Hollande torpille la réforme

Frondeur en chef
(Photo AFP)

En politique, on ne meurt jamais. François Hollande vient de prouver son immortalité en attaquant, brusquement et brutalement, Emmanuel Macron, au sujet des réformes que le président actuel veut engager et que son prédécesseur a jugées hier dangereuses, dans des propos qu’il a tenus au festival d’Angoulême.

M. HOLLANDE n’a pas cédé à un imprévisible accès de colère ou à un ressentiment qu’il aurait été incapable de contrôler. Il a voulu envoyer au pays un message dans lequel il critique M. Macron uniquement pour s’assurer que les Français se félicitent de l’héritage qu’il a laissé. Il ne faut pas, a-t-il déclaré, « demander aux Français des sacrifices qui ne sont pas utiles (…) Il ne faudrait pas flexibiliser le marché du travail au-delà de ce que nous avons fait, au risque de créer des ruptures. » En d’autres termes, M. Macron et son mouvement seraient sur une course au terme de laquelle le pays pourrait dépasser le point de non-retour. Aussitôt, le parti socialiste en a rajouté une couche en prétendant que le « redressement est le produit des efforts des Français et des décisions que François Hollande et ses gouvernements ont prises pendant cinq ans ».

Le coup de l’héritage.

Ces déclarations additionnées sont mensongères. M. Hollande a quitté l’Elysée après avoir détruit au moins six cent mille emplois. Le retournement de tendance constaté depuis le début de l’année 2017 résulte peut-être des timides réformes de M. Hollande mais peut aussi être attribué à une amélioration de la conjoncture dans toute l’Europe, toutes politiques économiques confondues. Emmanuel Macron a imité M. Hollande lui-même qui, en 2012, avait cru bon de décrire l’ampleur de sa tâche en soulignant que Nicolas Sarkozy lui avait laissé une situation catastrophique. Ce qui n’a pas empêché l’ancien chef de l’Etat d’expliquer la victoire de M. Macron comme un peu la sienne ni de rendre à son successeur, dès la fin du premier tour de l’élection présidentielle, l’hommage dû au candidat que lui, Hollande, aurait formé. Le voilà qui, aujourd’hui, massacre son ex-chouchou et, avec lui, l’espoir des changements sans lesquels il sera impossible de relancer l’économie française. Victime de la hargne de ses propres partisans quand il était aux affaires, le voilà président de tous les frondeurs. Spécialiste du propos feutré, le voilà qui distille un poison capable d’envahir les artères politiques et sociales du pays. Adepte de la modération verbale et de l’apathie physique, le voilà qui se livre soudain à une attaque nucléaire.

Hollande craint-il la réforme ?

Il suffit, pour s’en convaincre, de se rappeler où l’on en était du dialogue social. Il y avait tout lieu de craindre les actions des insoumis et des syndicats au mois de septembre. Tout à coup, Jean-Luc Mélenchon, Jean-Claude Mailly et Philippe Martinez ont trouvé leur maître : à quoi bon attaquer la réforme du travail après l’assaut lancé par l’ancien président ? Ils diront néanmoins le mois prochain que, pour avoir entraîné un jugement aussi négatif chez un président qui, naguère, flirtait avec le libéralisme, il faut bien que le projet du président Macron soit monstrueusement injuste. La vérité se situe ailleurs. Quand M. Hollande demande au gouvernement de ne pas aller au-delà de ce qu’il a fait lui-même, cela signifie que la réforme du travail par sa ministre de l’Economie de l’époque, Myriam El Khomri, serait suffisante. Non seulement elle a été accueillie par une levée de boucliers sans précédent mais elle n’a pas créé un seul emploi. Et il faudrait que le pays s’en tienne à ce très mauvais résultat ? Ce que craint M. Holland en vérité, c’est que la réforme finisse par passer, consacrant la défaite du PS sur tous les fronts et apportant à M. Macron une forme d’invincibilité.

Avant la curée.

L’ex-président n’est pas le seul, en France, à tenter d’empêcher le passage en force du changement politique. Avec les frondeurs, les insoumis, les communistes, le Front national, les opposants sont nombreux. Et c’est dans ce camp-là que se situe M. Hollande ? Craint-il les « ruptures » ? Il les appelle de ses voeux. Se soucie-t-il des salariés dont les acquis sociaux seraient menacés ? Peut-être, mais au détriment de six millions de chômeurs. Souhaite-t-il que le pays change ? Seulement si on lui en accorde le mérite. De sorte que, ne trouvant pas dans le peuple ou chez ses partisans la ferveur qui ferait de son rôle personnel un moment historique, il se met à brandir triomphalement un « bilan » qui est non pas le sien, mais celui des aléas de l’économie, non pas le résultat de son action, mais de la fin de la crise, non pas la preuve d’une injustice commise à son égard, mais l’aboutissement inéluctable d’un quinquennat fait d’à-coups, de quelques scandales et de mortelles hésitations. On peut s’attendre à une vive réponse de l’équipe Macron. Malheureusement Hollande a sonné l’hallali, avant la curée de septembre, et c’est tout simplement dommage pour le pays.

RICHARD LISCIA

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2 réponses à Hollande torpille la réforme

  1. Andre MAMOU dit :

    Francois Hollande est en rage. Le cycle économique de reprise qu’il espérait pour la fin de 2016 ou le premier trimestre de 2017 est survenu après l’élection d’Emmanuel Macron.
    Ce n’est pas grâce à Hollande ni à Macron : il s’agit d’un mouvement ondulatoire tel que l’a décrit l’économiste Kondratief.
    Le président sortant n’a pas eu de chance et la chance a souri au nouveau président!
    Napoléon, avant d’élever un des chefs de son armée au rang de général, posait la question :  » A-t-il de la chance ?
    Macron a beaucoup de qualités et il a de la chance.

    • Hostachy dit :

      « Chez un président qui, naguère, flirtait avec le libéralisme » ?
      François Hollande ne peut pas comprendre ce qu’est le libéralisme, c’est une philosophie du Droit qui lui est totalement étrangère (il a d’ailleurs assigné à résidence des opposants et pris toutes les mesures les plus anti-libérales qui soient au début de son quinquennat, celles de la fin n’étant guère préconisées par les milieux libéraux ni être réellement considérées comme libérales, …). C’est un idéologue, ce qui est tout l’inverse d’une philosophie (longue observation, hypothèses, analyses et conclusions…). Aquilino Morelle, son conseiller et notre confrère a expliqué les choses. François Hollande se fait passer pour un économiste mais n’est en réalité qu’un fiscaliste et de la pire espèce (alors que la fiscalité se doit d’être dynamique pour anticiper les cycles, FH est un fiscaliste statique, d’où le nombre d’ailleurs délirant de taxes que ses gouvernements ont créées).

      Réponse
      Le CICE, les baisses de charges consenties aux entreprises, les réductions d’impôts et la réforme de Mme El Khomri sont des mesures libérales.
      R.L.

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