Le Pen fait des siennes

Un accès de révisionnisme
(Photo AFP)

Marine Le Pen a estimé dimanche que la France n’est pas responsable de la rafle du Vel’ d’Hiv’. A deux semaines du premier tour, elle a donc jugé utile de relancer une polémique que l’on croyait enterrée.

C’EST SANS DOUTE pour apaiser des tensions internes au Front national que Marine Le Pen a jugé utile de prononcer des paroles de type révisionniste. Il ne s’agit pas du tout d’un dérapage. Elle a confirmé la teneur de ses propos dans un communiqué publié dans la soirée de dimanche. Cette prise de position est d’autant plus surprenante que Mme Le Pen, à plusieurs reprises, a exprimé son intérêt pour les Français juifs et pour Israël. Ce brusque changement de la ligne officielle du parti montre qu’elle n’attend plus un vote juif en sa faveur et, surtout, qu’elle veut rassurer les éléments antisémites, révisionnistes et négationnistes qui peuplent le FN.

Le discours de Chirac.

Il est facile à Marine Le Pen de s’appuyer sur les opinions de Jean-Pierre Chevènement et de Henri Guaino qui, tous deux, dans un effort pour réhabiliter, en quelque sorte, l’image de la France, se sont opposés à la décision, prise par Jacques Chirac en 1995, de reconnaître la responsabilité de l’Etat français dans la rafle du Vel d’Hiv’. Il n’est pas inutile de rappeler que les gendarmes et policiers français ont assuré, en 1942, le rassemblement de plus de 13 000 citoyens juifs à Drancy, obéissant certes à des exigences allemandes mais assurant leur tâche morbide sans le concours des nazis. Puis, au bout de quelques journées affreusement pénibles, les Français ont envoyé leurs victimes dans des wagons à bestiaux vers les camps de la mort. Le discours de M. Chirac ne faisait donc que reconnaître une réalité qui n’est contestée par aucun historien, et qui n’avait que trop tardé car François Mitterrand s’était toujours opposé à cette lecture de l’histoire.
Ce que ne comprennent pas les souverainistes qui, cette année, ont décidément une forte emprise sur les élections, c’est qu’une nation ne s’abaisse jamais quand elle reconnaît ses fautes ou même ses crimes. Car il n’existe pas de nation totalement innocente : des guerres de Napoléon aux guerres coloniales, sans oublier la Saint-Barthélémy, nous traînons un lourd bagage d’atrocités. Ce qui ne fait pas de la France un Etat plus coupable que la Grande-Bretagne à l’époque de l’Empire, ou les Etats-Unis bâtis sur l’esclavage et l’extermination des Indiens. En revanche, regarder sans baisser les yeux la dure réalité du passé est un bon moyen de rester vigilant pour le présent. Si des voix de la communauté juive de France se sont élevées contre l’impudence de Mme Le Pen, c’est parce que la vulgarisation d’une fausse idée, son adoption par un plus grand nombre de consciences, la légitimité qu’elle acquiert avec le temps peuvent avoir des conséquences graves, dans un climat déjà tendu par les querelles communautaires et qui doit être apaisé à tout prix.

Le mal qu’elle fait.

Je ne suis pas sûr que Marine Le Pen, par ce seul mot désagréable, ait obtenu la réunification d’un parti où les querelles sont notoires, mais je mesure le mal qu’elle a fait : elle a participé cyniquement à la résurgence de l’antisémitisme en France ; elle a ainsi sacrifié son dernier espoir de conquérir quelques âmes juives ; elle a montré que ces questions fondamentales qui concernent la cohésion d’une nation ne valent rien à ses yeux et qu’elle peut librement, comme une enfant gâtée, piétiner ce qui nous réunit parce que ce qui nous réunit n’est jamais sa priorité du moment. Et dire qu’elle a voulu nous faire croire qu’elle n’avait rien à voir avec son père, ni même avec sa nièce, qu’elle est la tendre amie de ces juifs ingrats qui ne considèrent pas le FN comme un parti « normal ». Le masque tombe. Mais qui serait assez bête pour exprimer de l’étonnement ? Voilà qui elle est, Marine Le Pen ; et il est inutile de chercher à donner d’elle une autre définition. Elle dirige un parti violent, xénophobe et raciste.

RICHARD LISCIA

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6 réponses à Le Pen fait des siennes

  1. Num dit :

    Dire que Vichy n’est pas la France n’a rien d’antisémite: c’est la position de De Gaulle perpétuée par ses successeurs (dont Mitterrand comme vous le rappelez à raison) avec laquelle Chirac a rompu. On peut certes en débattre mais de là à dire que c’est raciste et antisemite est tout à fait excessif.

    Réponse
    Vichy était la France car il y a toujours une continuité de l’Etat. Cela a été prouvé par les des historiens qui ne font pas de politique. J’ai dit que toute grande nation peut avoir commis des crimes et qu’il vaut mieux les regarder en face. Je répète ici que le FN est xénophobe, antisémite et raciste et que, pour ne pas l’admettre il faut juste ignorer un génocide auquel la France a contribué, n’en déplaise à de Gaulle, à Guaino et à tous les souverainistes.
    R.L.

    • mathieu dit :

      Se battre pour dissocier Vichy de la « vraie France »…dissocie, pour le coup, la fille du père (Le Pen), dont on sait (ou suppose) la tendre et nostalgique affection pour le Maréchal! Mais l’entêtement de Mme Le Pen à vouloir exempter la France de ses responsabilités dans la déportation…ne signifie pas qu’elle ait approuvé le Vel d’hiv, dans un sentiment antisémite viscéral! Gardons, nous, la tête froide,et notre honnêteté intellectuelle, face à un parti qui en est souvent dépourvu!

  2. Jacques Pernès dit :

    Dès que l’on gratte un peu, on retrouve le vrai visage du FN. Il suffit de regarder l’entourage de Mme Le Pen pour voir que, malgré la fine couche de respectabilité qu’elle a tenté de mettre sur ce parti depuis quelques années, les idées de base sont toujours là. En revanche, je ne comprends pas bien pourquoi une telle sortie à ce moment-là de la campagne présidentielle : il me semble qu’elle a plus à y perdre qu’à y gagner. S’est-elle fait piéger ?

  3. Dominique Hauteville dit :

    La politique menée par le gouvernement de Vichy était celle d’une administration cherchant à ménager l’autorité allemande sous prétexte d’épargner des souffrances aux Français. Imputer à la France l’infamie de la rafle du « Vel d’Hiv » est ignoble et ne peut qu’alimenter une culpabilisation des jeunes Français et la haine de certains d’entre eux à l’égard de notre pays .
    Cet état d’esprit se retrouve malheureusement dans la bouche d’Emmanuel Macron avec ses propos inadmissibles sur la colonisation française qu’il a qualifiée de « crime contre l’humanité », oubliant l’immense travail accompli en Algérie, notamment par les médecins français.

    Réponse
    Ce qui est ignoble, c’est de récuser un geste de Jacques Chirac qui a été la marque de ses deux mandats. Ce qui est ignoble, c’est d’affirmer que toute la France était résistante en 1942 alors que le gouvernement de Vichy, avec l’aide des gendarmes et policiers français, a fait rafler les juifs et les a envoyés à la mort. Comme je l’ai expliqué, un pays peut reconnaître ses erreurs sans s’abaisser. C’est le lot de toutes les grandes nations et prétendre que la France n’en a jamais commis est tout simplement ridicule. Enfin, il y a aujourd’hui dans notre pays des lois contre le racisme et l’antisémitisme qui interdisent le retour aux pratiques scandaleuses de Vichy, il y a des historiens apolitiques qui ont largement documenté la responsabilité de ce qui était alors « l’Etat français » qui a succédé à une République puis a donné naissance à une autre République. La notion de continuité de l’Etat est bien ancrée dans notre droit. Mais le révisionnisme historique ne se rendra pas et continuera à défendre des illusions au nom de ce nationalisme qui est, comme le disait Romain Gary, le cancer du patriotisme. Je laisse aux gaullistes tardifs cette tâche honteuse qui consiste à exalter la grandeur de la France en prétendant qu’elle était entièrement gaulliste et résistante en 1942. Il y a eu des Français admirables qui ont risqué leur vie pour protéger des juifs, mais l’Etat, lui, les a persécutés. Quand Mme Le Pen se découvre profondément gaulliste alors qu’elle descend du pétainisme, on entend un horrible ricanement de l’histoire.
    R.L.

  4. Michel de Guibert dit :

    Donc la France n’était pas à Londres ?

    Réponse
    Vous croyez prouver quoi en trois mots?
    R.L.

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