SNCF : l’heure de vérité

Jean-Cyril Spinetta
(Photo AFP)

Ancien PD-G d’Air France, Jean-Cyril Spinetta a remis aujourd’hui au gouvernement son rapport sur la réforme et l’avenir de la SNCF. On en connaît les grandes lignes, à commencer par la transformation des trois sociétés d’établissements publics (EPIC) en société anonyme, ce qui, du coup, est censé abolir le statut de cheminot à l’embauche.

LES PROPOSITIONS de M. Spinetta, que le gouvernement n’est pas obligé d’appliquer totalement et qu’il peut même ignorer, s’apparentent à un remède de cheval. Il s’agit, tout simplement de mettre un terme aux avantages acquis par les cheminots à l’époque des Trente Glorieuses et qui auraient acculé l’entreprise à la faillite si elle n’empruntait à des taux très favorables et n’était soutenue par l’État. Le rapport de M. Spinetta est un document d’expert et donc d’une complexité qui obscurcit sa portée. Mais nul besoin d’être grand clerc pour savoir que la SNCF a une dette colossale qui ne cesse de croître, qu’elle ne rend pas les services escomptés, que certains choix stratégiques, et notamment ceux dictés par  la passion nationale pour les lignes à grande vitesse, ont été soit erronés, soit mal calculés.

Une dette de 45 milliards.

Tout n’est pas mauvais dans ce que nous avons fait en matière d’équipements ferroviaires : comme pour le transport routier, facilité par d’excellentes et multiples autoroutes, les Français peuvent se déplacer en train à une vitesse comparable à celle de l’avion. Mais le choix du TGV présente de sérieux inconvénients. D’abord, nous avons été incapables de l’exporter, ce qui aurait permis d’amortir les énormes financements qu’il a fallu réunir pour lancer les chantiers des lignes. A l’étranger, le Japon, l’Allemagne, la Chine ont créé eux-mêmes leurs LGV. Ensuite, la dette de la SNCF s’élève à 45 milliards, elle augmente de trois milliards par an, et son lent remboursement coûte 1,5 milliard par an, dépense qui pèse sur le budget de la société et limite ses investissements.

À tel point que l’entretien des lignes, grandes ou moins grandes, en a pâti, que les retards s’accumulent, que la promesse d’un déplacement ultra-rapide se transforme en sinistre farce quand des passagers sont bloqués pendant des heures en rase campagne, sans chauffage ni nourriture. Enfin, la dette de la SNCF est considérée comme une dette privée, alors que, dans la réalité financière, elle s’ajoute à la dette publique, car on ne pourra l’éponger qu’en s’adressant au contribuable. Grave injustice pour tous ceux qui préfèrent l’avion au train ou ne quittent jamais leur ville ou leur village et auxquels on finira par demander qu’ils paient pour ceux qui voyagent en train.

Indifférence collective.

Comme pour l’énergie nucléaire, le coût du transport ferroviaire est incalculable. Si les tarifs tenaient compte de la dette, du coût de la retraite des cheminots, ou encore des indispensables investissements à faire pour maintenir le réseau en état et pas seulement entre les grandes villes,  les gens ne prendraient plus le train et l’autocar, cher à M. Macron, aurait un grand succès. Oui, c’est vrai, nous avons un beau réseau ferroviaire. Mais, d’une certaine façon, nous n’en n’avons jamais payé le prix. Et M. Spinetta arrive avec son rapport pour nous montrer la facture. On souhaite bonne chance à l’exécutif pour trouver des solutions à un autre de ces problèmes nationaux que nous avons collectivement ignorés pendant des décennies.

RICHARD LISCIA

 

 

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2 réponses à SNCF : l’heure de vérité

  1. admin dit :

    LL dit :
    La plupart des démocraties (et autres!) sont confrontées au prix réel de leurs infra-structures : dette, maintenance, et retraites. On ne peut pas continuer la politique de l’autruche.

  2. Cest la triple peine qui est en marche pour tous les voyageurs contribuables français avec le rachat de la dette de la SNCF/RFF, le coût des départs volontaires, du remplacement du régime spécial des sécurité sociale et retraite des cheminots et l’augmentation inexorable des tarifs toutes lignes. L’addition sera donc très lourde pour le consommateur contribuable français pour une offre mobilité ferroviaire dont les progrès en qualité resteront à démontrer. Si donc nos voisins d’outre-Manche ont eu des déboires de sécurité au passage à la mise en concurrence, n’oublions pas qu’en France les accidents de Brétigny sur Orge, d’Alsace et sur de nombreux passages à niveau se sont produits hors ouverture à la concurrence. Quant au bilan écologique par la substitution organisée des lignes non rentables par des moyens routiers, personne ne s »empresse détudier l’impact sur l’environnement et les infrastructures routières. Bref comme vous dites cher Alain Kerhervé « le risque politique est majeur » et au train où les actuels gouvernants entendent mener ces réformes, il est à craindre que la casse sociale et territoriale prenne de l’ampleur !

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