JO : illusion d’optique

Le triomphe de Mme Hidalgo
(Photo AFP)

Le choix, par le Comité international olympique (CIO), de Paris pour les jeux Olympiques de 2024, a été salué par un cri de joie national. Cela se comprend puisque la France n’a pas accueilli les jeux d’été depuis un siècle. Mais la « victoire » française résulte d’un arrangement avec Los Angeles qui ne laissait aucune place au suspense.

SANS minimiser les efforts de la maire de Paris, Anne Hidalgo, et de son équipe, sans rester insensible à la détermination des grands sportifs qui ont participé au projet, sans nier que les JO favorisent l’unité d’un peuple, et enfin, sans vouloir jouer les rabat-joie, je ne peux pas laisser dire que le choix de la France résulte de la seule qualité de son projet. Le CIO a versé la somme de 87 millions de dollars à la ville de Los Angeles pour qu’elle accepte de ne recevoir les JO qu’en 2028. Sa décision n’est donc pas le produit d’une consultation démocratique. En outre, les exemples catastrophiques de la Grèce et du Brésil, qui ne sont toujours pas remis de la dépense pharaonique à laquelle ils ont été exposés, a raréfié les capitales candidates. En réalité, ils n’en restait que deux, ce qui a conduit le CIO à prendre une décision sans précédent, celle de désigner deux villes, l’une pour 2024, l’autre pour 2028. Aurions-nous obtenu les jeux pour dans onze ans que nous nous en serions fort bien accommodés. A contrario, cette bonne entente entre Paris, Los Angeles et le CIO relativise le « triomphe » que nous aurions remporté au terme d’une longue bataille. Elle n’a jamais eu lieu.

À quel prix ?

La France est, sans conteste possible, un pays plus fort économiquement que le Brésil ou la Grèce. Elle n’en est pas moins affligée d’une dette énorme qui affaiblit sa position en Europe, d’un chômage de masse qu’il est urgent de réduire et de problèmes sociaux très coûteux. Le budget de nos JO a d’abord été fixé à plus de trois milliards d’euros, ce qui n’était pas crédible. Il est maintenant de six milliards et doublera ou triplera dans sept ans. Quels que soient les concours privés, cette somme pèsera sur le budget de Paris et sur celui de l’État. Il est contradictoire que, pour nous évader en quelque sorte de nos soucis quotidiens en prévoyant une grande fête en 2024, nous aggravions notre insolvabilité. Nous allons créer de nouvelles infrastructures dont rien ne nous assure qu’elles seront durables et utiles à la population française, et pour un mois de sport à tout-va, nous risquons de devoir éponger une nouvelle dette pendant des années alors que toute l’action du gouvernement aujourd’hui tend au retour des équilibres fondamentaux.

Deux bizarreries.

Le formidable consensus national qu’entraîne le choix de la France ne cache pas le lien de plus en plus puissant entre le sport, l’argent et la politique. Comme sport gratuit, il n’y a plus que la marche à pîed. Les matches, tournois, coupes, événements internationaux se font à coups de dizaines de millions. Les « achats » de joueurs par le PSG coûtent des sommes monstrueuses. En même temps, les politiques applaudissent à tout rompre à la décision du CIO parce que, s’ils exprimaient leurs réserves, ils devraient démissionner. Mme Hidalgo n’ignore pas qu’elle vient de remporter un succès que son prédécesseur et mentor, Bertrand Delanoë, n’a pas obtenu il y a quelques années bien qu’il eût déployé d’intenses efforts. Pour la maire de Paris, qui, vraisemblablement, n’entend pas rester éternellement à son poste, sa victoire n’en est que plus utile à sa carrière. Quant au président Macron, qui pense à son second mandat, il se voit comme le président qui ouvrira les jeux en 2024. Personne ne mérite d’être accablé, ni Mme Hidalgo, ni M. Macron, mais je note au moins deux bizarreries dans cette affaire : il est curieux que les opposants aux jeux n’aient pas voix au chapitre et ne puissent exposer leurs arguments ; il est encore plus curieux que, dans ce pays que la moindre réforme risque d’embraser, il faille jeter des milliards dans le bûcher des JO pour que la France soit unie, enthousiaste, fraternelle, ravie, émerveillée, festive. Les JO en 2017 auraient été bien utiles à Emmanuel Macron.

RICHARD LISCIA

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6 réponses à JO : illusion d’optique

  1. Num dit :

    Vous êtes bien rabat-joie, ce qui ne vous ressemble pas !
    Contrairement à la Grèce ou au Brésil, nous avons déjà la plupart des infrastructures.
    Les JO vont créer des dizaines de milliers d’emplois, permettent de désenclaver la Seine Saint Denis et faire rayonner la France dans le monde.
    Personne ne conteste l’impact positif que les JO ont eu sur Londres en 2012 ou Barcelone en 1992. Ou la coupe du monde 1998.
    De plus, cette candidature a été portée plus par les sportifs que par les politiques.
    En ces temps où les occasions de se réjouir ne son pas si nombreuses, ne passons pas à côté de celles qui se présentent !

  2. VJ dit :

    Veuillez me faire savoir la date de cette gabegie, afin que je prenne mes dispositions d’exode de l’Ile-de-France car la vie déjà passablement difficile, de par les dispositions hasardeuses de la maire de Paris, y deviendra infernale. L’analyse de R. Liscia a le mérite de voir les choses concrètement, bien loin de l’ivresse supposée être fournie par ces jeux frelates par l’argent. Laisser aussi la décision aux sportifs juges et parties me semble aberrant; quant aux politiques, ils ne sont intéressés que par l’orgueil du prestige ou par leur plan de carrière et se contrefichent du prix à faire payer aux contribuables et a leurs descendants.
    Si le fameux : « Qu’importe l’ivresse pourvu qu’on ait le flacon » vous tente, allez-y sans moi.
    Merci, Mr Liscia.

  3. Simon Pi dit :

    Votre analyse recoupe la sagesse des Français puisque plusieurs sondages récents montrent qu’au moins deux tiers d’entre eux sont Contre l’organisation de ces JO à Paris.
    Voir Mme Hdalgo faire des grimaces de midinette pour exprimer sa joie et sa surprise lors de l’annonce du choix de Paris par le CIO à Lima a quelque chose de pathétique : elle a même été désignée ironiquement « meilleure comédienne de l’année » sur les réseaux Internet pour cette interprétation de jeune première surprise à son premier bal.
    Tout ce que vous écrivez sur les surcoûts immanquablement générés par cet organisation des JO est vrai. Ajoutons-y les embarras de circulation qui deviendront encore plus infernaux qu’aujourd’hui à Paris, à moins que Mme Hidalgo ne décrète que la circulation des « manants » est désormais interdite à la piétaille sauf aux privilégiés de son rang ; ajoutez aussi les problèmes de sécurité urbaine puisqu’il est loin d’être certain que les islamistes radicaux se seront calmés.
    Ajoutons enfin que le Bois de Boulogne, l’un de poumons de Paris, sera sans doute sacrifié aux bétonneurs sportifs, et vous aurez le début du tableau désastreux auquel nous sommes exposés.
    Oui, je suis rabat-joie, mais pas sans raison.
    Mais pourrons-nous ramer à contre-courant quand tous les puissants, de Macron à Hidalgo en passant par les commentateurs unis dans une campagne de propagande digne de la Pravda à nous faire ingurgiter de force. Hélas non !
    Tristement.

    • Num dit :

      Je ne crois pas que Londres 2012 n’ait eu d’autres conséquences que positives: rayonnement international, réhabilitation des quartiers populaires de l’est de la ville, création d’emplois, modernisation des infrastructures, union et fierté de la population, progression du sport britannique, etc. Ce, sans gabegie financière.
      Pourquoi nous Francais ne serions pas capables de faire ce que les Anglais ont su réussir ?
      Il ne faut pas voir le mal partout et crier « au loup » avant d’en avoir vu la queue. Wait and see. N’excluons aucune hypothèse, y compris celle du succès !

  4. J. Adamsberg dit :

    « il est curieux que les opposants aux jeux n’aient pas voix au chapitre et ne puissent exposer leurs arguments ; » Mais, c’est le cas de toute opposition au système politico-médiatico-judiciaire qui ne laisse s’exprimer que les oppositions qu’il se choisit (type Mélenchon). Et comme il est impuissant à résoudre les vrais questions que se pose la population (identité, immigration, chômage), il lui donne du pain et des jeux. Comme les RSA et JO !

  5. ostré dit :

    Le sport n’est devenu qu’argent.

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