Un gouvernement atypique

Nicole Belloubet avec François Bayrou
(Photo AFP)

Emmanuel Macron n’a pas réussi à éviter de sérieux déboires imprévus, mais il a formé un gouvernement tout à fait original.

LA NOUVELLE équipe comprend 30 ministres et secrétaires d’État, soit 7 de plus que dans le gouvernement Édouard Philippe 1. En crevant l’abcès créé par l’enquête préliminaire dont le MoDem fait l’objet, le chef de l’État et son Premier ministre ont été amenés à placer à des postes régaliens ou importants des personnalités qui, pour le grand public, étaient jusqu’à présent anonymes. Florence Parly, par exemple, a déjà été membre du gouvernement Jospin, chargée du Budget, et ses compétences économiques et financières sont reconnues. Elle a pratiquement quitté la politique depuis quinze ans. On ne comprend pas bien la logique qui la conduit aujourd’hui au ministère des Armées. L’exécutif a tenu à nommer deux ministres du MoDem, pour bien souligner que la séparation d’avec François Bayrou, Marielle de Sarnez et Sylvie Goulard n’est nullement une rupture. Il s’agit de Geneviève Darieussecq, secrétaire d’État auprès du ministre des Armées et Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre de l’Intérieur. La nomination la plus inattendue est celle de Nicole Belloubet, socialiste, qui fut l’adjointe de l’ancien maire de Toulouse, Pierre Cohen. Ce n’est pas lui faire injure que de constater qu’elle n’est pas une célébrité, alors que lui est accordé le quatrième siège gouvernemental dans l’ordre hiérarchique.

Et maintenant, au travail.

Je ne conteste pas la compétence des nouveaux ministres et secrétaires d’État. Cependant, dans de nombreux cas, leur parcours politique ou professionnel ne correspond pas aux tâches qui leur sont prescrites. Il est facile de deviner que, pour satisfaire les exigences du président, la parité et le dosage subtil de droite, gauche et centre, le chef du gouvernement est allé chercher des personnalités inconnues du grand public et qu’il les a fait entrer dans des créneaux qui n’étaient pas nécessairement prévus pour elles. Mais on ne peut pas nier que, ce faisant, et quel que soit l’efficacité de ce gouvernement qui, de toute façon, devra d’autant plus exciper de ses succès qu’il a juré de les obtenir, l’heure de la critique est passée. Il nous fallait un gouvernement, il faut maintenant qu’il se mette au travail sans plus tarder.
Le président dispose donc d’une large majorité, d’une équipe gouvernementale, d’un Premier ministre qui a déjà montré sa loyauté et sait s’exprimer. Il a amorcé une vaste recomposition des forces politiques. Les Républicains ont décidé de se scinder et formeront sans doute deux groupes différents à l’Assemblée nationale, « constructifs » et conservateurs. M. Macron est en outre servi par une conjoncture qui lui est souriante : la croissance devrait être de 1,6 % cette année en France et notre industrie recommence à créer des emplois, tandis que l’euro se maintient à un niveau stable et que le prix du pétrole continue de baisser, malgré les efforts des producteurs pour faire remonter les cours. Une partie des succès à venir du chef de l’État viendra non de son action mais de quelques indicateurs favorables. C’est néanmoins l’occasion rêvée d’engager des réformes, principalement celle du travail, capables de faire sauter quelques verrous qui bloquent la modernisation de notre société.

L’opposition se fera entendre.

Toutefois, l’opposition sera d’autant plus virulente qu’elle est faible numériquement. Les attaques les plus violentes viendront du Front national et de la France insoumise, laquelle a déjà annoncé que, pour elle, la question du code du travail sera réglée dans la rue et non au Parlement. Jean-Luc Mélenchon, qui fut pourtant sénateur et a participé à des gouvernements de gauche, a fait de son arrivée à l’Assemblée un moment de triomphe, un peu comme si l’hémicycle lui appartenait, en présence d’une cour de partisans éblouis par son génie. Son goût évident pour le culte de la personnalité l’identifie de plus en plus à Castro et à Chavez. Ses propos arrogants et menaçants pour la majorité sont les signes avant-coureurs de la guérilla incessante qu’il va mener contre le pouvoir et ses projets. Mais il n’est pas le seul à marquer son hostilité à l’exécutif. Il sera concurrencé par les huit députés du Front, même s’ils n’ont pas de groupe, et par les Républicains qui refusent de coopérer avec le gouvernement. La réforme ne sera donc pas une partie de plaisir et elle sera d’autant plus difficile à mettre en oeuvre qu’elle est absolument indispensable. Elle se fera contre les passéistes, les conservateurs et à tous ceux qui, au nom de leur rêve égalitaire, sont prêts, en réalité, à plonger le pays dans un cauchemar.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à Un gouvernement atypique

  1. Michel de Guibert dit :

    « Il faut que tout change pour que rien ne change !  » selon la célèbre réplique du héros du « Guépard » dans le film de Visconti et dans le roman éponyme de Lampedusa…

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