L’homme aux deux prénoms

Edouard Philippe hier soir
(Photo AFP)

D’aucuns se sont ennuyés en assistant à l’Émission politique sur France 2 sous le prétexte qu’il n’y a pas eu de clash entre le Premier ministre, Edouard Philippe et Jean-Luc Mélenchon. On remerciera néanmoins le chef des Insoumis pour son inattendue indulgence. L’important, pour un public dont 38 % ne savaient pas, hier encore, prononcer le nom du chef du gouvernement, c’est qu’il a enfin découvert un personnage essentiel de la République.

IL Y A, chez Edouard Philippe, une sorte d’imperturbabilité qui lui semble naturelle et doit être liée à sa pratique de la boxe. Dans son extraordinaire engagement aux côtés d’Emmanuel Macron, (les deux hommes ne se connaissaient guère avant de travailler ensemble), on imagine une coïncidence des caractères : ils sont tous les deux très sûrs de l’orientation qu’ils ont adoptée, ils sont totalement d’accord sur le contenu des réformes, et ils entendent lancer, poursuivre et achever le projet colossal annoncé par M. Macron pendant sa campagne et qui ne devrait donc surprendre personne. M. Philippe n’est pas passé du Havre (dont il était le maire) à Paris, et à Matignon de surcroît, sans rencontrer quelques difficultés. On l’a même entendu avouer parfois qu’il ignorait le sujet sur lequel il était interrogé. Mais hier soir, il était au mieux de sa forme, visiblement préparé et décidé à exposer avec vigueur une ligne politique dont lui et son patron jurent qu’ils ne dévieront pas, quelles que soient les attaques de l’opposition et la grogne populaire.

Le prix de la réforme.

La réforme macronienne est une boule d’épines qui, selon la façon de s’en saisir, pique ici ou là, et finit par mécontenter tout le monde. La critique adressée à telle ou telle mesure fait partie de l’ordre des choses. Mais désavouer une décision ne signifie pas qu’il faille renoncer à l’esprit de la réforme. Pour le moment, le président et le Premier ministre sont impopulaires, mais on ne se rend jamais populaire en bousculant de vieilles habitudes. Les difficultés politiques et sociales auxquelles se heurte le gouvernement étaient inévitables. Jusqu’à présent, on constatait que M. Macron restait zen en toute circonstance, même si l’on devinait que, au-delà des apparences, il lui arrive de modifier ou de lisser une mesure trop sévère. Depuis hier, on a trouvé encore plus calme que lui, en l’occurrence Édouard Philippe.

Un dialogue d’égal à égal.

Comme M. Macron, M. Philippe ne se fâche jamais, en tout cas pas en public. Il ne va pas trop chercher la foule pour s’expliquer avec elle, comme le fait le président, mais il est parfaitement capable de subir les cruels jugements de personnes qui, depuis longtemps, ont cessé d’être impressionnées par les titres et les fonctions, ne croient pas devoir le moindre respect à un chef d’État ou de gouvernement, mais aiment bien être filmées pendant qu’elles leur adressent leurs admonestations. Dur métier qu’est devenue la politique : au nom de la démocratie et de l’égalité, il est désormais convenu que le rapport direct entre un personnage important et un citoyen lambda se déroule d’égal à égal, qu’il s’agit moins de poser une question pour obtenir une réponse que de s’écouter parler et, en définitive, de pouvoir dire, au terme de l’entretien : « J’y étais », ou mieux : « Je lui ai passé un savon ». M. Philippe est un grand jeune homme (46 ans) qui a non seulement le sens du contact avec autrui assorti d’une belle simplicité de manières, mais assez de solidité mentale pour résister à l’ouragan des questions perverses. C’est donc un atout qu’il partage avec M. Macron. On ne sait pas jusqu’où ils iront, la main dans la main, et en dépit du vent contraire qui freine leur marche. Mais c’est un bon attelage. Je crois même pouvoir dire que, si M. Mélenchon, a évité toute dramatisation artificielle de l’émission, c’est parce qu’il ne sous-estime pas son interlocuteur. Il se demande sûrement pourquoi un homme aussi intelligent fait la politique inverse de celle que lui-même préconise. On se pose la même question à son sujet.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à L’homme aux deux prénoms

  1. JB7 dit :

    Très belle conclusion!

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