L’héritage d’Obama

Obama hier à la Maison Blanche
(Photo AFP)

Vendredi est le jour où Donald Trump prendra ses fonctions de président des Etats-Unis. J’ai traité à plusieurs reprises de ce changement sans précédent dans la vie politique américaine. Ni dans ce blog, ni dans ma chronique du Quotidien du médecin, je n’ai encore évoqué le bilan de Barack Obama. Il est donc temps que je lui consacre quelques lignes.

LE LECTEUR ne sera pas surpris que je prenne la défense du 44ème président américain. Je résiste néanmoins à l’aveuglement qui me conduirait à dresser un tableau entièrement positif de ses deux mandats, sans pour autant tomber dans les imprécations qui, dans la presse française, ont accablé M. Obama. Il a été constamment guidé par une nécessité que, par pusillanimité et par caprice, mes compatriotes n’ont pas comprise. Il a voulu mettre fin à deux guerres perdues, celle d’Irak et celle d’Afghanistan, qui ont considérablement affaibli l’Amérique et ont laissé un sillage désastreux charriant des dépenses énormes, de lourdes pertes militaires, des traumatismes durables et dévastateurs chez les combattants. C’est le pétrin du Proche-Orient qui l’a conduit au fiasco syrien. Il demeure que ceux qui lui reprochent aujourd’hui sa passivité stratégique sont exactement les mêmes qui condamnaient George W. Bush, le président auquel M. Obama a succédé, pour son interventionnisme frénétique.

Succès et échecs.

Cependant, Barack Obama a su renflouer un pays écrasé par une crise économique et financière sans précédent depuis 1929 ; il a tenté de donner à ses compatriotes un système d’assurance-maladie plus équitable ; il a su écarter un conflit avec l’Iran ; il a renoué avec Cuba ; il a réussi à se débarrasser de Ben Laden ; noir, il a voulu être le président de tous les Américains sans favoriser particulièrement la communauté à laquelle il appartenait ; avec son épouse, Michelle, il a apporté à sa longue présidence (deux mandats et une popularité remarquable au bout de huit ans) une dignité, une hauteur de vues, et, pourquoi pas ? un humour que n’ont pas toujours eu ses prédécesseurs et que n’aura sûrement pas son successeur. Lequel nous a déjà prouvé que la vulgarité, le mensonge, la démagogie, la confusion entre la politique et le business sont ses instruments de pouvoir.
Le plus grand échec de M. Obama, c’est précisément qu’il n’ait pas empêché l’arrivée de Donald Trump au pouvoir. Le nouveau président oblitèrera à peu près tout ce qu’a fait et tout ce qu’a été M. Obama. Inutile de verser des larmes : nous devons nous accommoder calmement de ce que tout le monde appelle déjà « le nouvel ordre mondial ». Nous en accommoder, mais surtout continuer à défendre nos idées, par exemple nos convictions européennes qui, plus que jamais, nous serviront de rempart contre le cynisme et la brutalité. Je ne crois pas du tout que l’avenir des relations internationales doive être uniquement défini par le rapport de forces, même s’il est bon que les démocraties montrent les dents quand elles sont menacées de l’extérieur par le nihilisme et de l’intérieur par les folies auxquelles conduit le désespoir social. Je ne crois pas non plus que tout aille si mal en Occident. Les peuples tellement révulsés par le chômage ou la précarité et nostalgiques du « bon vieux temps » devraient se rappeler ce qu’est une guerre mondiale, le totalitarisme, le mépris de la vie humaine, les pires moyens mis au service de la pire des fins.

Un peu de culture ne nuit pas.

Je ne crois pas davantage que des hommes peu cultivés, qui ont réussi parce qu’ils ignorent leurs obligations fiscales, qui voient le monde comme une chaîne de transactions commerciales, sont plus qualifiés pour gouverner que les produits des grandes écoles, tellement stigmatisés aujourd’hui, comme s’ils avaient commis un crime en acquérant une bonne éducation. Justement, M. Trump est un bateleur alors que M. Obama sort de Harvard, où il dirigeait la Law Review de l’école, ce qui n’est pas une mince affaire et témoigne de ses compétences et de la qualité de son savoir. Je crois qu’un peuple prend un risque quand il accorde la fonction suprême à un homme qui n’a jamais été élu auparavant. Je pense que, avec le temps, M. Obama, qui aurait été réélu s’il avait eu le droit de briguer un troisième mandat, figurera au sommet de la mémoire historique. L’Amérique, qui, l’an dernier, a rejeté la candidature d’une femme dont l’élection aurait été pourtant admirée par le reste du monde, semble ne s’être jamais remise d’avoir mis un Noir au pouvoir. Elle semble avoir décidé, dans son for intérieur, qu’on ne l’y reprendrait plus. A cette forme d’intolérance née de la peur d’un peuple dépassé par sa propre audace, je donne le nom de repli ou de contraction autour d’une zone de confort réduite à peau de chagrin.

RICHARD LISCIA

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3 réponses à L’héritage d’Obama

  1. Elie Arié dit :

    « Je crois qu’un peuple prend un risque quand il accorde la fonction suprême à un homme qui n’a jamais été élu auparavant. » : mais vous partez en guerre contre M. Macron, là !

    Réponse
    Vraiment ?
    R.L.

  2. Abdo Tunisie dit :

    Un bon article qui décrit l’actualité de ces jours, bravo !!

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