Fillon dans la nasse

Fillon hier à TF1
(Photo AFP)

François Fillon a défendu son point de vue du mieux qu’il le pouvait hier soir sur TF1, avec des mots convaincants sur la réalité du travail de son épouse. Mais les conséquences politiques des révélations du « Canard enchaîné » sont déjà tangibles. La cote de popularité du candidat s’effondre.

DANS LA SÉQUENCE des événements, le plus intéressant est le refus d’Alain Juppé de remplacer M. Fillon au pied levé. L’ancien candidat à la présidentielle rappelle que son ex-rival a gagné la primaire de la droite, souligne que ses arguments sont plausibles et refuse de servir de plan B si d’aventure M. Fillon renonçait à se présenter au cas où il serait mis en examen. Parallèlement, les autres candidats de la droite se taisent. Pour une bonne raison : il faudra bien qu’il y ait un candidat LR à l’élection présidentielle. La question ne se poserait pas si les dénégations vigoureuses de François Fillon avaient tué dans l’oeuf le vaste mouvement d’hostilité contre lui qu’a déclenché l’article du « Canard ». L’ancien Premier ministre ne nie pas qu’il a fait rémunérer Mme Fillon. Sa ligne de défense repose sur la réalité du travail qu’elle a fourni. Le parquet financier s’est emparé de l’affaire, et a convoqué deux témoins, Michel Crépu, ex-directeur de la Revue des Deux Mondes, (où Pénélope Fillon a été salariée pendant quelques mois, à raison de 5000 euros par mois) et Christine Kelly, journaliste qui a publié une biographie de François Fillon. Or ils ont déjà déclaré qu’ils n’ont jamais vu Mme Fillon en collaboratrice assidue de son mari.

Le jugement négatif de l’opinion.

M. Fillon dit que sa femme a travaillé longtemps sans être rémunérée, puis qu’il a décidé de la recruter comme assistante parlementaire, à un salaire plus que confortable puisqu’il représentait plus de la moitié de l’enveloppe allouée par l’Assemblée à chaque député. Dans les sondages qui ont suivi ses explications, les Français se prononcent contre l’embauche par un élu des membres de sa famille. Et, surtout, ils ne semblent pas convaincus par les explications de M. Fillon, puisqu’ils refusent très majoritairement de l’absoudre. L’affaiblissement de celui que l’on voyait déjà président se confirme donc.
Il ne faut pas négliger le rôle joué par celui ou ceux qui ont fourni l’information au « Canard ». L’hebdomadaire n’est pas en cause qui a vérifié les éléments qu’on lui a livrés et s’est contenté d’établir une vérité absolue que nous ignorions. En revanche, le pouvoir conféré de la sorte à des forces secrètes capables d’influencer une élection présidentielle est alarmant. M. Fillon n’est pas la seule victime. Comme j’ai eu l’occasion de le rappeler, Emmanuel Macron aussi a fait l’objet d’une cabale au sujet des dépenses qu’il faisait lorsqu’il était ministre de l’Économie.

Une affaire qui fausse la démocratie.

À l’irrationnel dangereux que véhiculent les réseaux sociaux s’ajoutent donc des manoeuvres pour détruire littéralement les candidats qui font de l’ombre à ceux qu’écarte le suffrage universel et c’est valable pour la gauche comme pour la droite. On peut s’en désoler sans pour autant minimiser la pratique du conjoint-collaborateur, certes légale, mais excentrée par rapport aux exigences de l’éthique. Ce n’est pas un hasard si se produisent à point nommé des scandales qui ruinent un candidat à quelques mois d’une élection : cela fait partie de toutes les tentations perverses auquel conduit un mécontentement social qui dure depuis plusieurs années. Les lanceurs de boules puantes ressemblent aux casseurs qui détruisent le mobilier urbain à la fin de chaque manifestation, fût-elle des plus légitimes. Il est utile en tout cas que la justice ait réagi très rapidement. Sa responsabilité, malheureusement, va bien au-delà d’un délit. Le parquet financier a entre ses mains la carrière politique de M. Fillon et le destin immédiat du pays. Cette disproportion entre l’affaire et ses conséquences incalculables est regrettable.

RICHARD LISCIA

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9 réponses à Fillon dans la nasse

  1. Elie Arié dit :

    « La cote de popularité du candidat s’effondre »
    Oui, mais pour combien de temps ?
    « Il est utile en tout cas que la justice ait réagi très rapidement. »
    Je crois qu’il est de tradition (tradition qu’aucun texte de loi ne rend obligatoire), en France, que la justice diffère ses actions possibles envers un candidat à une élection importante au-delà de la date de cette élection, pour ne pas peser sur son résultat. Ce que sait très bien François Fillon, qui s’est empressé de dire qu’il ne serait plus candidat s’il était mis en examen : un bon moyen d’empêcher la justice de le faire avant la présidentielle.

    Réponse
    Cette analyse est si fine qu’elle devrait paraître dans Marianne, plutôt que de figurer dans un banal commentaire. Votre explication de texte phrase par phrase (et décidément fréquente) ne me semble pas toujours indispensable.
    R.L.

  2. Elie Arié dit :

    Cette affaire Fillon me semble être un cas flagrant de dissociation cognitive,

    – qui n’est pas, comme on le croit, une contradiction entre ce que l’on dit et ce que l’on fait ( ce qui pourrait passer pour un calcul conscient, partant du principe qu’on ne se fera pas prendre),

    -mais une dissociation, chez la même personne, de deux comportements contradictoires, dictés par des processus mentaux différents et ne communiquant pas entre eux.

    Un cas flagrant de dissociation cognitive est celui de Jérôme Cahuzac, qui s’est avéré, en tant que ministre du Budget, très efficace dans la lutte contre la fraude fiscale, allant jusqu’à faire voter une loi qui aurait pu s’appliquer…à son propre cas ( d’après cette loi, l’amende pour dissimulation des revenus au fisc est fortement majorée lorsqu’on ne peut ou on ne veut pas indiquer l’origine de ces revenus dissimulés ) !

    Nous sommes tous victimes de dissociations cognitives, et, pour rester dans le même domaine: combien de Français, sincèrement et farouchement opposés à la fraude fiscale, n’ont jamais accepté de payer à un petit artisan des petits travaux réalisés chez eux en espèces et sans facture, pour éviter de payer la TVA ?

    Réponse
    En échange de vos multiples commentaire, pourrais-je avoir une tribune à Marianne ?

  3. Jean Claude VOGT dit :

    Lemaire étant dans la même situation, Sarkozy ne pouvant pas revenir, quel candidat pourra remplacer Fillon qui semble exclu quoi qu’il arrive ? Quel désarroi pour ceux qui espéraient une bonne alternance ! Wauquiez, qui n’arrive pas à cacher son impatience, aurait il eu l’idée de tuer Fillon comme Chirac avait tué Giscard ? A qui profite le crime ?

  4. Andre MAMOU dit :

    Francois Fillon ne sera pas mis en examen avant la présidentielle. C’est pour cela qu’il déclare qu’il ne se présentera pas en cas de mise en examen.
    Il a perdu toute crédibilité aux yeux des électeurs qui lui reprocheront sa cupidité (cent mille euros à sa femme pour deux notes de lecture!) Il sera battu par Macron ou MLP, Hamon ou Valls.
    Les électeurs de la droite et du centre ne méritaient pas cette désillusion .

    • lionel dit :

      Si Fillon se présente pour perdre, ça ne sert à rien. Au parti Les Républicains d’analyser ses chances de succès, si elles ne sont pas bonnes il faut changer de candidat.

  5. FF a gagné la primaire contre toute défense et mesure l’hypertension vertigineuse qui saisit le candidat favori à la tête de la République au pied du piédestal qu’il doit investir après l’avoir conquis.
    Le doute chrétien ne suffisant pas à l’ébranler, qui est le brave Jean sans Terre qui alimente la canardière périodiquement déchaînée par les gaz hilarants. Les livres publiés en 2016 auraient tendance à suggérer que François Hollande occupe le poste de correspondant national de l’hebdomadaire laissé libre par le regretté Norodom Sihanouk après son flirt avec les `kmers rouges ».

  6. CHEMILA dit :

    Absolument. Sommes-nous en démocratie ? La date de publication d’une info manipule l’opinion, et dans une élection serrée, peut changer l’avenir de la France. c’est laisser un énorme pouvoir à une toute petite minorité. Ce qui est le propre des dictatures.

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