Trump aux abois

Robert Mueller
(Photo AFP)

Robert Mueller, l’ancien directeur du FBI, procureur spécial chargé de faire toute la lumière sur une éventuelle ingérence russe dans l’élection présidentielle de novembre dernier qui a mis Donald Trump au pouvoir, a inculpé l’ancien directeur de campagne du président américain et deux de ses conseillers.

M. MUELLER, dont le travail est resté secret pendant des mois, vient d’en donner une traduction en accusant Paul Manafort, qui fut directeur de la campagne de Trump de juin à août 2016 (il a été licencié par le candidat républicain) et un associé, Richard Gates, de complot contre les États-Unis, de blanchiment et de non-déclaration de comptes détenus à l’étranger. De son côté, George Papadopulos, un proche des deux premiers, a été accusé d’avoir menti aux enquêteurs et d’avoir eu des contacts avec des Russes qui se targuaient de pouvoir « salir » Hillary Clinton, l’adversaire de M. Trump. M. Manafort et M. Gates ont été assignés à résidence.

Une élection faussée ?

Les accusations qui pèsent sur eux sont graves. M. Manafort aurait des comptes à l’étranger représentant un montant de 75 millions de dollars et, d’ailleurs, il mène grand train. Il possède plusieurs propriétés de luxe, dont un appartement dans la tour Trump à New York. Bien entendu, le sujet qui passionne le public américain ne concerne pas l’évasion fiscale monumentale à laquelle M. Manafort pourrait s’être livré. Il porte sur ses relations avec des Russes qui se seraient targués de ruiner la campagne de Hillary Clinton en 2016 en diffusant d’innombrables messages négatifs contre la candidate démocrate sur les réseaux sociaux. Le hasard a voulu que des représentants de Facebook, Twitter et Google doivent témoigner à partir d’aujourd’hui au sujet de la manipulation qui a permis la diffusion de tels messages. Selon les enquêteurs de M. Mueller, l’opération de déstabilisation de Mme Clinton par la Russie (et par l’ancien président ukrainien pro-russe, Viktor Ianoukovitch) a été infiniment plus vaste que ce que l’on croyait.
Donald Trump a évidemment réagi sur Twitter avec son élégance coutumière : « Pourquoi, a-t-il écrit, Hillary la crapule et les démocrates ne sont-ils pas visés ? Il n’y a pas de collusion entre les Russes et moi ! ». Tandis que sa porte-parole, Sarah Huckabee Sanders, fidèle à la langue de bois, affirmait : « Tout cela n’a rien à voir avec la campagne » (de Trump).

La Maison Blanche encerclée.

Les révélations faites par le procureur spécial ressemblent à un encerclement progressif de la Maison Blanche, ce qui explique la fureur du président : il craint que les progrès des enquêteurs ne les conduisent dans le bureau ovale. Menacé par un scandale dont l’opinion mondiale devinait les lignes de force depuis longtemps, il risque de réagir avec la brutalité qui le caractérise. Il pourrait limoger M. Mueller ou gracier les trois hommes pris dans ses rets. Dans un cas comme dans l’autre, l’objectif serait de mettre un terme à une enquête qui lui donne des sueurs froides et affaiblit sa présidence ; laquelle, par ailleurs, ne brille guère par son bilan. Sa cote de popularité se situant à 38 %, il est cependant peu probable que ses conseillers le laissent s’égarer dans le déni de justice. Il lui a fallu beaucoup moins que le limogeage d’un magistrat indépendant pour jeter des manifestants dans la rue.
Si la presse relaie avec fébrilité l’action judiciaire de M. Mueller, le parti républicain est plus embarrassé que jamais par un président qui, un an après son élection, n’a toujours pas adopté les programmes annoncés et se contente de défaire, quand il le peut, ceux que son prédécesseur avait mis en place. Mais les démocrates ne semblent pas bien armés pour prendre la relève au cas où M. Trump serait « empêché », hypothèse peu probable, ou tout au moins mis dans l’incapacité de se présenter pour un second mandat. Ce que l’opinion retiendra quand même, c’est que Trump, qui, à ce jour, continue à accabler Mme Clinton de ses injures, apparaît désormais comme celui qui les mérite. L’enrichissement personnel de M. Manafort n’est que peccadille par rapport aux méthodes électorales auxquelles M. Trump a recouru et qui relèvent de l’intelligence avec une puissance étrangère.

RICHARD LISCIA

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3 réponses à Trump aux abois

  1. Michel de Guibert dit :

    Le paradoxe de cette affaire, c’est que la Russie est bien mal payée de retour par Trump !

  2. VJ dit :

    Paul Manafort est inculpé, mais pour des faits qui remontent à 2012, soit 4 ans avant l’élection, et essentiellement pour évasion fiscale.
    -Rick Gates, également inculpé par Mueller concernant le blanchiment d’argent, l’évasion fiscale et du lobbying pour les Russes entre 2006 et 2015 -10 ans avant l’élection.
    -Le troisieme,Papadopoulos a-t-il tenté de conspirer avec la Russie ? Pourtant, Mueller ne l’a inculpé ni pour collusion (qui n’est pas un délit), ni pour conspiration (qui est un délit), car « la rencontre proposée par Papadopoulos [entre un membre de l’équipe de Trump et les Russes] n’a jamais eu lieu».
    Conclusion : l’inculpation qui devait éclabousser Trump et le faire destituer a fait pschitt !
    Le Point a écrit ceci : le « volet de l’enquête désormais menée par le procureur spécial Robert Mueller… sur une possible collusion entre l’équipe de campagne du président Trump et les Russes reste très incertain.»
    Bien fait pour les journalistes et les Démocrates, car le faux dossier de collusion entre Trump et la Russie a été inventé par eux.
    D’autant plus que ce serait le clan Clinton qui serait l’arroseur arrose dans l’affaire du scandale Uranium One: la fondation Clinton ayant reçu des millions d’une entreprise russe d’uranium, et Clinton a donné son accord sur la vente de 20 % de l’uranium américain aux Russes.

    Réponse
    Manafort est inculpé pour complot contre son pays et collusion avec des Russes pour « salir » Hillary Clinton. Tout le monde sait que des hackers russes ont inondé les réseaux sociaux de messages négatifs contre Clinton. Le procureur spécial a jugé qu’il avait réuni assez de preuves contre Manafort et Gates pour établir un chef d’accusation qui signifie qu’ils ont trahi leur patrie. Rien à voir avec 2012. Si Mme Clinton était coupable de quoi que ce soit dans l’affaire Omnium One, elle ne serait pas libre aujourd’hui. Elle n’est même pas menacée d’une enquête ou d’un procès.
    Si vous êtes un adepte des « fake news », c’est votre affaire. Vous avez cité un hebdo de qualité, lisez-le, vous en avez besoin.
    R.L.

  3. JB7 dit :

    Merci, une fois de plus, de nous avoir présenté les événements et votre avis de façon très claire.

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