La « trahison » de Hulot

Nicolas Hulot
(Photo AFP)

Ministre de la transition écologique, Nicolas Hulot a annoncé mardi, contre toute attente, que la France reportait de cinq à dix ans son objectif de limiter la production d’électricité nucléaire à 50% de son énergie totale d’ici à 2025.

UN COUP DE TONNERRE dans un climat politique marqué, depuis plusieurs semaines, par l’inconfort apparent du ministre qui, déjà, a avalé plusieurs couleuvres, comme la prolongation de l’usage du glyphosate dans l’agriculture, la construction d’un EPR en Grande-Bretagne, le maintien du produit qui tue les abeilles et, d’une façon générale, la très vive résistance de divers acteurs, depuis EDF jusqu’aux ouvriers syndiqués des centrales à la réduction de la part du nucléaire dans le mix énergétique. Ancienne ministre de l’Environnement, la socialiste Delphine Batho estime que « l’écologie échappe au volontarisme de Macron ». Mais Nicolas Hulot n’est pas un ministre comme les autres. Sa nomination au gouvernement a été comprise non seulement comme « une bonne prise » du président de la République mais comme la garantie que, grâce à M. Hulot, la défense de l’environnement ferait des progrès substantiels pendant son mandat.

Gagné par le réalisme ?

Depuis la rentrée, M. Hulot semblait donner des signes de frustration et de lassitude. On a même cru qu’il démissionnerait de son poste. Il n’en a rien été. Voilà qu’aujourd’hui, il semble gagné à son tour par le « réalisme », ou sensible au lobby nucléaire, ou sincèrement conscient que, si la France acceptait les limites fixées par François Hollande, elle n’aurait pas d’autre choix que de recourir au charbon, bien plus polluant que l’atome. Son annonce d’hier a mis le feu aux poudres. C’est-à-dire qu’elle a déclenché un tollé dans les milieux favorables à la défense de l’environnement, notamment chez Europe Ecologie Les Verts, de Yannick Jadot à David Cormand qui dit : « Notre pays a beaucoup de mal à se désintoxiquer (du nucléaire). Hulot est un écologiste sincère dans un gouvernement qui n’a rien à faire de l’écologie ».
Ce n’est peut-être pas aussi simple qu’il y paraît. Nicolas Hulot n’est entré au gouvernement que parce que, cette fois, il a eu la certitude qu’il pouvait imprimer sa marque sur la gestion de l’environnement en France. A d’innombrables reprises, il a montré son désintéressement, le peu d’intérêt qu’il a pour les ors de la République et sa volonté d’agir. A lui seul, il incarne le rêve écologique français. Il n’est ministre ni parce qu’il fait carrière ni parce qu’il est sensible aux honneurs. Dans ces conditions, parvenu à l’analyse « réaliste » en vertu de laquelle une trop rapide diminution de la production nucléaire d’électricité pouvait avoir des conséquences négatives pour l’environnement, et déjà frustré par les contraintes de la gestion politique, il aurait pu laisser à un autre le soin le choix d’annoncer le report de la réduction de la production nucléaire. C’est un peu comme si, intègre dans sa démarche, il s’était rallié à une sorte de consensus secret autour de la nécessité de maintenir le nombre de nos centrales pendant quelques années de plus.

Temps perdu.

Cette épisode de la bataille énergétique a des conséquences négatives pour M. Hulot mais aussi pour M. Macron et pour son gouvernement. L’objectif décidé par François Hollande était de nature politique. Il semblait engager le pays dans une réduction irréversible de la part du nucléaire. Que M. Hulot ait renoncé à la force symbolique de cet objectif est presque incompréhensible. La répartition du mix énergétique est la suivante : électricité, 72,3 % ; hydraulique, 12 % ; gaz, 6,6 % ; éolien, 3,9 % ; bioénergies, 1,6 % ; charbon, 1,4 % ; gaz, 0,6 %. La vérité est que du temps a été perdu, que la date de 2025 aurait dû entraîner un immense effort en faveur des énergies renouvelables. Cet effort n’a pas été accompli. En conséquence de quoi, M. Hulot se retrouve dans une situation qui n’a pas été maîtrisée parce que les gouvernements de M. Hollande n’étaient pas en mesure, probablement, de faire les investissements nécessaires pour développer aussi rapidement que possible les énergies renouvelables. Lesquelles progressent néanmoins, leur part étant passée de 16,4 % en 2012 à 19,1 % en 2016.
Un rythme néanmoins insuffisant, d’autant que nous avons une capacité nucléaire certes vieillissante mais encore capable d’assurer nos besoins en électricité. L’annonce par RTE, le réseau de distribution de l’électricité, qu’il y aura des coupures de courant cet hiver ne milite guère pour la fermeture des centrales. Le lobby du nucléaire, cette convergence entre de très grosses entreprises et la CGT, est encore très puissant. Tenté par une démission depuis de semaines, M. Hulot pourrait bien s’y résoudre avant la fin de l’année.

RICHARD LISCIA

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2 réponses à La « trahison » de Hulot

  1. Bollée dit :

    La seule solution écologique capable de remplacer le « nucléaire  » :
    le solaire. Mais la France n’est pas prête. Il faudra 10 ans pour que nous soyons
    en capacité industrielle de produire tous les composants de cette nouvelle production d’énergie.

  2. DUDUCHE dit :

    Quand on privilégie le dogmatisme face au réalisme basé sur des preuves on adhère au parti des « YAQUAFAUTQUON » (beaucoup d’adhérents en France).

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