Glyphosate, frustration française

Manif’ anti-glyphosate à Bruxelles
(Photo AFP)

Les 28 pays membres de l’Union européenne ont décidé hier de prolonger l’usage du glyphosate, un herbicide, pendant encore cinq ans. La France exigeait que le délai maximum fût limité à trois ans.

DANS LA BATAILLE du glyphosate , on trouve tous les ingrédients scientifiques, politiques, économiques, lobbyistes qui puissent alimenter le débat. Un des problèmes majeurs de l’affaire, c’est que la nocivité du glyphosate a été à la fois prouvée et démentie, les études chimiques les plus sérieuses s’opposant à d’autres études tout aussi sérieuses. Bien entendu, ceux qui fabriquent le produit n’ont aucun intérêt à ce qu’il soit interdit. Il s’ensuit un foisonnement de notions fausses ou fantaisistes, de contre-vérités et de mensonges qui font contrepoids à des informations plus sûres. En outre, les lobbies exercent leur pression sur Bruxelles et le résultat de cet embrouillamini, c’est que le débat échappe complètement au public, d’autant que les experts eux-mêmes n’apportent pas des idées simples et claires, susceptibles de mettre fin aux discussions.

Le recours : le principe de précaution.

Il y a un recours habituel dans ce genre de crise. Car c’en est une : elle est agricole, économique, de santé publique et européenne. Ce recours, c’est le principe de précaution, qui a été introduit jadis dans la Constitution. Il fonctionne de la manière suivante : si on n’est sûr de rien, si on ne sait pas avec certitude que le glyphosate est un poison sans pouvoir affirmer qu’il n’en est pas un, il est préférable de l’abolir, de façon à protéger la population de ses effets éventuellement nocifs, même s’ils ne sont pas confirmés. Bien que le sujet soit ardu (et il ne sera évoqué ici que dans ses grandes lignes), sa puissance explosive est énorme, sinon sa toxicité. Il est remarquable que la FNSEA, la grande organisation des agriculteurs français, reproche au président Macron d’avoir rejeté le verdict de Bruxelles et de décider, contre la majorité européenne, de limiter à trois ans l’usage du glyphosate, pendant que, de son côté, José Bové félicitait le chef de l’État. C’est que le principe de précaution appliqué aveuglément peut produire des conséquences économiques négatives. Si les paysans français cessent de l’utiliser plus tôt que leurs concurrents européens, ils seront pénalisés commercialement dans un contexte de concurrence frénétique dans l’Union européenne. De nombreux sociologues, philosophes et experts français critiquent d’ailleurs le principe de précaution, qu’ils jugent contraire à l’innovation, au dynamisme industriel et à la prise de responsabilité des entrepreneurs, toutes vertus dont on dit qu’elles ont manqué à la France depuis vingt ans et qui expliquent  partiellement le déclin de notre économie, celui-là même auquel Emmanuel Macron veut mettre un terme.

La France peut-elle faire cavalier seul ?

Ce n’est pas seule contradiction de la position française dans cette affaire. La décision de prolonger de cinq ans l’usage du glyphosate a été prise à Bruxelles par les pays européens dans les conditions  d’un vote parfaitement démocratique. Si chaque pays membre n’en fait qu’à sa tête, la discipline européenne est battue en brèche. L’abolition du glyphosate en France dans les trois ans ne serait pas un scandale à proprement parler. Mais il créerait un précédent pour l’indiscipline budgétaire ou pour le rejet de toutes les normes européennes qui contribuent à l’unité du continent et nous permettent de progresser vers l’intégration. Toutes choses que M. Macron n’ignore pas. Mais il a vite appris à faire de la politique et il lui importe aujourd’hui de promettre à  Nicolas Hulot que la France ne trahira pas l’environnement, quitte à voir dans trois ans comment nous allons procéder pour arrêter le recours au glyphosate sans nous fâcher avec la Commission de Bruxelles. Le choix entre ce que les agriculteurs, dans leur immense majorité, considèrent comme une bonne décision et la rigueur écologique de M. Hulot ne sera pas moins déchirant en 2020 qu’aujourd’hui.

 

RICHARD LISCIA

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4 réponses à Glyphosate, frustration française

  1. Num dit :

    Très mauvaise décision de Macron qui a cédé à la facilité et aux lobbys.
    D’une part, il ne joue pas le jeu européen (un comble !) comme vous le soulignez à juste titre.
    D’autre part, une étude américaine indépendante de grande ampleur (plusieurs dizaines de milliers d’agriculteurs exposés sur plusieurs dizaines) vient de démontrer que le glyphosate n’augmente pas le risque de cancer. Le principe de précaution évoqué par certains ayatollahs de l’écologie vire à l’obscurantisme…

  2. Nguyen Minh dit :

    Principe de précaution : on parle du glyphosate et de sa future interdiction.
    Sur les paquets de tabac , on lit : FUMER TUE. Et le tabac est en vente libre. Quand va-t-on appliquer le principe de précaution vis-à-vis du tabac ?

    • Michel de Guibert dit :

      Bien vu !

    • polo742 dit :

      Vous avez raison. Ce débat est totalement hystérique.Il faut rappeler que le CIRC a classé le glyphosate avec le même niveau de risque que la viande rouge. La charcuterie a été classée par le CIRC comme plus dangereuse que le glyphosate.
      Alors combien des opposants acharnés au glyphosate fument, boivent de l’alcool, mange de la charcuterie ou donnent de la viande rouge à leurs enfants? À mon avis, la plupart.

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