Couacs de campagne

Valls s'oppose à lui-même (Photo AFP)

Valls s’oppose à lui-même
(Photo AFP)

Ni à droite, ni à gauche, la campagne électorale ne suit un cours tranquille. Bien que quelques-uns des candidats aient accompli en amont un travail considérable, le sentiment général est qu’ils sont parfois pris à revers par les événements ou par leur difficulté à s’adapter aux écueils de leur parcours.

L’ÉVÉNEMENT le plus surprenant s’est produit hier. Manuel Valls a déclaré qu’il envisageait de supprimer l’article 49-3 de la Constitution, celui-là même qu’il a utilisé en diverses circonstances et notamment pour que la loi Travail soit adoptée sans vote. Les explications de ses amis sur ce revirement sont laborieuses. Les commentaires de ses rivaux sont sarcastiques. L’ex-Premier ministre devrait au contraire assumer ses recours passés au 49-3, même si nombre de socialistes lui ont reproché de refuser le débat sur le contenu de la loi Travail. D’une part, il n’a pas été le premier chef de gouvernement à recourir au 49-3, les précédents étant innombrables à droite comme à gauche ; d’autre part, le 49-3 n’est pas une monstruosité, mais un article de la Constitution destiné à renforcer l’action du gouvernement, notamment quand il rencontre des procédures parlementaires dilatoires utilisées avec l’intention d’empêcher une réforme importante ; enfin, le 49-3 dit que, si l’Assemblée est tellement hostile à un projet de loi, elle peut voter la censure et provoquer des élections anticipées. Il s’agit certes d’un passage en force, mais aux risques et périls du gouvernement.

Fillon et la Syrie.

Pourquoi la candidature de Manuel Valls est-elle séduisante même si, en tant qu’ancien Premier ministre, il ne peut que défendre le bilan de François Hollande ? Parce que l’opinion estime que cet homme a de l’autorité, qu’il se conduit en homme d’État, qu’il est sérieux et compétent et que, enfin, il sait mettre un terme aux débats interminables entre socialistes coupeurs de cheveux en quatre et plus enclins à théoriser qu’à prendre des décisions. M. Valls s’est toujours présenté à nous comme un décideur, voilà qu’il condamne lui-même sa propre action.
Il en va de même pour François Fillon qui, sur la réforme de l’assurance-maladie, se livre à une volte-face, alors qu’il n’a cessé de donner l’impression d’avoir peaufiné son projet avec une remarquable minutie. La politique autorisant toutes les accusations, la gauche en détresse a d’emblée trouvé à M. Fillon des particularités qui, selon elle, ne sont pas éloignées de celles Front national. C’est bien sûr inepte comme tout ce qui est est exagéré, mais voilà que le candidat de la droite et du centre, un peu comme s’il se voyait déjà à l’Élysée, intervient dans le débat sur la Syrie en prononçant cette phrase qui lui collera à la peau : « Jamais l’indignation n’a sauvé une vie ».

Rester soi-même.

M. Fillon veut démontrer qu’il est le champion de la Realpolitik, qu’il est capable de négocier avec des dictateurs, et que toute tragédie politique doit être traitée avec sang-froid. Fort bien. Mais l’indignation des peuples a sauvé des quantités de vies humaines et, sans elle, il n’y aurait pas de révolte, pas de révolution. M. Poutine fait peut-être ce qu’il veut, mais il tient compte des pressions exercées sur lui par l’ONU ou par des gouvernements qu’indignent ses méthodes. En outre, comme l’a fait remarquer Jean-Marc Ayrault, ministre des Affaires étrangères, les Européens sont prêts à négocier avec n’importe qui, y compris Poutine et Assad, pour préserver les quelque 50 000 personnes qui ne seraient pas encore sorties d’Alep. De sorte que, quand M. Fillon dit qu’il souhaite que soit déclenchée une initiative diplomatique à l’échelon européen, il ne semble pas tout à fait informé.
À plusieurs reprises, j’ai souligné que malgré la pléthore de candidats, les Français n’en trouveront jamais un qui soit le décalque de ce qu’ils feraient eux-mêmes. Un élu ne peut pas faire la synthèse de millions d’avis différents. Il n’empêche qu’un candidat élu à la primaire doit éviter toute erreur avant la présidentielle s’il ne veut pas que ses électeurs regrettent leur choix. Pour ce qui concerne M. Valls, peut-être souffrira-t-il, lors de la primaire, de sa « sortie » sur le 49-3. Certes, on aura compris qu’il n’a cédé sur ce point que parce qu’il veut « rassembler » la gauche. Il s’agit d’une tâche particulièrement ardue, mais qu’il doit accomplir en restant lui-même.

RICHARD LISCIA

PS-Je m’absente quelques jours. Je vous retrouve le 27 décembre.

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8 réponses à Couacs de campagne

  1. Elie Arié dit :

    Pourquoi avons-nous l’indignation aussi sélective ? La situation humanitaire n’est guère plus brillante au Yémen : l’ Arabie Saoudite serait-elle plus présentable que le gouvernement syrien ?
    Et j’ai personnellement du mal à prendre le parti des « libéraux » d’ Al-Nostra-Al-Quaïda contre les radicaux de Daech…

    • JMB dit :

      Quel pays avait 17 ressortissants impliqués dans l’attentat du 11 septembre 2001, qui a des ressortissants ayant financé la nébuleuse islamiste ? La Pakistanaise ayant participé avec son mari à l’attentat de San Bernadino avait fait un séjour en Arabie saoudite, qui avait été aussi le lieu de mariage du couple.
      Les protestations humanitaires des chefs d’État complaisants avec ce pays ne sont pas crédibles.

    • Michel de Guibert dit :

      Oui, il y a d’autres islamistes radicaux que Daech : le Front Al Nosra (rien à voir avec Cosa Nostra !) et aussi le Front Fatah al-Cham (dont on parle moins) et d’autres encore…

  2. Les magnifiques progrès de la médecine sont principalement liés à l’indignation contre la souffrance humaine. Que de vies sauvées !
    Comment faire confiance en un homme (François Fillon) qui affirme que l’Histoire de France commence avec Clovis ! Et Vercingétorix alors ?

    • Elie Arié dit :

      On ne peut pas dire que la France existait du temps de Vercingétorix; ou alors, il faut faire commencer son Hstoire au temps des australopithèques.
      « C’est la Troisième République, surtout, qui instrumentalise Vercingétorix en insistant sur son rôle héroïque de résistant à l’envahisseur et symbole de ce qui fait l’essence française. Cette propagande est destinée à exalter le patriotisme des Français en exacerbant le sentiment de revanche après la défaite de 1870 contre l’Allemagne fraîchement unifiée derrière la Prusse. L’image du patriote gaulois qui se lève contre l’envahisseur est magnifiée par les manuels scolaires, dont le Lavisse« : (wikipédia.)

    • Michel de Guibert dit :

      Ah nos ancêtres les Gaulois !!!

    • JMB dit :

      Extraits d’un Lavisse de 1897:
      “…les Gaulois encore barbares vivaient dans des chaumières basses, perdues au fond des bois…leur industrie et leur art n’étaient pas plus avancés que ceux des peuples sauvages d’aujourd’hui.”
      plus loin;
      “Comme les Romains étaient très civilisés, ils apprirent aux Gaulois toutes sortes de choses que ceux-ci ne savaient pas.”
      “Nos ancêtres les Romains” est le titre d’un ouvrage de la collection Découvertes Gallimard (l’un des auteurs est John Scheid, professeur au Collège de France). Ces ancêtres me conviennent mieux!

  3. mXmF dit :

    Il faut bien sûr prendre la réflexion de M. Fillon au premier degré : il n’est plus temps de s’indigner, mais d’agir !
    En revanche, on peut s’indigner du fait que les médias désignent sous le nom de « rebelles » les djihadistes d’Alep, alors qu’ils désignent bien ceux de Mossoul sous le nom de Daesh !
    Car, la quasi totalité des opposants d’Alep sont des djihadistes (il ne reste pratiquement plus d’opposants démocrates et ceux qui persisteraient ont rejoint Al Quaïda et les autres groupes terroristes) !
    Et cela de l’avis des professionnels les plus avertis.

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