Terreur : complexité de la lutte

L’assassin de New York
(Photo AFP)

L’attentat de New York (une camionnette conduite par un Ouzbek, Sayfullo Saïpov, a renversé et tué six personnes et blessé onze autres) montre principalement que la déroute militaire de Daech en Syrie et en Irak n’empêche pas les actes terroristes de se multiplier hors du Proche-Orient.

SAïPOV est aux États-Unis depuis 2010. Il a bénéficié d’une loterie annuelle qui, chaque année, accorde 50 000 visas permanents à des personnes du monde entier. Il a essayé de vivre dans l’Ohio, puis en Floride, avant de s’installer à Paterson, New Jersey, à quelque trente kilomètres de New York. C’est là qu’il travaillait en tant que chauffeur Uber. Il a été blessé par des policiers et, sur son lit d’hôpital, il s’est félicité de son acte. Le président Trump a réagi à l’annonce de l’attentat avec colère. « Nous sommes victimes, a-t-il dit, du politiquement correct ». M. Trump ne veut plus entendre parler de la loterie des visas, dernier vestige de la générosité américaine, réclame la peine de mort pour l’assassin, après avoir envisagé de l’envoyer à Guantanamo. Quand et pourquoi Saïpov s’est-il radicalisé ? Pourquoi donner un visa au ressortissant d’un pays qui a fourni de larges bataillons de terroristes, pourquoi n’a-t-il pas été surveillé? Ces questions traduisent l’insuffisance de la coordination des services de sécurité américains, la complexité de lutte anti-terroriste et une prise de conscience : la répression des crimes n’a aucun effet préventif. Ce qu’il faut, c’est un système de détection de la préparation des attentats plus efficace.

L’affaire Merah.

Ce qui nous renvoie au cas de la France où la nouvelle loi anti-terroriste vient d’être promulguée. Elle remplace l’état d’urgence, qui n’a duré que trop longtemps. Certaines de ses dispositions s’inspirent d’ailleurs des mesures prévues dans le cas de l’état d’urgence, ce qui fait bondir les avocats : dans ce contexte général de peur et parfois de panique, ils sont les derniers, avec la gauche, à se préoccuper du droit. Leur combat n’est pas négligeable, comme en témoigne l’action personnelle de Me Éric Dupond-Moretti, qui défend le frère de Mohamed Merah dont il a demandé l’acquittement, bien que les familles des victimes jugent son rôle incompréhensible, sinon inacceptable. Abdelkader Merah a fait l’objet d’une longue et impitoyable attaque de l’avocate générale, mais lui et son avocat s’appuient sur l’absence de preuves le concernant. On a toutes les raisons de penser qu’il a incité son frère à commettre ses effroyables crimes, mais on ne peut pas le prouver.

A quoi sert la loi anti-terroriste.

Le verdict tombera aujourd’hui et il est certain qu’Abelkader Merah sera condamné à une lourde peine. Le procès, qui a duré cinq semaines, a longuement exposé la souffrance des familles, la cruauté inhumaine de Merah, une famille intoxiquée par le djihadisme, un antisémitisme forcené, une haine profonde pour les institutions, l’armée notamment. Pourtant, Me Dupond-Moretti a fondé sa plaidoirie sur le seul droit, qui met la preuve au-dessus de l’intime conviction des magistrats. Ainsi est parfaitement décrite la complexité du combat anti-terroriste : les démocraties sont bien mal préparées à juger des criminels qui nient le fondement même de leurs institutions. M. Trump, qui a toujours une solution simple pour ce genre d’affaires, ne s’embarrasse guère des prescriptions du code pénal. Si Saïpov comparaît devant un tribunal de l’État de New York, il ne peut pas être condamné à mort. Il peut l’être en revanche s’il est traduit devant une juridiction fédérale. En France, la peine de mort n’existe plus depuis 35 ans. Si la loi anti-terroriste durcit la répression, c’est moins pour garantir leur sécurité aux citoyens français que pour empêcher que les prochains attentats soient attribués à la fin de l’état d’urgence.
Ce que la gauche, nombre de magistrats de gauche et la plupart des avocats ne comprennent pas, parce qu’ils rejettent la politisation du droit pénal. Mais ils ne sont pas à place du pouvoir. La réaction populaire au durcissement des peines et des mesures de prévention contenues dans la loi anti-terroriste est à peu près nulle. Un attentat de masse ne manquerait pas d’ouvrir une polémique particulièrement nocive sur la fin de l’état d’urgence. On comprend les défenseurs du droit, on ne condamne pas pour autant les préoccupations du pouvoir.

RICHARD LISCIA

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