Un « non » au « Frexit »

Une statue de Hamlet (Photo AFP)

Une statue de Hamlet
(Photo AFP)

L’impopularité de la construction européenne ne se limite pas aux Britanniques. Il est de bon ton, dans les salons, de dire que, si on demandait à chacun des peuples de l’Union ce qu’il en pense, l’UE s’écroulerait. Un sondage publié ce matin par « le Figaro » montre pourtant que ce n’est pas le cas des Français. Le problème se situe moins au niveau d’un rejet de l’Union qu’à celui de la vaste ignorance de ce qu’elle représente.

QUARANTE-CINQ pour cent des personnes interrogées disent que, si elles avaient à se prononcer dans le cadre d’un référendum, elles voteraient en faveur du maintien de la France dans l’Europe, contre 33% qui souhaiteraient en sortir. Mais 22 % ne se prononcent pas, ce qui signifie qu’elles n’ont pas la moindre idée de ce que l’Union représente pour elle, en bien ou en mal. Comme l’UE est constamment diffamée par les partis extrémistes, il est logique qu’un tiers du peuple soit contre et que presque un quart se demande si le discours populiste est sincère ou s’il les manipule. Le référendum britannique a montré une dichotomie sévère entre citadins pour le maintien et ruraux pour la sortie. Cela indique que les bienfaits de l’intégration sont mieux perçus dans une population ouverte sur l’international que celle qui serait plutôt repliée sur sa campagne.

Shakespeare nous appartient.

On ne doit juger personne, bien sûr. Il y a une sagesse chez les gens qui vivent dans la simplicité, le contact avec la nature, la relation permanente avec ce qui fait l’essentiel de leur existence et se tiennent à l’écart de la clameur des métropoles. Cependant, nul n’est à l’abri des à-coups de la macro-économie, des menaces sur la sécurité, des échanges de personnes et de biens, des guerres. L’Union n’est pas que l’intégration des économies et le libre échange, c’est surtout la mise en place de structures qui suppriment les conflits et donc le risque de clash militaire. Qui, à ce jour, a vraiment expliqué ces notions aux Britanniques, aux Hongrois ou aux Français ? De la même manière, si le Royaume-Uni a produit Shakespeare, qui peut croire qu’il n’appartient qu’aux Britanniques et que les Italiens ou les Allemands ne peuvent pas assister à une représentation de Hamlet ? Ou que des non-Italiens n’ont pas le droit d’admirer la Chapelle Sixtine ? La logique unitaire est principalement culturelle et l’érection de frontières ne peut rien y changer. La Grande-Bretagne vient de quitter l’UE, elle ne peut pas quitter l’Europe.

La mondialisation va jusque dans les campagnes.

J’ajoute que, de ce point de vue et, en dépit de différences considérables, les peuples se rapprocheront constamment les uns des autres tant qu’ils aimeront les cultures extérieures à leur propre nation. L’Union européenne va dans le sens de l’universalisme humain, voilà pourquoi elle compte. Toutefois, il faut bien admettre que le cosmopolitisme ne convient qu’aux gens pour qui l’aire de jeu est vaste, à un saut en avion, d’une capitale à l’autre. Beaucoup d’individus se contentent de l’horizon qu’ils aperçoivent de leur maison. S’il faut leur demander de participer à un ensemble géographique plus large, c’est parce qu’ils sont influencés, qu’ils le sachent ou non, par la mondialisation et que pour s’en protéger, il faut non pas fermer les frontières, mais construire la force qui lui résistera.
Il y a, selon le sondage du « Figaro », autant de Français qui ne veulent pas quitter l’UE que de Français (45 %) qui souhaitent un référendum. Il ne peut pas avoir lieu s’ils ne sont pas informés avec précision du contenu des traités qui lient les 27 membres. On n’exigera jamais que les citoyens s’attellent à cette tâche et c’est bien ce qui rend hasardeux tout référendum. La construction européenne est avant tout l’affaire de nos élus, pas des 22 % qui ont été pris au dépourvu par le sondage.

RICHARD LISCIA

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3 réponses à Un « non » au « Frexit »

  1. Labro dit :

    Vous êtes un peu méprisant pourles gens du « peuple » Il n’y aurait donc que les élus qui pourraient comprendre les traités car les « sans dents » sont trop incultes, je suppose. C’était d’ailleurs l’avis de la classe politique qui en 2005 n’a pas tenu compte du résultat du référendum. Ne pas s’étonner ensuite de la fracture visible actuellement entre le peuple et ses élites tellement douées, mais qui nous ont mises dans une situation aussi catastrophique dans tous les domaines.

    Réponse
    Ne me faites pas le coup du « mépris » qui est l’argument de tous ceux qui n’ont rien d’autre à dire. Au contraire, j’ai insisté sur le fait qu’il fallait respecter la décision des « Brexiters ». On a parfaitement tenu compte des résultats du referendum de 2005 puisqu’on l’a abandonné et qu’on en a proposé un autre à la représentation nationale. Je voudrais savoir si vous même avez jamais lu les textes. Nous sommes tous incultes quand nous ne parlons pas de ce qui relève de nos compétences. La construction européenne n’est pas à la portée du citoyen lambda. La situation « catastrophique » dans laquelle nous sommes n’a rien à voir avec l’Union européenne, mais pour certains, il est toujours utile de la diffamer.

    R.L.

    • Candide dit :

      De grâce, ôtez-moi d’un doute : vous n’êtes pas opposé au suffrage universel, et pis, ne considérez pas que ceux qui ne sont pas de votre avis ont nécessairement tort, et pis, qu’ils sont nécessairement idiots ?
      Je vous prie de considérer cela comme une tentative humoristique de sympathie.
      Une autre petite question si vous permettez : sauf erreur de ma part, personne ne demande la fermeture des frontières ?

  2. Le Roy dit :

    J’ai entendu Monsieur Valls parler à l’Assemblée au sujet du Brexit …. Je suis effaré du caractère dictatorial de cet individu : point d’écoute du Peuple, pour ne pas « sombrer dans le populisme » (décidément le Peuple est méprisé) mais guider la population vers une Europe unie… Guider c’est « fürhen » en allemand, et en 33, on faisait là-bas passer les lois à force de décrets, style 49/3, mais l’Assemblée avait déjà brûlé. Avec quelques nuances, l’Histoire politique a l’air de se répéter. Quelle décadence!

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