PEU SUSPECT d’être hostile à l’ancien président, « le Figaro » a publié cette semaine un sondage montrant que la cote de popularité d’Alain Juppé chez les sympathisants des Républicains, remonte à 39%, contre 33% à M. Sarkozy. Bien sûr, celui-ci a un peu de temps devant lui pour inverser ce rapport. Mais l’ensemble du climat à droite semble lui être de plus en plus défavorable. Coup sur coup, des enquêtes d’opinion alarmantes pour lui, la parution du livre assassin de son ancien conseiller Patrick Buisson (1), la mise en examen de Bernard Squarcini, un proche de M. Sarkozy, la diffusion des propos de Franck Attal, ancien dirigeant de Bygmalion, qui rend responsable M. Sarkozy des dépassements énormes de sa campagne électorale (plus de vingt millions d’euros) en 2012, l’étau de la justice qui semble se resserrer autour de l’ancien président forment un tableau pour le moins accablant.
À droite, des mises à mort.
À quoi s’ajoute la virulence de la campagne chez les Républicains. D’emblée, François Fillon avait attaqué M. Sarkozy au sujet de ses démêlés avec la justice : « Imagine-t-on de Gaulle mis en examen? » tonnait-il. La première fois qu’il a pris son ancien patron à partie sur ce point extrêmement délicat, le public fut médusé. Mais il y est revenu à plusieurs reprises et, avec le témoignage très dur de M. Attal, les langues se libèrent. C’est Jean-François Copé qui, à son tour, estime que la justice devrait passer, que M. Sarkozy ne devrait pas briguer un mandat, un peu comme si l’ancien complice devenait son pire ennemi, même s’il ajoute que, dans le cas d’une victoire de M. Sarkozy, il le soutiendrait, conformément à l’engagement pris par tous les candidats de la droite à la primaire.
De cet invraisemblable charivari à droite, on ne tirera, pour le moment, aucune conclusion. Tout au plus est-on en droit de se demander si, avant la date des élections, Nicolas Sarkozy ne va pas devoir comparaître devant un tribunal qui, de surcroît, pourrait le condamner. Ce qui risque de provoquer un bel imbroglio juridique si, choisi par la droite pour la représenter à la présidentielle, il est empêché de concourir.
Aucun signe de découragement.
Jamais peut-être une période pré-électorale n’aura été aussi confuse, enchevêtrée, grevée d’une foule d’inconnues. Supposons que M. Sarkozy soit désigné par la droite et le centre, que François Hollande décide en décembre de se présenter. Rien ne dit que l’un et l’autre pourront terminer le parcours. Les deux primaires, celle de la droite et du centre et celle de la gauche, ne suffiront pas à clarifier le débat car, à tout moment l’un des deux candidats pourrait être contraint de se désister. Or ils ne montrent aucun signe de découragement. Ils sont tous les deux engagés dans un défi qui consiste à démentir les prédictions les plus pessimistes, à prouver qu’ils ont le droit de demander leur réélection même si tous les courants leur sont contraires. On peut même penser que, plus leurs chances seront faibles, plus ils s’entêteront. Ce n’est pas la moindre des ironies que ces deux hommes que tout distingue et éloigne partagent une sorte de communauté de destin : candidats rejetés par un peuple qui réclame leur retrait dès aujourd’hui, mais décidés à tenter leur chance envers et contre tout.
Deux hommes, dans cette tourmente politique, sortent leur épingle du jeu : Alain Juppé et Emmanuel Macron. Le premier se garde bien d’attaquer M. Sarkozy avec la furia d’un Fillon ou d’un Copé. Il a raison. Il ne doit pas se faire des ennemis dans le noyau dur du parti qui soutiendra Sarkozy jusqu’au bout. Copé et Fillon n’ayant pratiquement aucune chance d’être élus, ils peuvent se permettre de démolir l’ancien président sans en payer les conséquences. Juppé, lui, continue son bonhomme de chemin. Il laisse passer l’ouragan polémique avant de compter les perdants et de faire son offre politique. Macron, de son côté, commence à apparaître comme la seule alternative sérieuse à la candidature de Hollande. C’est un moment significatif de la campagne.
RICHARD LISCIA
(1) Voir le blog d’hier
En parallèle aux propos de François Fillon : « Imagine-t-on de Gaulle mis en examen? », peuvent les accompagner: «Imagine-t-on de Gaulle proférant « casse-toi pauvre con » ».