Macron courtise Mme May

A Sandhurst
(Photo AFP)

Emmanuel Macron a passé une demi-journée hier en Angleterre où il a obtenu une hausse de 50 millions d’euros de la contribution britannique à la lutte contre l’immigration clandestine à Calais et l’envoi par le Royaume-Uni de trois hélicoptères gros porteurs Chinook dans le Sahel.

CE N’EST PAS le moindre talent du président de la République d’ouvrir des conversations avec des chefs d’Etat ou de gouvernement qui n’y sont pas disposés, et de faire abstraction d’un contexte négatif. Il l’a déjà fait avec Vladimir Poutine et Donald Trump, qui ne sont pas exactement des interlocuteurs faciles, et il a recommencé hier avec Theresa May. La Première ministre britannique n’est nullement hostile à la France, mais elle est préoccupée par une crise dont elle risque de ne pas se remettre : les négociations sur le Brexit avec la Commission de Bruxelles ne tournent guère à l’avantage de Londres et des forces parlementaires, qui souhaitent quitter l’Europe tout en restant dans le marché unique, lui reprochent de trop céder et de ne pas obtenir grand-chose des autres pays européens. M. Macron, fidèle à ses idées, estime que le Brexit n’empêche nullement que Londres et Paris négocient sur l’immigration et la sécurité et la réponse de Mme May a été affirmative.

Rien n’est réglé.

Le chef de l’Etat a donc été reçu en grande pompe à l’Académie militaire royale de Sandhurst et il a plaidé avec succès pour une augmentation de l’aide financière de la Grande-Bretagne à la France pour le contrôle des flux migratoires à travers la Manche. Au moment où il s’apprête à préciser sa politique, par une nouvelle loi sur l’immigration qui sera présentée en avril à l’Assemblée et provoque déjà l’ire des associations humanitaires et de l’opposition, il tente de s’accorder un atout supplémentaire en obtenant cette aide. Le président de la région Hauts-de-France, Xavier Bertrand, s’est empressé de dire que le nouvel accord entre les deux pays est loin d’assurer la stabilité des flux et ne règle aucun problème. Il a raison, ne serait-ce que par la persistance des arrivées d’immigrés dans la région de Calais et le risque permanent d’une reconstitution de la « jungle ». Mais ce n’est pas M. Macron qui a conclu l’accord avec les Anglais et il est bien obligé de le respecter, tout en améliorant ses dispositions autant que possible. Le gouvernement de Mme May ne peut d’ailleurs camper sur l’interdiction de l’accès à ses côtes sans en payer le prix. Il est plus curieux, en revanche, que Londres ait consenti à envoyer du matériel militaire lourd dans le Sahel. Depuis qu’il a été élu, M. Macron ne cesse de répéter que la présence des djihadistes en Afrique occidentale n’est pas l’affaire de la France seule, mais celle de l’Europe tout entière. Sauf que l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union européenne est plus que compromise et que l’on pouvait attendre plutôt un effort de l’Allemagne.

Un autre référendum ?

M. Macron s’est félicité de la bonne entente avec Mme May jusqu’au moment où un journaliste anglais lui a demandé pourquoi l’Union refusait l’accès de son pays au marché financier de l’Union. La question a contraint le président à opter pour le franc-parler et à expliquer grosso modo que le Royaume-Uni ne pouvait pas avoir le beurre et l’argent du beurre. Si le chef de l’Etat excelle à mettre en valeur ses percées diplomatiques, il n’est pas inerte quand il est obligé de dire la vérité. Et la vérité est que Theresa May est dans une très mauvaise passe, que le Brexit est une négociation indescriptible, que les sujets de la Reine ont enfin compris que le choix de la sécession était le pire, que l’affaire va avoir des conséquences très négatives, sur les plans économique et commercial, pour la Grande-Bretagne. A tel point que Nigel Farage, le chef de l’UKIP, parti populiste, qui avait triomphé lors du référendum de 2016 mais, depuis, faisait profil bas, parle aujourd’hui d’un nouvelle consultation pour sonder les coeurs et les reins de ses concitoyens. On nage littéralement dans l’absurde, la mauvaise foi et la démesure, mais les Britanniques se demandent s’ils n’ont pas été dupés par les dirigeants populistes et conservateurs et si le Brexit ne les conduit pas vers une phase très pénible de leur Histoire.

RICHARD LISCIA

 

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2 réponses à Macron courtise Mme May

  1. Michel de Guibert dit :

    Merci pour cet excellent article.
    La question que je me pose est la suivante : est-il impossible que le Royaume Uni revienne sur la décision du Brexit ?

    Réponse
    Rien n’est impossible, surtout si les négociations échouent. Cela passerait par une démission de Theresa May, des élections anticipées et l’arrivée de travaillistes au pouvoir. Car Mme May, elle, s’est engagée à appliquer le résultat du référendum.
    R.L.

    • Num dit :

      Je n’y crois pas à moins d’un second référendum (ou alors quel déni de démocratie ! Digne de Notre-Dame-des-Landes).
      Je ne le souhaite pas. Enfin, sans les Britanniques, l’Europe a l’occasion d’avancer dans la voie de l’intégration.

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