Une crise anglo-russe

Poutine : innocent ?
(Photo AFP)

Le 4 mars, Serguei Skripal, 66 ans, et sa fille Youlia, 33 ans, sont découverts inconscients sur un banc à Salisbury, en Grande-Bretagne. Le policier qui leur porte secours tombe malade à son tour et les investigations de la police établissent qu’une pizzeria, Zizzi et un pub, The Mill, sont contaminés par un agent toxique inconnu.

LES AUTORITES britanniques lancent alors une enquête de grande envergure qui établit que le poison dont ont été victimes M. Skripal et sa fille s’appelle le Novitchok, qu’il n’existe pas d’antidote et qu’il a pu contaminer jusqu’à cinq cents sujets de la reine. Tous sont astreints à laver leur linge, leur maison, les objets de leur intérieur. La Première ministre Theresa May, sans la moindre preuve, désigne le coupable : la Russie, qui aurait déjà éliminé plusieurs de citoyens russes sur le sol britannique, dont l’oligarque Boris Berezovski, retrouvé pendu dans sa salle de bains il y a cinq ans et quelques autres espions assassinés au polonium. Serguei Skripal était un agent double. Il avait trahi la Russie au profit du Royaume-Uni,  avait été condamné, jeté en prison jusqu’au moment où il a été échangé contre un autre agent double britannique qui travaillait pour le compte de Moscou.

Comment riposter ?

Moscou a aussitôt protesté de son innocence, avec d’autant plus de vigueur que l’enquête piétine et que le Novitchok, qui agit sur le système nerveux, était jusqu’à présent un poison inconnu. Mme May a lancé à la Russie un ultimatum, resté lettre morte,  pour qu’elle s’explique sur les circonstances du crime. Les Tories réclament l’adoption par Londres de nouvelles sanctions contre Moscou, qui ont été annoncées aujourd’hui par Mme May : expulsion de 25 diplomates russes, gel des relations entre Londres et Moscou, pas de représentant officiel du Royaume-Uni à la Coupe du monde de football. La thèse défendue par nombre d’observateurs est que Vladimir Poutine n’avait aucun intérêt à déclencher une grave polémique internationale au moment où, fort de sa popularité, il s’apprête à être réélu pour un nouveau mandat présidentiel, qui lui aura permis de rester 24 ans au pouvoir. On peut néanmoins arguer qu’il se sent assez puissant pour tout se permettre et poursuivre ses basses oeuvres sans courir le moindre risque.

Récemment, Poutine, présentant une video censée montrer des armes stratégiques innovantes qui se joueraient de toutes les défenses occidentales, accompagnait le spectacle d’un commentaire. S’adressant à ceux qu’ils désignent comme ses adversaires, l’Amérique et l’Europe, il a dit : « Vous n’avez jamais entendu notre point de vue. Maintenant, je peux vous dire : écoutez-nous ». Menace claire contre tous ceux qui rejettent la politique russe. Poutine a mis au pas la Géorgie, que ses forces occupent partiellement, il a annexé la Crimée, il poursuit son combat contre l’Ukraine en maintenant des forces dans le Donbass et, depuis quelques jours, refuse, de lui vendre du gaz. En Syrie, il est directement responsable de divers massacres, notamment celui de la Ghouta qui a fait plus de 1000 morts. Il est toutefois incapable d’instaurer la paix dans ce pays dévasté, où il laisse la Turquie massacrer les Kurdes du Nord, alliés de l’Occident, Bachar Al Assad exterminer des civils par des bombardements. Sa méthode, c’est la violence, son résultat, c’est le chaos.

Poutine ne fait que son bon plaisir.

L’Europe et les Etats-Unis soutiennent le Royaume-Uni sans réserves et n’hésiteront pas à adopter de nouvelles sanctions. L’administration Trump a réduit à une fanfaronnade la récente démonstration de force de Poutine, à propos de ses armes invincibles. Elle n’y a pas vu la nécessité de redéployer les moyens américains ni ceux de l’OTAN. Trump, de toute façon, ne semble pas en mesure d’explorer les profondeurs de l’ego de Poutine, lequel estime que sa mission consiste à rendre à la Russie la « grandeur » de l’Union soviétique et à corriger, puissamment et définitivement, les effets, qu’il juge délétères, de l’effondrement du bloc soviétique. Ancien agent du KGB, Poutine en est au stade des règlements de compte avec l’Occident. Il est bien possible qu’ayant échangé un espion russe considéré comme traître contre un autre espion, il n’ait voulu laisser aucune chance à celui qu’il avait consenti à libérer. Cette sorte de perfectionnisme dans la cruauté et de spécialisation dans la vengeance, plat qui, comme chacun sait, se mange froid, donne une idée du danger qu’il représente.  Président à vie, il s’est affranchi des règles internationales, de l’ONU, de toute éthique, ne fait que son bon plaisir, bouscule des peuples entiers, participe à l’extermination des Syriens, toutes tendances confondues, et ne paie pas un kopeck pour ses crimes.

RICHARD LISCIA

 

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4 réponses à Une crise anglo-russe

  1. Michel de Guibert dit :

    « Sa méthode, c’est la violence, son résultat, c’est le chaos »
    … car bien sûr les États-Unis n’ont pas laissé de chaos en Irak, ni la France en Libye ?

    Réponse
    Poutine prétendait faire la paix en Syrie et s’y est essayé (en vain) à plusieurs reprises, au Kasakhstan et à Sotchi. On peut toujours trouver à tel ou tel pays un passé sinistre, la France et surtout les Etats-Unis n’y échappent pas. Bien entendu, si vous préférez le mode de vie russe, ce sera votre droit irréfragable … tant que vous ne l’aurez pas adopté.

    R.L.

    • Michel de Guibert dit :

      Je ne faisais pas non plus l’éloge de Poutine, je suis seulement allergique à toute vision manichéenne du monde et je pense qu’il vaut mieux, pour établir la paix, dialoguer que vouer aux gémonies…
      Réponse
      Je ne suis nullement manichéen. Je suis engagé pour la démocratie et pour les institutions républicaines.
      R.L.

  2. admin dit :

    LL dit :
    Invraisemblable! Au moins on sait clairement à qui/quoi on a affaire.Des voyous et des assassins. Autant pour ceux qui veulent s’allier avec la Russie pour « sauver la démocratie occidentale. »

  3. Chambouleyron dit :

    D’accord avec votre papier sur Poutine ce que vous dites confirme mes nausées lors de la prise d’otages Tchétchène où presque tous les otages du cinéma furent gazés…. Poutine est un danger plus que Trump qui, lui, vit en démocratie. Malheureusement ce à quoi on assiste avec Mme May semble relever de la poudre aux yeux.

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