Corée : le dilemme américain

Kim et ses généraux hilares pendant un tir
(Photo AFP)

Réuni à la demande des Etats-Unis, le Conseil de sécurité de l’ONU a condamné la Corée du Nord, dont un missile a survolé le Japon. Le président nord-coréen, Kim Jong Un annonce de nouveaux tirs de missiles.

ON S’INTERROGE depuis des années sur la capacité de la Corée du Nord à développer ses moyens nucléaires et les vecteurs qui, bientôt, lui permettront de frapper le territoire américain. Depuis qu’elle a la bombe atomique et les missiles, elle lance des menaces contre l’Amérique, le Japon, la Corée du Sud, et elle a annoncé son intention de tirer quatre fusées qui seraient tombées au large de Guam, base aéronavale américaine, elle-même dotée de bombardiers et sous-marins nucléaires. La tension internationale créée par les agissements irresponsables de Pyong Yang est donc énorme et le risque d’une guerre dévastatrice ne peut pas être complètement écarté. Aux menaces nord-coréennes, Donald Trump a riposté, jusqu’à présent, par des propos, par exemple « le feu et la fureur comme vous ne les avez jamais vus auparavant », qui se situent au niveau de la phraséologie totalitaire de Kim et n’aident guère à une résolution diplomatique du conflit. Kim garde donc un avantage : il se fait passer pour assez incontrôlable pour faire peur à la terre entière tandis que le président Trump est inévitablement humilié et ridiculisé puisque, comme chacun l’aura compris, il n’est pas fou au point de passer aux actes.

La Chine indécise.

Lorsque Barack Obama était à la Maison Blanche, M. Trump avait critiqué sans ménagements son « immobilisme » dans l’affaire de la Corée du Nord. Aujourd’hui, le président américain n’est pas plus mobile que son prédécesseur. Les missiles sont de plus en plus inquiétants, mais les mots sont autant de coups d’épée dans l’eau. Naturellement, les Américains, à plusieurs reprises, se sont tournés vers la Chine, laquelle déteste les provocations de Kim Jong Un, mais se contente d’exercer sur lui des pressions économiques sans le freiner dans sa course nucléaire. Pékin et Pyong Yang partagent une seule conviction : pas de changement de régime en Corée du Nord car il placerait les Américains à la frontière de la Chine, avec des armements massifs. La relative passivité des Chinois s’explique par le fait qu’ils ne craignent pas vraiment, pour l’instant, de dégradation du conflit. Ce qui ne veut pas dire qu’ils laisseraient Kim déclencher une troisième guerre mondiale.
Donald Trump a réussi à se faire si bien détester sur le plan international que les analyses du conflit qui l’oppose à la Core du Nord sont parfois obscurcies par la passion. Certes, il est tombé dans une sémantique qui ne le grandit guère ; certes, il se montre incapable de trouver une issue diplomatique ; certes, tout impulsif qu’il soit, il sait parfaitement qu’il ne peut pas déclencher « le feu et la fureur ». Mais Kim se moque de savoir qui occupe le bureau ovale. Un président américain infiniment plus subtil et pacifique n’aurait empêché aucune des provocations insensées auxquelles il se livre presque tous les jours. Donc, la moindre des choses, quand on aborde le sujet, devrait consister à rappeler que la Corée du Nord est le dernier régime stalinien et totalitaire qui existe sur la planète ; que ses récents développements économiques et sociaux ne rendent pas plus séduisante la clique qui la gouverne ; que la distance entre son poids économique et démographique d’une part, sa puissance nucléaire d’autre part, la rend extrêmement dangereuse.

Limiter les dégâts.

Dans ce contexte, dire, comme le font quelques experts, que les « Nord-Coréens se sentent menacés par la puissance militaire américaine à leur porte », c’est prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages. Si la Corée du Nord n’avait pas la bombe et ne se livrait pas à des douzaines de tirs de missiles, « l’empire américain » négativement décrit par nos analystes les plus fins serait indifférent à ce qui se passe au nord de la frontière séparant les deux Corée. Pourquoi ne pas rappeler, avant toute chose, que le régime nord-coréen est peuplé de voyous ivres d’une puissance militaire qu’ils risquent de ne plus contrôler? Pourquoi ne pas dénoncer l’apathie chinoise dans cette affaire, alors que l’intérêt de Pékin n’est pas de contribuer au déclenchement d’une guerre et à la ruine mondiale qui en résulterait ? Pourquoi ne pas voir ce qui crève les yeux, à savoir qu’un totalitarisme effréné aboutit à ce genre de situation et que le dictateur de Pyong Yang joue mieux le rôle du Dr Folamour que l’exotique président américain ? Pourquoi réduire une crise internationale particulièrement alarmante à la question lancinante de la présence de M. Trump au pouvoir ? Pourquoi, enfin, ne pas reconnaître que les Coréens du nord méritent mieux que le pantin qui les dirige ?
La Chine et la Russie, dont les régimes ne sont pas des démocraties bienveillantes, feraient mieux de limiter les dégâts en contraignant Kim à baisser d’un ton. Un conflit militaire, même limité, entre Washington et Pyong Yang, aurait des effets désastreux pour eux-mêmes, mais aussi pour les Chinois et les Russes. Donald Trump, c’est entendu, n’est pas le président américain que le monde espérait. Mais le problème, ce n’est pas Trump. C’est l’homme de Pyong Yang qui a acquis une force infernale qu’il est incapable de maîtriser.

RICHARD LISCIA

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