FN : seul le nom change

Marine à Lille
(Photo AFP)

Il n’y avait pas, dans ce congrès de Lille du Front national, de quoi casser trois pattes à un canard. Le mouvement, au contraire, n’est sorti d’aucune des contradictions majeures qui pèsent sur son avenir.

POUR COMMENCER, l’invitation adressée à Steve Bannon, ex-conseiller sulfureux de Donald Trump, pour qu’il explique aux congressistes comment ils devaient rester impavides sous l’accusation de racisme et pourquoi sa technique d’accession au pouvoir représente une martingale infaillible, constituait une erreur majeure. M. Bannon est un suprémaciste blanc et son intolérance affichée pour les minorités va encore au-delà de ce qu’osent dire les adhérents et les dirigeants du Front. Quand ils ont applaudi cet antisémite anti-noirs notoire, ils ont bien plus apporté une caution à ce qu’il y a de pire aux Etats-Unis en matière de xénophobie, de protectionnisme et de malhonnêteté politique qu’ils n’ont trouvé un soutien utile à leurs propres idées. Ses idées excessives lui ont valu d’être congédié par Trump : même s’il a beaucoup contribué, y compris par des méthodes à la limite de la légalité, à la victoire de Trump en novembre 2016, il devenait dangereux pour la réputation du président. Comme le dit Jean-Marie Le Pen, la tribune offerte à Bannon est une curieuse façon de dédiaboliser le FN.

Mode dynastique de gouvernement.

Par ailleurs, Marine Le Pen, qui avait porté des coups mortels à son père, l’a achevé hier en le privant de sa présidence d’honneur du parti, poursuivant un cycle dont elle finira par être elle-même victime le jour où les militants, qui l’ont réélue à presque 100/% à la tête du Front pour un mandat de trois ans, commenceront à comprendre qu’elle s’est déjà beaucoup fatiguée à son poste, avec les attaques de Jean-Marie, le départ de Florian Philippot, ses propres faiblesses et sa nièce qui l’attend au coin de la rue. Dire que le congrès aura consolidé la cohésion et l’unité du FN, sous le prétexte que son nom a été changé (le mouvement s’appelle désormais Rassemblement, extraordinaire produit de l’imagination sans bornes de ses dirigeants), est un faux-semblant. Bien entendu, la forme dynastique du parti, toujours dirigé par l’un des membres de la même famille, comme s’il n’y avait pas de talents ailleurs qu’à Montretout, ne gêne pas les frontistes qui gobent tout avec volupté.

Un discours superficiel.

Marine Le Pen s’est bien gardée, dans son discours, d’exposer les sujets qui fâchent. Elle s’est contentée, le plus souvent, de se réjouir des avancées du populisme en Europe, et notamment en Italie, où elle a trouvé des raisons d’espérer que son Rassemblement national allait puiser sa dynamique. En réalité, le Rassemblement a ses problèmes spécifiques dont le plus sérieux est Marine elle-même, qui, comme dans tout parti d’inspiration totalitaire, n’a pas été remise en question publiquement après son énorme fiasco de la campagne d’entre les deux tours de la présidentielle  et la démission de Florian Philippot. C’est parce qu’elle est affaiblie qu’elle a prononcé un discours superficiel où, en définitive, elle n’a rien annoncé de neuf sinon son habituelle rhétorique sur les splendeurs d’une cause dont la nouvelle inspiration vient d’un néo-fasciste de l’étranger.

Le Rassemblement est d’autant plus dangereux que son corps présente quelques plaies non-cicatrisées et couvertes par le secret médical, que Marine Le Pen, réélue à la manière d’une république bananière, ne semble plus très qualifiée pour diriger un parti pourtant arrivé second à la présidentielle, que l’intolérance, et même le racisme, si l’on en croit les propos du vice-président du Front national-jeunesse devant une boîte de nuit, ne cessent de se répandre au sein de l’électorat FN, que, sur l’euro plane l’incertitude, que les difficultés à contrôler l’immigration alimentent la montée de ce que l’on appelle populisme en Europe, mais qui n’est rien d’autre qu’une progression de l’extrême droite inspirée par le fascisme. Le fameux Rassemblement ne tire pas sa force de son adaptation au changement mais à un changement survenu dans tout le continent sous la pression de l’immigration, ce qui explique aujourd’hui que Mme Le Pen ait pu réunir plus de 10 millions de suffrages. Quelles que soient les erreurs qu’elle continue à commettre, elle dispose d’un capital de voix susceptible de croître.

RICHARD LISCIA

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5 réponses à FN : seul le nom change

  1. JMB dit :

    L’élection de Trump est présentée comme un succès du populisme dans la conquête du pouvoir. Or il a obtenu 2 millions 700 000 voix de moins que son adversaire au suffrage universel. Curieux pour un populiste.
    Je garde précieusement des tableaux sous la rubrique « Le travail du charcutier »: avec le même résultat au suffrage universel, on obtenait, dans une configuration à deux listes, une majorité au pouvoir différente selon que le mode d’élections définitif était orienté pour favoriser l’un ou l’autre camp.

  2. Chambouleyron dit :

    Vous faites de l’immigration une ligne de partage des eaux pour expliquer le fameux populisme en Europe. Sur quelles études vous fondez vous pour une telle conviction que vous répétez à longueur de chronique. N’est-ce pas une fake news ? Votre intime conviction ?

    Réponse
    Votre interpellation n’est même pas courtoise et, à ce titre, ne devrait recevoir aucune réponse. Ce qui m’amuse, c’est que vous ne voyez pas ce qui se passe en Italie, en Allemagne, en France, à un moindre degré en France parce que Macron a gagné les élections, en Hongrie, en Autriche, et dans tant d’autres pays européens. L’immigration est devenue le problème numéro un pour l’électorat, qui vote massivement pour les populistes et l’extrême droite. Fake news, les résultats électoraux, la montée de l’intolérance, de la xénophobie, du racisme ? Elle est inscrite dans le choix des électeurs. D’abord je ne répète rien à longueur de chronique, c’est seulement une figure de style de votre part. Ensuite, rien ne vous oblige à me lire.
    R.L.

    • Num dit :

      Je suis d’accord avec Richard Liscia sur le fait que l’immigration est devenue une question majeure pour une grande partie de l’électorat en France et en Europe.
      Par contre, je ne comprends pas qu’on le stigmatise. Selon les medias et l’élite parisienne (c’est-à-dire ceux qui ne subissent pas ses effets), les pro-immigration sont gentils, ouverts, tolérants… tandis que ceux qui émettent des réserves sont nécessairement sectaires, intolérants, populistes, xénophobes, racistes et d’extrême-droite. Tellement plus simple de cataloguer les idées que d’en débattre ! La stigmatisation est pourtant l’inverse de ce qu’il convient de faire car ceux qui refusent l’immigration incontrôlée n’ont pas d’autre alternative que de se tourner vers les partis populistes, puisque les partis de gouvernement ignorent ou pire nient cet enjeu majeur de société aux conséquences sociales, économiques, culturelles et religieuses considérables (le cas le plus emblématique étant celui de l’Allemagne où Mme Merkel a payé sa générosité par le plus faible score historique de son parti aux dernières élections).

  3. JMB dit :

    Au début du XVIIIè siècle, le philosophe irlandais John Toland écrivait: « Je conviens que dans tous les pays, le populaire s’accompagne rarement de l’afflux d’étrangers: ce qui procède, premièrement, de ce qu’ils ignorent qu’au commencement ils l’avaient été eux-mêmes; deuxièmement, de ce qu’ils n’acceptent qu’à contrecœur que d’autres viennent partager l’exercice de leur métier, ou, comme ils disent, leur enlever le pain de la bouche; et, troisièmement, parce qu’ils sont stimulés dans cette aversion par les artifices de ceux qui ont pour dessein de changer de gouvernement… ». (cité par Léon Poliakov dans son « Histoire de l’antisémitisme ».

    • Michel de Guibert dit :

      Merci à vous et au regretté Léon Poliakov pour cette très intéressante citation.
      Comme quoi il n’y a rien de nouveau sous le soleil !

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