme et antisémitisme, protectionnisme, nationalisme par opposition au patriotisme, sont les globules sanguins qui commencent à couler dans les veines de la nouvelle Europe, celle qu’appellent de leurs voeux des histrions que nous avons laissé brailler au nom de la liberté d’expression mais qui, maintenant, obtiennent les résultats sinistres qu’ils ont toujours souhaités. Quand je pense que, en France, il y a près de 30 % des gens qui vont voter Marine Le Pen au premier tour de la présidentielle, parce qu’ils croient qu’elle va les sauver de l’indigence, de la précarité et du chômage, j’ai envie de leur demander ce que la même Marine est capable de construire, à part des châteaux de sable. De quoi se réjouit-elle aujourd’hui ? D’une destruction.

RICHARD LISCIA

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6 réponses à Le déshonneur européen

  1. Liberty8 dit :

    L’histoire bégaye
    La GB isolationniste, colonialiste, donneuse de leçons montre pour une fois son vrai visage.
    Après avoir essayé un mariage de raison a l’anglaise sous contrat unilatéral la voici enfin qui perd son hypocrisie.
    Divorce, bien ! Bon vent. Les conséquences vont arriver beaucoup plus vite que ce que l’on croit.
    Quitter la vieille Europe qui essaie pourtant de se lifter pour convoler avec une jeunette Brexitte comme lors d’une crise de la quarantaine n’apporte que des déboires.
    L’Ecosse européenne va probablement devenir indépendante pour rester avec nous comme au 14ème et 18ème siècle, une vieille histoire !
    L’Irlande du Nord va causer de nouveaux problèmes sans les subventions européennes pour acheter la paix.
    Sans compter tous les problèmes économiques à venir !
    Le réveil va être douloureux chez nos plus fidèles ennemis !
    On ne peut espérer chez nous qu’un électrochoc qui réveille tous nos dirigeants européens et l’évolution vers une Europe plus moderne et plus mobile.
    Oui, on est déçu, oui, on est révolté, oui l’être humain a un côté noir, mais on doit rebondir et utiliser ce qui fait mal et ne tue pas pour être plus fort.

    Réponse
    Attention à ne pas se comporter avec les Anglais comme eux avec nous. Ce ne sont pas des ennemis.
    R.L.

  2. Patrick C dit :

    Oh oui, ce vote est incompréhensible. Voter pour le Brésil ! En pleine coupe de l’UEFA. Alors que ce pays ne joue pas…

  3. Gerlo dit :

    Le succès du « leave » était prévisible, et Churchill l’avait prédit à De Gaulle :
    « Quand nous aurons à choisir entre le continent et le grand large, nous choisirons toujours le grand large ! »

  4. Michel de Guibert dit :

    Entretien avec Hubert Védrine.

    Selon l’ancien ministre des Affaires étrangères, l’intrusion de Bruxelles dans leur vie a rendu les citoyens « euro-allergiques ». Il préconise une Union européenne recentrée sur quelques domaines clés, comme la question de la frontière extérieure.

    Dans une tribune du « Monde » daté du mardi 14 juin, vous avez appelé à une « pause » dans l’intégration européenne. N’y croyez-vous plus ?

    Hubert Védrine. Cela fait longtemps que je ne me retrouve plus dans le langage automatique sur l’Europe, « Il faut plus d’Europe », « il faut un sursaut », « il faut combattre les égoïsmes nationaux ». Je considère que la situation est maintenant gravissime, que les peuples sont en train de décrocher, massivement, notamment à cause de l’intrusion abusive de l’Union européenne dans leur vie. On est parti d’un marché commun, il est devenu marché unique, d’où l’idée de produire des normes, ce qui a été fait de façon « ayatollesque », avec des gens à Bruxelles qui se sont mis à réglementer jusqu’au débit des pommeaux de douche… et ont rendu les citoyens euro-allergiques.

    L’autre hypothèse de cette défiance, c’est que les citoyens, surtout dans les classes populaires, voient l’Europe comme le cheval de Troie d’une compétition débridée dont ils sont les victimes.

    Les différentes explications se cumulent. Les gens trouvent l’idée d’Europe sympathique, ils aiment la libre circulation, ils aiment l’idée que « l’union fait la force ». Ils admettent qu’on puisse faire des choses au niveau européen. Mais petit à petit, ils ont eu le sentiment que les institutions européennes « vampirisaient » leur identité, leur souveraineté.

    Que faut-il faire pour empêcher ce décrochage ?

    Il aurait fallu suivre le principe que Delors proposait, la subsidiarité, qui veut que la Commission ne doive jamais s’occuper de questions qui seraient mieux traitées par les nations ou les collectivités locales. Il aurait fallu légitimer sa formule de « fédération des Etats-nations ». Il aurait fallu, au lieu d’élargir sans cesse l’Union, fixer une frontière extérieure et clarifier le discours : « Voilà quels sont les pays qui ont vocation à entrer dans l’Europe, et après, on arrête. »

    Aujourd’hui, ce que je préconise, pour sauver l’Union européenne, c’est de dégonfler sa partie chimérique pour la reconcentrer sur l’essentiel, deux ou trois domaines clés. Nous devons renoncer à cette idéologie qui veut créer un peuple européen de gré ou de force et avoir le courage de dire « stop ». C’est ce que j’appelle la « pause » : on regarde, on réfléchit.

    Si on ne rattrape pas la masse de gens devenus allergiques, l’Union est morte : elle tournera dans le vide. Les gouvernements doivent définir ce qu’ils veulent faire, entre eux, lors d’une conférence, et sans la Commission et sans le Parlement. Ce serait une façon de dire aux peuples : « On vous a compris », mais aussi : « Il n’empêche qu’on a deux ou trois choses à faire en plus, pas par idéologie européiste, mais parce que c’est nécessaire. »

    Par exemple : on a besoin de recréer une frontière extérieure. Donc on va articuler une police fédérale et des polices nationales. C’est concret, on en a besoin. En revanche, en ce moment, croire qu’on puisse transférer de nouvelles compétences à l’Union est une illusion : un traité allant dans ce sens ne passera pas, politiquement.

    Propos recueillis par Pascal Riché

  5. HERVE dit :

    Que vous soyez un farouche partisan de cette U.E. qui ne sait que faire le jeu du totalitarisme marchand, cela vous regarde.
    Mais je trouve vos envolées et vos critiques envers ceux qui ne partagent pas ce rêve de doux dingue d’une mondialisation heureuse franchement odieuses .
    Beaucoup de gens sont pour l’Europe, une Europe de coopération entre les nations et non de concurrence « libre et non faussée… » et donc ils sont contre l’actuelle U.E.
    Signé : Un campagnard .

    Réponse.
    En quelques mots, vous venez d’ajouter le faux procès à la mauvaise foi. Dites-moi où, dans cet article, je m’attaque aux citoyens britanniques. Je me contente de critiquer les partis politiques qui manipulent les électeurs par leurs mensonges et leurs outrances. Pourquoi vous sentez-vous visé?
    R.L.

  6. PHILIPPE OLIVIER dit :

    Cher Monsieur,
    Merci de nous épargner ce genre d’article totalement dénué d’objectivité.
    Les médecins sont des scientifiques et ne peuvent se contenter d’ opinions, de jugements « simplistes » et de points de vue personnels.
    Pour vous les citoyens britanniques ont été « abusés »…
    Plutôt que de remettre en question cette Union Européenne il est plus facile de brocarder à volonté le choix libre, effectué de façon démocratique+++ et clairement exprimé par les Britanniques.
    L’union Européenne porte en elle tous les symptômes des régimes sur le point de s’effondrer.
    Plus elle est contestée et plus elle se radicalise.
    Les peuples européens semblent vouloir reprendre leur destin en main.
    Respectons ce choix et adaptons nos veilles visions d’après guerre (devenues obsolètes) pour construire une NOUVELLE EUROPE à la demande des citoyens.
    N’est ce pas cela la Démocratie?

    Avec mes salutations distinguées

    Réponse
    Cher Monsieur,
    Merci de m’épargner vos messages. Si vous regardez ce soir la télévision, vous verrez un million de Londoniens qui manifestent contre le Brexit.La démocratie, c’est cela aussi. Et si vous êtes un démocrate, vous devriez accepter de lire des choses qui ne vous conviennent pas. Et si vous ne supportez de les lire, personne ne vous oblige à les lire. Personne ne vous oblige à cliquer sur mon blog. Donc vous agissez de la manière suivante : vous me lisez pour mieux m’attaquer. C’est très simple : ne me lisez pas, ce qui vous évitera de m’envoyer de messages qui traduisent exactement l’intolérance et la hargne liés à la démagogie.

    Avec mes salutations tout aussi distinguées.
    R.L.
    P.S.Je note qu’il vous a fallu huit jours pour répondre à mon article. Un petit complot organisé entre copains ?

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