Une droite de combat

Les dés sont jetés (Photo AFP)

Les dés sont jetés
(Photo AFP)

Cette longue campagne électorale, qui a commencé longtemps avant la fin du mandat de François Hollande et se poursuivra pendant encore plus de cinq mois, aura surtout été marquée par le retour d’une droite forte qui, s’estimant désignée par la faillite de la gauche, veut apporter au pays un projet « révolutionnaire » débarrassé enfin des compromis sociaux.

L’ÉVICTION de Nicolas Sarkozy aura servi de catharsis : notre destin ne dépend pas d’une double ration de frites dans les cantines scolaires pour remplacer le jambon, ni de notre attachement à notre passé gaulois, il dépend d’une restructuration complète de nos moyens de production, de notre rapport avec la protection sociale, de l’équilibre entre nos revenus et nos dépenses, de la sécurité intérieure et extérieure qu’il faut assurer, compte tenu de de la multiplicité des dangers, des sacrifices indispensables que nos concitoyens doivent faire s’ils veulent offrir à leurs enfants et petits-enfants un avenir meilleur.

Un échange tranquille.

Le débat de jeudi soir est-il de nature à inverser le rapport de forces entre François Fillon et Alain Juppé ? Annoncé comme un combat de boxe, il a été un échange tranquille et il a surtout souligné que, en dépit de quelques différences relativement mineures sur l’assurance-maladie ou la politique étrangère du pays, les deux programmes procèdent de la même inspiration, du même désir de changement. M. Juppé s’est attaché à démontrer que les calomnies lancées contre lui sur les réseaux sociaux n’avaient aucun fondement. M. Fillon s’est employé à rassurer l’électorat qui craint des bouleversements dont il pâtirait excessivement. Aucun des deux candidats n’a gagné ou perdu cette dernière manche, mais il me semble bien improbable que l’écart, même s’il se réduit, disparaisse complètement. Gardons-nous de faire un pronostic, à moins de deux jours du scrutin. Huit millions et demi de téléspectateurs ont assisté au débat, ce qui est énorme et laisse présager une participation au moins aussi élevée que celle de dimanche dernier.
Il y a quand même un camp qui établit une différence entre M. Fillon et M. Juppé, c’est la gauche. François Hollande, qui, le 20 novembre, a perdu son adversaire idéal, en l’occurrence Nicolas Sarkozy, a trouvé son remplaçant en la personne de M. Fillon. Lequel peut s’attendre à un déluge d’épithètes, parmi lesquelles celle de « réactionnaire » reviendra cent fois par jour dans sa bouche. Je suis surpris par l’entêtement et la virulence d’une gauche qui, loin de dresser le bilan de ses erreurs, continue à se ressourcer dans l’oasis empoisonnée de ses convictions obsolètes. Ce que la primaire de la droite a réussi à montrer, et c’est d’une importance cardinale, c’est que le chemin du redressement est semé de paradoxes, à commencer par un traitement du chômage fondé sur la réduction du nombre de fonctionnaires. Il est logique que ceux-ci se rebellent et dénoncent une théorie qui fait de leur pléthore la raison principale de nos déficits, mais il ne s’agit ni de contester la qualité de leur travail ni d’imaginer une société qui pourrait se passer d’eux. Le seul problème, c’est qu’on a fait du recrutement dans la fonction publique ou territoriale l’unique moyen de lutter contre le chômage, alors qu’il faut créer des emplois marchands, ce que la France ne sait plus faire.

Croire au paradis.

C’est l’heure de la droite, mais elle se termine dimanche. Le choix du candidat à la présidence aura été à peine annoncé que se mettront en branle les cohortes variées de ces gauches innombrables qui ne sauront jamais s’unir. L’épouvantail de la « réaction » s’attirera plus de violence verbale qu’il ne les soudera. Au moins auront-elles un os à ronger. M. Hollande en fera son miel. Comme un étudiant qui n’a appris qu’un sujet mais le connaît à fond, il dira combien lutter contre M. Fillon (ou, par défaut, M. Juppé) lui semble facile, combien la bagarre à venir lui paraît confortable, presque agréable et, bien sûr, qu’il n’y a pas de meilleur homme que lui pour venir à bout « du candidat le plus réactionnaire que la droite ait produit ». S’il avait démontré l’efficacité de sa méthode, il serait plus crédible. Parfois, on en vient à se demander pourquoi une bonne fraction de la gauche continue à croire, malgré son lamentable échec, qu’il y a dans la dé-mondialisation, dans le protectionnisme, dans le renforcement du filet social les éléments propres à faire de la société française un paradis. Cet argument, à savoir qu’il n’y a d’espoir que si nous nous adoptons aux conditions que le monde nous impose, le président de la République en fera curieusement son fer de lance, arrachant à la droite son credo pour tenter de la vaincre.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à Une droite de combat

  1. Andre MAMOU dit :

    Pas très bien compris la dernière phrase : la nécessaire adaptation aux conditions que le monde nous impose, c’est le programme de la droite. Francois Hollande en fera son fer de lance pour tenter de la vaincre. Ça voudrait dire qu’il refusera la mise à niveau du pays ? Et il proposerait quoi à la place ?

    Réponse

    Je reconnais que la phrase est un peu mystérieuse mais c’est mon côté subtil. Hollande se présente comme un homme qui a fait des réformes et qui en ferait encore s’il était réélu. Il prend son programme à la droite et en fait son fer de lance pour tenter de la vaincre (la droite). Désolé d’être si compliqué, mais ce n’est jamais drôle de faire simple. Merci pour votre vigilance.

    R.L.

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