Trump : non au rêve américain

Premières manifestations
(Photo AFP)

Le président Donald Trump a demandé hier au Congrès de légiférer dans les six mois à venir pour mettre un terme au statut temporaire accordé à quelque 800 000 jeunes immigrés.

EN 2012, Barack Obama avait créé par décret le système des DACA (Deferred action for childhood arrivals), qui autorisait les immigrés âgés de moins de 16 ans au moment de leur arrivée sur le sol américain à bénéficier d’un statut temporaire d’une durée de deux ans renouvelable. Grâce à ce statut, qui n’a pas été voté par le Congrès, ces jeunes gens pouvaient étudier ou travailler aux Etats-Unis légalement. L’ancien président souhaitait passer un vaste compromis avec les élus sur l’immigration, mais il n’a jamais obtenu une majorité pour ce projet et son décret DACA contournait partiellement l’obstacle.

Un sort incertain.

Nouveau président, nouvelle politique, certes « contre-productive et cruelle », comme l’affirme aujourd’hui M. Obama, mais qui, répond le président en exercice, accorde la priorité « aux travailleurs américains qui, eux aussi, ont des rêves ». Avec une hypocrisie qui confine à l’infantilisme, M. Trump exprime son « amour » pour les jeunes immigrés concernés et se décharge de ses responsabilités sur le Congrès. Non seulement aucune demande nouvelle de DACA ne sera acceptée à partir d’aujourd’hui, mais le sort des 800 000 jeunes qui, grâce à leur statut, ont commencé à s’insérer dans la société américaine est en question : au terme des deux ans, ils pourraient bien être expulsés.
Il n’est pas surprenant que la décision de Trump divise une fois de plus la société américaine. La gauche prévoit de s’opposer à la mesure par des manifestations. Mark Zuckerberg, le patron de Facebook, parle d’un « jour triste et un recul pour notre pays ». Le maire de New York, Bill de Blasio, dénonce l’abolition du statut tandis que le gouverneur du Texas crie victoire et l’attorney général ou ministre de la Justice, Jeff Sessions, s’en prend à la politique de M. Obama : « Nous ne pouvons pas accepter tous ceux qui veulent venir ici, c’est aussi simple que ça ».

Détruire l’héritage d’Obama.

L’argument est mensonger, dans un pays qui, avec un taux de chômage de 4,6 %, est pratiquement en situation de plein emploi. Ceux des citoyens américains qui, dans ce contexte, ne travaillent pas, ont besoin d’une qualification que seule la formation professionnelle peut leur donner, tandis que les immigrés qui travaillent, pour la plupart des Mexicains, exercent des métiers exigeant parfois des connaissances de haut niveau. L’attitude des entrepreneurs, toujours à la recherche de personnes qualifiées, explique leur libéralisme. M. Trump, quant à lui, s’en tient à un credo que la réalité du terrain ne justifie pas et, surtout, met un point d’honneur à détruire systématiquement ce que son prédécesseur a accompli.
Ce terrible aller-retour entre la générosité et l’égoïsme place Trump dans la situation du bourreau. C’est une chose d’empêcher le franchissement de la frontière par des clandestins, c’en est une autre de nier à de jeunes immigrés qui se sont soumis au droit et aux règles officielles pour obtenir leur visa la possibilité de s’intégrer définitivement dan la société américaine. Cela revient à leur donner un droit, puis à le retirer, ce qui suffit à faire de l’abolition une mesure illégale. Les Etats-Unis, plus que jamais, ont besoin d’une loi sur l’immigration. On ne peut régler le problème posé par onze millions de sans-papiers ni par une répression aveugle (assortie d’une fausse commisération) ni par des décrets concernant une petite fraction de cette population. Les Etats-Unis ne sont pas menacés par l’immigration, c’est plutôt grâce à elle qu’ils sont devenus la puissance qu’ils sont. Et le passage de M. Trump à Maison Blanche n’effacera pas cette évidence.

RICHARD LISCIA

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