L’Etat formateur

Muriel Pénicaud
(Photo AFP)

Que l’Etat reprenne en main la formation professionnelle n’a rien de choquant si l’on évalue à la fois la somme investie chaque année dans ce secteur et les résultats peu probants qu’elle obtient sur le plan de la réduction du chômage.

A L’HEURE actuelle, la formation professionnelle coûte chaque année quelque 32 milliards et n’importe qui peut mesurer depuis dix ans la hausse du taux de chômage qui a accompagné cet effort colossal. La formation est gérée paritairement par les syndicats et le patronat, bonne idée en apparence qui a été utilement appliquée pendant de nombreuses années, mais qui ne semble pas avoir lutté avec succès contre les crises économiques qui se sont succédé depuis quarante ans. Notre modèle de formation a vieilli, il coûte très cher, il a sans doute permis quelques rentes de situation et n’a pas profité à ceux de nos jeunes concitoyens qui espèrent entrer et surtout rester dans le monde du travail.

Le rôle essentiel du patronat.

Contrairement à quelques idées reçues, l’Etat n’est pas toute la légitimité requise pour lancer une OPA sur la formation. Il alimente un tiers de son budget, ce qui fait de lui le second investisseur, avec à peu dix milliards par an, 3,8 milliards directement versés par ses caisses et 5,5 milliards au titre des fonctions publiques. Les entreprises, pour leur part, dépensent 14 milliards pour la formation professionnelle, de sorte que secteur privé le premier investisseur, et de loin (notons au passage que ce rôle social des entreprises est largement ignoré). Le reste du financement est assuré par les ménages (1,4 milliard), l’Unedic (2,1), les régions (4,5), les autres collectivités territoriales (117 millions). Conformément à sa dynamique hâtive et déterminée, le gouvernement, en la personne de Muriel Pénicaud, bouscule les syndicats, mécontents qu’on les prive d’une activité lucrative, et le patronat qui n’aura de cesse de rappeler qu’il apporte près de la moitié des sommes dépensées dans la formation.

La CFDT est contre.

La gestion des montants recueillis sera désormais gérée par l’Etat, qui souhaite accélérer la formation en la finançant lui-même et en prenant toute une série de dispositions très techniques destinées à faciliter l’accès aux droits pour ceux qui souhaitent bénéficier d’une formation professionnelle. C’est ainsi que le CPF, compte personnel de formation, sera crédité d’une somme d’argent et non d’heures , ce qui déplaît souverainement aux syndicats et en particulier à la CFDT, vivement opposée à cette réforme.Le droit à l’accompagnement sera renforcé. Les chômeurs bénéficieront d’un accès élargi au dispositif. C’est l’Etat qui recueillera les fonds et non plus les 6 000 collecteurs dont c’est la tâche permanente qui ne pourront survivre que s’ils sont affectés à d’autres tâches.

Il ne fait pas de doute que, une fois encore, le gouvernement et Mme Pénicaud s’attaquent à une montagne d’intérêts particuliers et prennent le risque de jeter quelques milliers de salariés au chômage, ce qui serait le résultat inverse de celui qui est recherché. La ministre des Affaires sociales va devoir se montrer extrêmement prudente et, même si sa méthode a excellemment fonctionné lors de l’adoption du Code du travail, elle risque, cette fois, de se heurter au mur des acquis agrégés par le patronat et les syndicats.

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