Colère de vieux

Manif’ à Strasbourg
(Photo AFP)

Les manifestations de seniors avaient, hier, un peu partout en France, quelque chose de pathétique. Comme un cri de désespoir que personne n’entend.

RIEN NE SEMBLE plus justifié que la volonté des retraités d’exprimer leur ressentiment. Leurs pensions sont gelées depuis quatre ans, la hausse de la CSG n’est assortie, dans leur cas, d’aucune compensation. Leur pouvoir d’achat a donc diminué de 1,7 % cette année et d’au moins 6 % depuis 2014. Le pacte qui les liait à l’État a été trahi par le gouvernement. Comme pour d’autres mesures perçues par l’opinion comme autoritaires ou cavalières, la déception des seniors est très grande car, dans leur majorité, ils ont voté Macron l’année dernière. Le gouvernement se prive ainsi d’une fraction de son électorat et cela durablement : ses explications ne sont guère convaincantes, notamment à propos de la suppression de la taxe d’habitation qui sera progressive et ne concernera pas forcément tous les retraités.

Rien contre eux ?

Député de la République en marche, Stanislas Guérini a déclaré ce matin qu’il n’y a rien « contre les retraités dans la politique du gouvernement ». Dans ce cas il n’y a rien pour eux non plus. M. Macron a rencontré des seniors récemment et il ne leur a pas tenu ce langage, au contraire. Il leur a dit qu’il voulait encourager le travail, qu’il devait d’abord augmenter le pouvoir d’achat des actifs. Si ses interlocuteurs avaient été économistes, ils auraient pu répondre qu’ils sont des consommateurs comme les autres et, s’ils avaient eu la repartie politique, qu’ils auraient pu être des électeurs fidèles de la REM. Ils ont simplement constaté qu’ils se serrent de plus en plus la ceinture, étant entendu que les cas sont variables et que l’ancien cadre supérieur vit mieux que l’ancien ouvrier.

Les régimes complémentaires de retraite, AGIRC et ARRCO, annoncent ce matin qu’ils ont divisé par deux leur déficit. Ils insistent sur la nécessité de prolonger les carrières pour parvenir à l’équilibre du financement des pensions. Ils ont raison mais, pour le moment, la réforme, qui doit concerner les actifs au premier chef, est lointaine. En attendant, ce sont les retraités qui financent la résorption du déficit des assurances vieillesse complémentaires. Il ne faut pas oublier qu’ils ont cotisé pendant toute leur vie professionnelle. Certes, ils ont payé non pas pour leur propres pensions mais pour celles des retraités qui les ont précédés. Ce n’est vrai toutefois que pour le retraité de base de la Sécurité sociale. Les régimes complémentaires fonctionnent selon un système d’acquisition de points. Or ceux qui veillent au fonctionnement des régimes de retraite n’ont cessé à travers les âges de diminuer le montant prévu de la pension  et d’augmenter les cotisations. Quand on dit qu’il n’y a pas de meilleur système parce qu’il est public et non privé, ceux qui touchent leur pension doivent se demander s’ils n’auraient pas mieux fait de gérer eux-mêmes l’épargne qu’ils ont confiée aux régimes.

Une injustice.

En réalité, les décisions du gouvernement sont dures et créent une injustice qui frappe non les actifs mais les retraités, lesquels ne devraient pas être la cible des économies souhaitées par le gouvernement. La seule solution réside dans la prolongation des carrières, un plus grand nombre d’années de cotisations, une date de départ à la retraite ajournée à 64, 65 ou même 66 ans. C’est l’état de la société qui le veut. Nous vivons plus longtemps et en meilleure forme. Nous pouvons travailler au-delà de 62 ans et il est plus bénéfique de rester actif que de se retirer complètement du monde du travail. Un salarié qui travaille un an de plus permet de faire une double économie : il ne puise pas dans les caisses de retraite et il cotise un an de plus aux régimes.

RICHARD LISCIA

PS- Je reviendrai lundi, dans le Quotidien du médecin, sur la grève des cheminots.

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4 réponses à Colère de vieux

  1. BERDAH Jean-Jacques dit :

    Je ne m’explique pas cette déception des séniors dont je fais hélas partie puisque ces mesures étaient prévues dans le programme de M. Macron et si comme vous le dites ils ont voté pour lui ils devaient bien s’attendre à l’application de son programme !

  2. Scalex dit :

    Retraité actif je perds, donc 50€ sur ma retraite depuis le 1er janvier. Je n’en suis pas choqué pour la raison suivante: je suis de plus en plus admiratif des qualités de notre jeune président. Beaucoup de ses décisions me paraissent particulièrement pertinentes. Donc je préfère payer, un peu avec un bon président que beaucoup, avec un mauvais président.

  3. P.Castaing dit :

    “Colère de vieux” n’est pas un titre si respectueux, cher éditorialiste, même si à plus de 80 ans et toujours en activité, vous savez certainement de quoi vous parlez. La vieillesse laisse peu d’ornement et la dignité est l’un des plus beaux mais certainement le plus fragiles.
    Réponse
    J’appelle un chat un chat. Et je dois faire des titres courts.
    R.L.

  4. admin dit :

    LL dit :
    Cela dit, aux Etats-Unis, il n’y a pas de pension substantielle et le système de retraite (Social Security) risque de faire faillite. La réforme passe par la réduction des déficits.

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