Bayrou perturbe la campagne

Bayrou complique le jeu (Photo AFP)

Bayrou complique le jeu
(Photo AFP)

François Bayrou fait l’objet d’une polémique qui oppose Alain Juppé et Nicolas Sarkozy. Le maire de Pau, en effet, a l’intention de se présenter à l’élection présidentielle si l’ancien président est élu candidat de la droite et du centre.

LA POSITION de M. Bayrou est en contradiction flagrante avec les principes de la primaire. Ces principes exigent que la droite et le centre se rassemblent autour du candidat qu’ils auront désigné. M. Sarkozy est donc fondé à dire que le rôle personnel que M. Bayrou entend jouer est dangereux pour la droite, mais, bien sûr, ce que pense M. Sarkozy, c’est que, s’il est élu à la primaire, M. Bayrou fera tout pour l’empêcher de se qualifier au premier tour de la présidentielle. Effectivement, ce cas de figure représente un danger réel pour lui. De son côté, M. Juppé n’entend pas changer de position. Son principal souci étant d’élargir au centre une éventuelle majorité de droite, il n’excommuniera pas François Bayrou. Son refus de couper les amarres avec le maire de Pau s’explique par l’amitié entre les deux hommes. Le maire de Bordeaux, qui a soutenu M. Bayrou et l’a aidé à reconquérir la mairie de Pau en 2014, rappelle que, en 2008, la droite a contribué à l’élection d’un maire socialiste à Pau, qui a donc échappé à M. Bayrou. Ce matin encore, M. Juppé manifestait un certain agacement. « Cette sorte d’obsession anti-Bayrou, ça commence à bien faire », s’est-il exclamé. Il a rappelé que, pour ce qui le concerne, il a voté Sarkozy en 2012 et qu’il ne le regrette pas.

La « trahison » de Bayrou.

Le problème vient de l’anti-sarkozysme affiché de M. Bayrou, qui a voté en faveur de François Hollande en 2012. L’ancien président accuse le maire de Pau d’avoir été l’unique responsable de sa défaite en 2012, ce que M. Bayrou nie farouchement en estimant que M. Sarkozy a perdu simplement parce qu’il n’a pas réuni assez de suffrages. M. Juppé, qui est placé en tête de tous les sondages, rencontre cette fois un problème qu’il ne peut pas écarter en se contenant d’exprimer son énervement. Le choix de M. Bayrou de voter Hollande il y a quatre ans fait de lui un personnage particulièrement haï par ce noyau de sarkozystes qui soutiendront jusqu’au bout l’ancien président et qui sont pourtant censés voter Juppé si M. Sarkozy est battu à la primaire. D’ailleurs, les soutiens de M. Sarkozy nient à M. Bayrou la qualité de centriste. Et il est vrai que son parcours sinueux l’a conduit en 2012 à abandonner la neutralité minimale que l’on pouvait attendre d’un centriste qui, par ailleurs, n’épouse guère les idées économiques du parti socialiste.

Deux stratégies différentes.

L’enjeu ne concerne pas seulement la carrière personnelle de M. Sarkozy, même si M. Bayrou se donne, non sans un certain acharnement, le moyen de l’interrompre à sa guise. Il porte sur le rassemblement qui doit consacrer M. Juppé au second tour. Le maire de Bordeaux n’hésite pas à promettre, s’il est élu, une nouvelle négociation avec les centristes pour leur accorder un plus grand nombre d’investitures aux législatives, manière de s’assurer leurs votes dans les deux tours. Cette ouverture au centre n’est pas du goût de M. Sarkozy et si les deux hommes s’opposent, c’est bel et bien parce que leurs programmes sont divergents, M. Sarkozy entendant durcir son programme pour écarter Marine Le Pen de son chemin alors que M. Juppé, au contraire, souhaite gouverner avec une majorité élargie, donc influencée par des idées centristes qui ne lui déplaisent pas. Le différend entre sarkozystes et juppéistes n’est pas négligeable. L’ambition de M. Bayrou (qui, au premier tour de la présidentielle de 2007, a obtenu 18,57 % des voix et est arrivé troisième, assurant de la sorte l’élimination de Jean-Marie Le Pen) et son aversion pour Nicolas Sarkozy l’ont amené en 2012 à s’engager à gauche, ce qui ne fait pas de lui l’ami tout désigné de la droite. D’autant que les centristes sont eux-mêmes divisés entre MoDem (Bayrou) et UDI (Jean-Christophe Lagarde). M. Juppé aura fort à faire, d’abord pour calmer la droite de son propre parti, ensuite pour rassembler autour de lui un centre décomposé.

RICHARD LISCIA

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2 réponses à Bayrou perturbe la campagne

  1. Lefrançois dit :

    J’avais voté Sarkozy en 2007, je n’ai pas voté Sarkozy en 2012 (et pas pour Hollande non plus !), et je ne revoterai pas pour Sarkozy.
    Par ailleurs, M. Bayrou m’est très sympathique, j’apprécie depuis longtemps ses prises de position et son honnêteté, et M. Sarkozy, dont l’arrivisme dépasse le talent, ne séduit plus grand monde, sauf ses supporters inconditionnels, aux comportements si évocateurs de ceux des supporters de foot (et ce n’est vraiment pas un compliment)…
    M. Sarkozy me donne de plus en plus l’impression de se « trumpiser ».
    J’approuve les commentaires sages et réfléchis de Alain Juppé sur cette dernière affaire.

  2. TAFANI dit :

    M. Bayrou est aveuglé par son antisarkosysme. Ses analyses et son jugement manquent d’objectivité, voire d’honnêteté intellectuelle, comme lorsqu’il s’affranchit des règles de la primaire et du centre tout en appelant ses sympathisants à aller voter pou M. Juppé.

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