Immigration : levée de boucliers

Gérard Collomb
(Photo AFP)

Le projet de loi sur l’immigration ne sera pas examiné à l’Assemblée avant le mois d’avril mais, déjà, associations humanitaires et opposition s’allient pour que le texte soit amendé ou repoussé.

SOUS l’impulsion du ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, le projet durcit, de façon incontestable, les dispositions en vigueur jusqu’à présent. En gros, il s’agit d’accélérer toutes les procédures pour que les migrants qui n’ont pas le droit d’asile soient promptement refoulés aux frontières ou renvoyés dans leur pays d’origine. L’idée centrale est de pratiquer la distinction entre immigrés clandestins politiques et immigrés économiques. Pour chaque personne susceptible de bénéficier du droit d’asile, il faut du temps et une enquête. Pour les autres, il y aura une réponse immédiate des autorités. On dira aux gens dès le premier contact qu’ils n’ont aucune chance de rester sur le territoire français.

La réinsertion, tâche énorme.

Sur le terrain, les pouvoirs publics n’ont pas attendu la nouvelle loi pour en appliquer l’esprit. Le nombre de personnes refoulées ou reconduites chez elles est passé de 63 000 à 85 000 en 2017. Plus de trois cents réseaux de passeurs ont été démantelés par la police française. Et ce mouvement ne peut que s’amplifier, ce qui a déclenché la colère des ONG. Rien n’a changé depuis des décennies. La France est écartelée entre des préoccupations humanitaires et le réalisme : elle ne peut accueillir que le nombre de migrants auxquels elle peut accorder une réinsertion décente : une tâche énorme. On pouvait compter sur Emmanuel Macron et son sens du pragmatisme pour appliquer la politique la plus adaptée à nos moyens, qui sont limités. Le gouvernement n’est pas satisfait de la manière dont sont décrites ses intentions par tous ceux qui pensent que l’accueil des tous les migrants, quelle que soit leur motivation, est un impératif catégorique. Il rappelle que le projet de loi fait partie des promesses de campagne de M. Macron, tandis que M. Collomb s’efforce, par un discours plus nuancé, de ne pas apparaître comme l’ogre qui va résoudre le problème par la force. Mais un ministre de l’Intérieur, d’où qu’il vienne, défend toujours la stabilité de la société. L’exécutif doit en outre s’assurer l’approbation de sa majorité où des voix se sont élevées pour remettre en cause le contenu du projet de loi.

La distinction entre migrants politiques et économiques est devenue une sorte de cap philosophique censé déterminer toutes les politiques européennes d’immigration. Elle me semble bien artificielle car ce qui compte, ce n’est pas ce qui a déclenché le désespoir des hommes et des femmes qui préfèrent un voyage infernal au statu quo, mais le désespoir lui-même, aussi fort quand une population est privée de tout que lorsqu’elle est gouvernée par un despote. En réalité, il s’agit d’un instrument pour faire le tri et on doit à la vérité de dire que ce moyen permet aux pays d’accueil d’ignorer cette partie des migrants, sans doute la plus nombreuse, qui ne serait pas politiquement menacée. Les chemins qu’il faut emprunter pour élaborer un programme migratoire sont tous empoisonnés et l’éthique autour de laquelle on prétend organiser un système « juste » est viciée par l’hypocrisie.

Le ralentissement du flux migratoire.

Ce qui n’enlève rien à la réalité d’une migration qui, si elle avait libre cours, représenterait un danger pour les démocraties européennes. On a déjà vu les effets du phénomène sur le comportement de certains pays de l’Union européenne qui ont choisi la manière forte et construit des barrages infranchissables, méprisant les immigrés autant que les pays voisins. On aura remarqué que diverses initiatives prises en accord avec la Turquie, puis la Libye, ont tari le flux migratoire. Le problème général de l’immigration s’est amélioré depuis trois  ans grâce à l’accueil de près d’un million de personnes par l’Allemagne, puis à l’accord passé avec la Turquie, qui empêche les migrants de continuer leur voyage vers l’Europe et enfin à une amélioration du contrôle exercé par la Libye, qui, après la répression pure et simple et le trafic d’êtres humains, a accepté de collaborer avec l’Europe pour créer sur son sol des centres de rétention.

Se féliciter de ces progrès, est-ce sain, est-ce immonde ? Les efforts, immenses, pour ralentir le flux ont aussi permis de sauver des vies humaines puisqu’il y a moins de migrants qui prennent des risques insensés en Méditerranée. Personne ne peut se réjouir du sinistre destin de ces voyageurs de la mort. Chaque pays développé doit « prendre sa part de la misère du monde », cette seconde partie de la citation si célèbre de Michel Rocard. Mais l’immigration n’est possible et viable que si elle est contrôlée.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à Immigration : levée de boucliers

  1. Chambouleyron dit :

    La sortie jupitérienne méprisante contre notre prix Nobel est de bien mauvais aloi. Je suis tout à fait d’accord sur la distinction migrants économiques et politiques. C’est nul. Les progrès sont bien lorsque vous parlez de Madame Merkel. L’argent déversé vers la Turquie et la Libye me semble mafieux. La réinsertion au milieu de ce désastre est inconvenante. Rocard se retourne dans sa tombe avec l’exergue qui l’agaçait de son vivant. Et poursuivre les bénévoles de cœur qui sauvent des migrants dans les Alpes, c’est là le contrôle que vous appelez de vos vœux.

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