L’heure de Macron

Macron a aussi de la chance
(Photo AFP)

On ne saurait minimiser la mésaventure de François Fillon : même s’il parvient à prouver sa bonne foi et celle de son épouse, l’emploi caché de Pénélope va lui coller à la peau jusqu’à la fin de la campagne.

ON A SOUVENT parlé de « l’alignement des planètes » en économie à propos de la baisse de l’euro, conjuguée à celle des taux d’intérêt et du prix du pétrole. Pour Emmanuel Macron, on perçoit également un alignement des planètes politiques puisque, au moment même où la primaire de la gauche accentue, peut-être de façon irréversible, les divisions de la gauche, l’un de ses deux principaux rivaux (François Fillon et Jean-Luc Mélenchon) se trouve en mauvaise posture. Or un affaiblissement de M. Fillon ne serait utile ni à la gauche ni à M. Mélenchon. Les électeurs de droite indignés par l’affaire Fillon n’auront pas d’autre choix que de voter Macron.

Tout ce que l’électorat déteste.

On peut nourrir des réserves sur les chances de l’ancien ministre de l’Économie, on doit reconnaître la force de son analyse de l’état des lieux politiques qui l’a incité à se présenter à la présidentielle. Une gauche dévastée, des candidats au second tour de la primaire socialiste qui ont administré la preuve que, en dépit de leurs promesses de se rabibocher le 30 janvier, ils prônent des politiques diamétralement opposées ; une droite qui semblait devoir triompher facilement mais dont le candidat désormais unique est enferré dans un début de scandale qui est très exactement tout ce que hait l’électorat, tout ce qui le révolte, tout ce qu’il condamne, quitte à jeter son bonnet par dessus les moulins et à voter pour Marine Le Pen. Il faut certes laisser la justice faire son travail et M. Fillon s’expliquer. Il n’empêche que des forces obscures tentent de disqualifier les candidats qui ont de bonnes chances, François Fillon donc, mais aussi Emmanuel Macron, accusé d’avoir eu un grand train de vie à Bercy aux frais du contribuable mais qui vient d’être blanchi par Michel Sapin. On voit clair : diffamez, diffamez, il en restera toujours quelque chose. Il y a, chez certains, le désir de manipuler l’électeur et rien n’est plus facile. Il suffit de se servir des réseaux sociaux et de laisser le venin du soupçon envahir toutes les consciences.

La bonne question de cette année.

Cependant, si les attaques contre M. Macron peuvent être aisément circonscrites, il n’en va pas de même pour M. Fillon. On ne pose pas assez souvent la bonne question de cette année. Il s’agit certes d’en finir avec un traitement du chômage totalement inefficace, de remettre la France au travail, de rendre notre industrie plus compétitive. Mais il s’agit aussi d’écarter durablement du pouvoir Marine Le Pen dont les idées sont encore plus dangereuses que celles de Benoît Hamon. Il s’agit, ni plus ni moins, de protéger notre démocratie. Ce que les fossoyeurs du pays ne parviennent pas à obtenir par les urnes, ils tentent de le conquérir par l’assassinat politique d’un ou plusieurs candidats qui font de l’ombre à leur projet délétère. Que l’on soit de droite ou de gauche, pour ou contre le revenu universel, pour une politique de l’offre ou pour celle de la demande, il existe une majorité hostile à la démagogie, au mensonge, à la manipulation. Force est d’admettre, même à gauche, que, de même qu’en 2002 Chirac fut un rempart contre Le Pen, Fillon cette année en est un contre une autre Le Pen. Si l’affaire qui le concerne finit par le discréditer, nous risquons collectivement de n’avoir plus le choix qu’entre deux démagogues, celui de l’extrême gauche et celle de l’extrême droite.
Dans ce contexte, Emmanuel Macron prend une énorme valeur ajoutée. Quoi que nous pensions de lui, nous le préfèrerons à Marine Le Pen et je ne parle ici qu’au nom des démocrates. Il est certainement en train de compter les points qu’il engrange.

RICHARD LISCIA

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13 réponses à L’heure de Macron

  1. Elie Arié dit :

    Je suis sceptique sur les effets électoraux de « l’affaire Pénélope » pour M. Fillon; je crois me souvenir qu’un certain Jacques Chirac a longtemps traîné une affaire d’emplois fictifs , pour laquelle il a fini d’ailleurs par être récemment condamné, affaire qui ne l’a pas empêché d’être élu 2 fois à la présidence. À notre époque où une information chasse l’autre à grande vitesse, je serais étonné que « l’affaire Pénélope » ne soit pas depuis longtemps oubliée au moment du premier tour de la présidentielle.

    • Hum … une piqûre de rappel mi-avril saura réveiller la synthèse des anticorps anti-Fillon, n’en doutons pas.
      Personnellement, j’aime bien Emmanuel Macron. On peut lire ses principales idées sur le site « En Marche! ». Je suis allée à une réunion d’un comité local; cela bouillonnait d’idées. Sympa. Beaucoup de jeunes. Je crois que « Marianne » ne l’aime pas trop. Du fait de l’amitié entre François Bayrou et JFK ?

      • Michel de Guibert dit :

        @ Agnès Gouinguenet
        Ah, il a des idées ?
        Il ne suffit pas de marcher, il faut savoir vers quoi !
        Vous faites l’éloge du vide de la pensée politique… à quand son programme ?

        • M. Macron demande à tous les Français de marcher vers le plus d’autonomie possible pour eux (nous les Français), au sein d’une Europe efficace, ce qui exclut courtoisement (il ne dit jamais de mal de personne) le FN. Autonomie par le travail nécessitant innovation, autonomie par un assouplissement d’une certaine administration bloquante, justice ciblée et réfléchie en supprimant l’ISF pour ceux qui sont devenus riches par leur travail, mais en le maintenant pour ceux qui sont devenus riches par héritage. Emmanuel Macron est un fervent partisan de notre devise républicaine, liberté (grâce à l’autonomie financière de chacun), égalité des droits (jeunes, moins jeunes, hommes, femmes, homosexuels, hétérosexuels …), fraternité (par une solidarité des plus aisés vers les plus pauvres en augmentant la CSG au lieu d’augmenter la TVA, par l’institution d’un régime universel de retraite et d’un régime universel de l’assurance-chômage). Sans oublier, puisque nous sommes chez R.L., un gros effort sur la médecine de prévention, afin de diminuer les frais de la médecine curative … du bon sens.
          Etc …

          Pardon à R.L. pour ce long commentaire, d’ailleurs très incomplet quant à la « démarche » du mouvement profondément républicain « En Marche ! ».

  2. lionel dit :

    Je suis démocrate et ne préfère ni Marine Le Pen ni Emmanuel Macron. Si l’affaire Pénélope Fillon devient délétère à ce point, au parti Les Républicains de prendre ses responsabilités et être docte et pédagogue vis-à-vis de son électorat : François Fillon peut renoncer à sa candidature à la présidentielle. Bien sûr il a le droit de s’expliquer et de se défendre mais s’il se présente pour perdre, ça ne sert à rien. Son projet (de tous les candidats à la présidence) est certes le plus abouti mais celui d’Alain Juppé est pratiquement similaire. Par ailleurs, la personnalité d’Alain Juppé étant moins clivante, la case que souhaite occuper M. Macron sera de nouveau prise et les chances pour la France d’être réellement gouvernée par un homme d’Etat seront largement renforcées. A suivre…

    Réponse
    On ne peut pas être démocrate et renvoyer Le Pen et Macron dos-à-dos.
    R.L.

    • lionel dit :

      Je m’attendais à votre réponse. Dans mon commentaire précédent je parlais de préférence car ni le programme de l’une, ni la quasi-absence de programme de l’autre ne m’éblouissent. Mais surtout ne vous inquiétez pas je suis un démocrate pragmatique et s’ils se retrouvaient tous les deux face à face au second tour je voterai Macron. Ainsi mon vote au second tour se fera une fois de plus par défaut et non par conviction.

      Réponse.
      Votre vote ne m’inquiète pas du tout. Il n’empêche : Macron a un programme et il est faux de dire qu’il n’en a pas. Vous avez tous les droits, y compris de voter par défaut, c’est votre affaire et ce n’est pas le sujet du blog.

    • Michel de Guibert dit :

      En matière d’emplois fictifs, Alain Juppé a déjà donné et a été condamné pour cela…
      Pour ce qui concerne François Fillon, il ne s’agit que de suspicion… ne mettons pas les deux hommes sur le même plan à cet égard !

  3. Num dit :

    Macron ne fera pas plus de 15%. Et encore, uniquement si Hamon est candidat du PS.
    Il n’a pas d’expérience d’une élection, pas de programme, pas de parti structuré… Juste un phénomène de curiosité et de mode, savamment entretenu par les médias (ce qui ne porte pas forcément chance, cf. M. Juppé).
    « Pour Emmanuel Macron, on perçoit également un alignement des planètes politiques ». On peut faire la même analyse pour Mme Le Pen.
    « Les électeurs de droite indignés par l’affaire Fillon n’auront pas d’autre choix que de voter Macron. » Ou Le Pen.

    Réponse
    Tout pronostic est hasardeux. Il ne s’agit pas de prendre des paris, mais de se demander si Marine Le Pen peut l’emporter. Il me semble qu’il est inutile, dans le cadre de ce blog, d’envisager avec jubilation la victoire du Front national.
    R.L.

    • Num dit :

      Aucune jubilation de ma part, loin de là. De la crainte plutôt.
      Mais surtout la sensation que tout dirige vers ce scénario comme s’il était inéluctable…

    • Num dit :

      Quant au pronostic, nous verrons. Néanmoins, je me souviens avoir parié sur la victoire de Fillon deux semaines avant la primaire de droite et vous m’aviez alors répondu qu’elle était impossible.
      Ce que je souhaite; c’est que Fillon parvienne à prouver son honnêteté et fasse obstacle à l’élection de Mme Le Pen.

      Réponse
      Bravo ! Il fallait parier aussi sur ses démêlés avec le parquet financier.
      R.L.

  4. tamburini dit :

    Arrêtez avec Macron, ce n’est qu’un pur produit médiatique et il fera pschitt.

    Réponse
    Beaucoup de produits médiatiques réussissent.
    R.L.

  5. fifileriri dit :

    Le Parquet national financier ne serait pas la juridiction appropriée pour instruire l’affaire (aux multiples facettes => multiples chefs d’inculpation :conflit d’intérêts,prise illégale d’intérêts,détournements de fonds publics,abus de biens sociaux,emplois fictifs,violation du règlement des assemblées…etc)selon le clan Fillon.La presse ainsi que la justice ne seraient pas qualifiées pour savoir si les agissements de M. Fillon sont délictueux.Mieux:la presse et la justice seraient les ennemies jurées de M. Fillon et donc de la démocratie.Ces affirmations/assertions appellent deux réflexions.Tout d’abord on connaît peu de démocratie vivante et pérenne privée de presse libre et de justice indépendante.Dans les dictatures/régimes autoritaires la justice comme la presse sont aux ordres du pouvoir exécutif.On peut donc entrevoir la façon dont M. Fillon exercerait le pouvoir en considérant que la justice et la presse sont les ennemies de la démocratie…On peut légitimement s’en inquiéter.D’autre part,si la justice n’est pas habilitée à rendre la justice (y compris lorsqu’un député est impliqué)alors les institutions sont illégitimes,sont frappées d’illégitimité.Le clan Fillon a martelé :« la justice est nulle ».Dès lors,on peut penser,dans la mesure où M.Fillon entend prendre le pouvoir (briguant la magistrature suprême)qu’il cherche à se soustraire à la justice en se prévalant de sa qualité (député)et qu’il prépare un « coup d’état institutionnel ».

    • JMB dit :

      Depuis Montesquieu, l’indépendance et l’équilibre des trois pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire sont jugés indispensables au bon fonctionnement d’un régime démocratique. En France, avec une constitution élaborée au cours de la guerre d’Algérie et pour un homme exceptionnel, ils ne sont déjà pas bien respectés entre les pouvoirs exécutif et législatif. Cette situation s’est encore aggravée avec des législatives suivant l’élection présidentielle, les rendant subsidiaires. Le président des États-Unis est confronté à des élections de mi-mandat, la cohabitation est une situation normale.
      En France, il est commun de remettre en cause l’indépendance de la justice. Sarkozy, après avoir traité les magistrats de petits pois, avait un programme, avant son élimination de la primaire de la droite, restreignant cette indépendance. Mettre en cause la justice est une antienne d’hommes politiques très entendue. On frise la saturation.
      Il est fini le temps de l’Ancien Régime où le roi de droit divin se jugeait le seul détenteur de la justice, les magistrats n’exerçant qu’une justice déléguée.
      Question préliminaire à poser à un candidat à la magistrature suprême: comment allez-vous respecter l’indépendance du pouvoir judiciaire ? Préalable pour juger de la réalité de ses convictions démocratiques.

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