La chute de Hamon

La révolution « soft », ça ne paie pas
(Photo AFP)

Selon un sondage, Jean-Luc Mélenchon arrive désormais en tête des personnalités politiques les plus populaires, devançant l’indéboulonnable Alain Juppé. La montée en puissance du candidat de l’extrême gauche signe aussi la défaite annoncée du socialiste Benoît Hamon.

IL EST IMPERATIF d’observer la vaste redistribution des cartes au sein de la gauche, prise dans un spectre le plus large possible, en tenant compte de l’irrationnel qui accompagne une élection où le populisme a surgi avec une force irrésistible. La primaire socialiste n’a pas servi les intérêts du PS, elle l’a marginalisé en désignant un candidat qui, par bien des aspects, va à rebours de la social-démocratie et n’a pas, de surcroît, le charisme du leader du Parti de gauche (PG). Pour tout électeur qui souhaiterait que ses concitoyens se portent massivement vers des solutions préservant le socle institutionnel et structurel sur lequel est bâtie, bien ou mal, notre protection sociale, le concours incessant entre deux candidats de gauche qui ont joué à « plus à gauche que moi, tu meurs » ne risquait pas d’être remporté par M. Hamon, car il n’a pas ce souffle révolutionnaire qui embrase un si grand nombre de nos concitoyens.

Le mensonge économique.

C’est l’année où la démagogie est rentable ; la plupart des candidats sont prêts à présenter des programmes soit insoutenables dans la durée, soit assez marginaux pour n’avoir pas la moindre chance d’aboutir, comme c’est le cas pour M. Hamon. La fragilité presque criminelle des plates-formes présentées par M. Mélenchon ou par Mme Le Pen le dispute, dans les deux cas, à une haine de classe bien peu respectueuse de la démocratie. M. Mélenchon se croirait presque en 1789, alors que la gestion d’une économie moderne, d’une effrayante complexité, interdit l’aventurisme fondé sur l’esprit de revanche : l’ennemi, clairement désigné, c’est le possédant, le banquier, le cadre supérieur, celui à qui le candidat de l’extrême gauche promet de prendre par le biais de la fiscalité tout revenu supérieur à 4 000 euros par mois. Sauf que, pour passer à une telle transgression, il est indispensable de transformer l’économie de marché qui régit la France en machine communiste. L’imagination faisant partie intégrante de la démarche de M. Mélenchon, nous sommes assurés de tout pouvoir faire, c’est-à-dire concilier le marché et l’égalitarisme intégral. C’est un mensonge, bien sûr, mais une bonne partie de l’électorat est prête à croire au paradis sur terre et ne craint pas d’être encore plus appauvrie par des mesures destructrices qui anéantiraient un produit intérieur brut encore assez élevé pour situer la France dans les puissances moyennes. Il en va de même pour Marine Le Pen, dont la cote a un peu baissé, ce qui a déclenché chez elle un torrent de propositions à la fois hystériques et suicidaires qui, rapidement, nous mettraient au ban des nations avec le soutien enthousiaste d’un quart de l’électorat.

Archaïsme et sadisme.

Ce qui rend perplexe, c’est que, face à tant de populisme hypocrite, M. Hamon a été distancé alors que son programme contient lui aussi une bonne partie d’idées périlleuses. Cette année, la révolution « soft » ne fait pas le poids. M. Hamon est sincère, honnête, et très à la mode, en ce sens qu’il se présente comme proche d’un peuple qui souffre. Le génie de M. Mélenchon, si l’on peut dire, c’est d’avoir su allier l’arrogance triomphaliste au revanchisme de classe. Il s’y voit, et ses partisans avec lui. Nous allons écraser, dit-il, ceux qui nous ont tant fait souffrir. S’il était au pouvoir, il s’inspirerait de Robespierre et inventerait la guillotine fiscale. En somme, ce qu’ils nous proposent, lui et Marine Le Pen, c’est la recherche du plus petit dénominateur commun. Ils ne vont enrichir personne en France, ils vont appauvrir les riches, les nantis, la classe moyenne, les bourgeois et les bobos pour que les déshérités se retrouvent en bonne compagnie et qu’ils se sentent moins pauvres, même s’ils le restent.
On est fasciné par tant d’archaïsme et par ce sadisme qui consiste à entretenir la peur, la colère et le ressentiment pour que nos concitoyens les moins aisés se vengent de ceux qui ont un emploi et ne souffrent pas ou souffrent moins. Leurs programmes sont deux recettes pour la division du peuple, pour entretenir durablement un climat de haine qui ne créera pas un seul emploi mais en détruira des millions. M. Hamon s’est effondré parce qu’il est désireux d’apporter des changements d’inspiration socialiste, mais n’ose pas promettre la lune en sachant qu’il créerait un enfer en France.

RICHARD LISCIA

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