Majorité : le coup d’arrêt

Une victoire de Vauquiez
(Photo AFP)

La République en marche s’est immobilisée hier à la faveur de deux législatives partielles qu’elles a perdues au profit des Républicains. Les enseignements de cette défaite sont multiples.

LES TAUX d’abstention sont si élevés (81 % dans le Val d’Oise et 71 % à Belfort) qu’il ne faut peut-être pas crier au désastre. Cependant, ils signifient que les électeurs  d’En Marche ! qui, dans les deux circonscriptions, avaient désigné deux marcheurs au mois de juin dernier, ne sont pas retournés aux urnes. On constate donc une désaffection de l’électorat qui a donné à Emmanuel Macron son énorme majorité. Il s’agit sans doute du constat le plus inquiétant pour le parti du président. Il a rassemblé divers courants dont plusieurs ne semblent pas se reconnaître dans les réformes mises en place par le gouvernement. Les atteintes au pouvoir d’achat par la hausse de la CSG, notamment pour les retraités, les  augmentations de prix des carburants et des péages, le retour à une inflation (encore contrôlable), il n’est pas difficile de trouver les sujets de mécontentement, alors que les inondations mettent à dure épreuve une partie de la population.

Expliquer une politique.

L’autre problème, c’est la cohérence d’une politique qui n’apparaît pas toujours dans la succession des actions entreprises par Edouard Philippe. Il n’échappe pas à la contradiction entre la suppression de l’ISF et la hausse de la CSG, en partie parce que le pouvoir n’a jamais su expliquer ses décisions : la transformation de l’ISF en impôt sur l’immobilier n’a pas pour objectif de conforter les fortunes individuelles, mais de donner aux entrepreneurs de start-up, très nombreux dans le pays, l’espoir de bénéficier un jour du fruit de leur travail. Or il n’y a pas de meilleur levier de croissance que la création infinie de PME de haute technologie, c’est elle qui finira pas réduire le chômage. Encore faut-il le dire.

Sur le plan politique, la double défaite de LREM a déjà donné lieu à une foule de commentaires prévisibles. A droite, on triomphe, sûrement un peu vite ; chez les marcheurs, on relativise. Il est toutefois indéniable que le président de LR, Laurent Wauquiez, voit dans ce petit succès électoral la preuve indéniable que son discours, sévère pour les immigrés et pour M. Macron, porte ses fruits. D’une part, il acquiert le rôle de premier parti d’opposition pendant que le PS reste éclaté et que la France insoumise cherche ses marques. D’autre part, il fait pièce à ceux des Républicains qui ne l’aiment pas ou qui proposent une politique alternative. La journée de dimanche n’aura pas été bonne pour Alain Juppé ou pour Xavier Bertrand, et pour tous ceux des LR qui ont quitté leur parti d’origine. Et comme elle conforte les choix de M. Wauquiez, leur traversée du désert sera d’autant plus longue que le président LR n’aura pas de bonne raison de nuancer les fortes positions qu’il a adoptées d’emblée pour conquérir son parti.

Le prix de l’audace.

Certains éléments d’évaluation demeurent inchangés. La République en marche a perdu des plumes, mais il est tout à fait normal qu’un pouvoir engagé dans une réforme aussi profonde et variée que celle de M. Macron en subisse les effets négatifs. Le chef de l’Etat n’avait pas tort quand il disait qu’il est impossible de réformer la France. Cela signifiait qu’il est impossible de la réformer et de rester populaire. Nous y voici. Il commence à payer le prix de son audace. Il n’y a jamais de miracle en politique, et il va falloir que le pouvoir et son parti se mobilisent et fassent front contre une droite qui reprend du poil de la bête. Il faudra aussi que le président et son Premier ministre expliquent mieux le sens de leur action et leurs motivations. Comme toujours en politique, ils sont engagés dans une voie de plus en plus étroite qui les contraint à dépenser moins, alors que, de toutes parts, on leur réclame des sous, à veiller à ne pas brusquer leur électorat, et surtout à changer le pays sans trop s’affaiblir eux-mêmes, sinon ils n’iront pas au bout de leur trajectoire. Quadrature du cercle ? Assurément. Mais M. Macron savait tout cela avant même d’être candidat. Il s’est fait fort  d’accomplir l’impossible. Il ne suffit pas de remplacer le mot réforme par celui de transformation.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à Majorité : le coup d’arrêt

  1. Num dit :

    Cela signifie que, contrairement à ce que nous bassinent les médias à longueur de journée, LREM n’est pas hégémonique, LR n’est pas mort, Macron n’est pas si bon et Wauquiez pas si nul.
    Macron ne parle pas au cœur des Français du peuple et ne prend pas la mesure de l’importance des questions identitaires.
    Le risque (à éviter pour Macron) est de finir comme Obama: adulé par les médias, l’élite, les médias et l’opinion internationale mais permettant l’élection de Trump.

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