L’erreur d’Edouard

Edouard Philippe
(Photo AFP)

La litanie des petites polémiques entre le gouvernement et l’opposition n’est pas près de s’arrêter : voilà qu’il est maintenant reproché à Edouard Philippe d’avoir changé d’avion à Tokyo lors de son retour de Nouvelle-Calédonie.

INVITE sur RTL, le Premier ministre s’est expliqué : oui, lui et une partie de sa délégation ont changé d’avion à Tokyo et loué pour 350 000 euros de sièges sur un A-340 privé afin de gagner du temps. La règle veut en effet que le chef du gouvernement soit toujours sur le territoire national quand le président de la République part pour l’étranger. Or Emmanuel Macron devait se rendre à Alger et M. Philippe voulait arriver à Paris avant son départ. Cependant, le jeu en valait-il la chandelle ? Son appareil militaire est arrivé à bon port seulement deux heures après lui. Il déclare assumer complètement sa décision, c’est-à-dire une dépense superflue. Assumer est le mot que l’on emploie quand on a commis une erreur et qui ne veut rien dire si, en prenant la responsabilité d’un acte contestable, on n’en subit aucune conséquence. Ce fut le cas avec François Fillon, qui a « assumé » sa défaite, sans préciser qu’il avait fait perdre à son parti une élection « imperdable ».

Discret et peu connu.

L’affaire est d’autant plus regrettable que le chef du gouvernement apparaît comme l’un des hommes les moins clivants de la République. Il semble complètement absorbé par son travail et chercher davantage à expliquer son action qu’à entrer dans des joutes oratoires avec ses adversaires politiques. Il a une autorité naturelle, mâtinée d’un caractère bon enfant, et surtout, il est parfaitement en phase avec son accablant cahier des charges et avec M. Macron. Les sondages convergent pour accorder aujourd’hui à M. Philippe un cote de popularité de 52 %, identique à celle du chef de l’Etat, ce qui est bien utile pour un homme qui a contribué à la mise en place d’une série de lourdes réformes et en gèrera beaucoup d’autres dans les mois qui viennent.

Edouard Philippe est si discret, et au fond encore si peu connu, que les médias, à ce jour, ne lui ont pas accordé toute l’attention qu’il mérite. Beaucoup de Français ignorent pourquoi il a été choisi comme Premier ministre. La rumeur affirme que le premier choix d’Emmanuel Macron avait été Xavier Bertrand, lequel a refusé la proposition, sans doute pour mieux réaffirmer une indépendance, de nouveau confirmée ces jours-ci par sa démission du parti les Républicains, après l’élection de Laurent Wauquiez à la tête du parti de droite. Maire du Havre, philosophiquement très proche d’Alain Juppé, Edouard Philippe n’était pas un inconnu pour M. Macron. L’ancien ministre de l’Economie était proche des élus de droite qui, par la suite, ont formé le clan des « Constructifs » ou sont carrément entrés au gouvernement, comme Bruno Le Maire et Gérald Darmanin. La jonction entre un président issu de la gauche et des personnalités de droite n’a jamais résulté du hasard ou réuni des gens qui ne se connaissaient guère. Elle a été produite au contraire par une convergence des idées qui structuraient leurs ambitions.

Prendre des coups et en donner.

M. Philippe est boxeur, ce qui signifie qu’il peut à la fois prendre des coups et en donner. Il n’est pas possible de dire si l’histoire de changement d’avion va peser sur sa carrière, mais, comme d’habitude, le « scandale » existe plus dans les propos d’un débat politique délibérément livré à l’outrance que dans la colère populaire. L’empressement avec lequel les adversaires de droite ou de gauche commentent les erreurs, vraies ou inventées, du gouvernement en place traduit plutôt le besoin de faire feu de tout bois en ces temps de suprématie macronienne que la vigueur des oppositions. On n’est plus sous François Hollande, qui était sommé de répondre à toutes les interpellations, y compris celles que lançaient les frondeurs, c’est-à-dire les élus de son propre camp. Il est parfois question d’une lassitude chez les « marcheurs », notamment les députés, qui seraient fatigués d’être des godillots ou trouveraient ennuyeux les débats de l’Assemblée, mais, s’il est vrai que ce sentiment commence à se diffuser au sein de la majorité, il est tout aussi vrai que les médias sont prompts à déceler des frémissements tectoniques qui ne se transforment pas toujours en tremblements de terre dévastateurs.

C’est justement le rôle d’Edouard Philippe de contrôler la majorité et, avec l’aide de Christophe Castaner, il y est parvenu. M. Philippe gagnera à être mieux connu de l’opinion dans les mois qui viennent. Cet homme-là, quoi qu’on en dise, marquera son époque.

RICHARD LISCIA

PS- Trêve de Noël. Je prends quelques jours de repos. Ceux qui me font l’honneur de me suivre me retrouveront le mardi 2 janvier. Bonnes fêtes de fin d’année à tous.

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5 réponses à L’erreur d’Edouard

  1. JB7 dit :

    Bonnes fêtes de fin d’année à vous aussi,

  2. DR JCA dit :

    merci pour vos pertinents éditoriaux et meilleurs voeux à tous , journalistes et lecteurs

  3. Kerbrat dit :

    Total désaccord avec vous. Il a été choisi pour son charisme Il ne fera pas d ombre à Jupiter pour la fermeté de ses convictions .350 familles pauvres auraient aimé recevoir 1000Euros comme cadeau de Noel

  4. DOUTARD-ROGER dit :

    Affirmer qu’on assume une décision qui coûte 350.000,00 euro , signifie qu’on l’assume sur ses fonds propres.Il n’ y aurait donc dans cet unique cas , rien à craindre , rien à critiquer.
    On dilapide , ce que l’on a gagné par sa force de travail comme on veut.On sanctionne ceux qui par leur imprévoyance nous confrontent à une impasse dans le planning.
    Mais Il ne semble pas qu’il y ait volonté donc d’assumer personnellement cette décision en amputant son patrimoine personnel.
    Cette décision de dépense de 350.000,00 euro n’est assortie, dans le cas évoqué, d’aucune volonté effective d’assumer une libéralité autrement qu’en ponctionnant les fonds de l’état qu’ils aient pour origine l’emprunt ou les prélèvements d’état sur le travail des français et ce n’est pas tolérable.C’est à eux qu’il reviendra d’assumer une décision qu’ils n’auraient pas prise.

  5. Rio dit :

    Et si on avait rapatrié Édouard avec un ou deux collaborateurs « indispensables » à la bonne marche de l’Etat, par ligne régulière et laissé les 57 autres arriver deux heures plus tard avec l’avion initialement prévu, on aurait fait des economies

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