Ouragan sur Facebook

Mark Zuckerberg
(Photo AFP)

Une société britannique, Cambridge Analytica, a illégalement acquis les données relatives à 50 millions d’utilisateurs du réseau Facebook. L’action de la société, qui perd de sa valeur depuis le début de l’année, a chuté de plus de 10 % en une semaine et pourrait se déprécier encore dans les jours qui viennent. La justice américaine, la justice britannique, la Commission européenne pressent Mark Zuckerberg, le grand patron de Facebook, de s’expliquer.

POUR LE MOMENT, M. Zuckerberg s’est contenté de dire qu’il était « scandalisé » par ce qu’il venait d’apprendre. Tout le monde lui demande en fait de raconter  comment le système de protection des données de Facebook a pu être aussi vulnérable et plonger la compagnie dans le ridicule. L’affaire n’est pas que financière, même s’il s’agit de l’affaiblissement soudain, et peut-être durable, d’une de ces compagnies technologiques qui dominent le monde. Sur le papier, la valeur de Facebook a diminué d’une trentaine de milliards de dollars. Mais le vrai problème, c’est la confiance des utilisateurs du réseau, qui a disparu en un tournemain. Sans compter les ramifications politiques du scandale.

Le vol des données.

En effet, le patron de Cambridge Analytica, Alexander Nix, qui a été suspendu mardi, s’est vanté dans un entretien avec camera cachée, d’avoir réussi à pénétrer dans le système de Facebook et d’y avoir volé les données concernant quelque cinquante millions d’utilisateurs américains. Une chaîne de télévision anglaise, Channel News 4, a diffusé ses propos lundi et mardi. Il a affirmé que la méthode à laquelle ses services ont recouru pour dérober les données ne risquait même pas de déclencher une alerte chez Facebook. Ce que ne dit pas M. Nix, c’est la raison pour laquelle il a volé les données et il ne dit pas davantage à qui il a vendu le produit du vol. Channel News 4 a diffusé parallèlement un entretien avec Hillary Clinton, datant d’octobre 2017 et dans lequel l’ex-candidate à la présidence des Etats-Unis se demande comment « les Russes ont pu accéder aux données personnelles des électeurs des trois Etats, Pennsylvanie, Michigan et Wisconsin », censés être acquis au parti démocrate et qui ont voté pour Donald Trump, ce qui a entraîné la défaite de Mme Clinton. Il faut rappeler à ce sujet qu’elle avait remporté le vote populaire avec 2,8 millions de voix d’avance, mais avait perdu celui des grands électeurs, de sorte qu’elle n’a obtenu qu’une minorité d’Etats. L’actuel président américain fait l’objet d’une vaste enquête d’un procureur spécial, Robert Mueller, qui accumule les preuves d’une collusion entre la campagne de Trump et des dirigeants russes. Ceux-ci auraient pesé sur l’élection présidentielle américaine dans un sens favorable au candidat républicain.

Crise financière et judiciaire.

Assailli d’injonctions multiples, nationales et internationales, Facebook est confronté à une crise d’une gravité d’autant plus sérieuse qu’il a été pris par surprise, qu’il ne ne s’est aperçu de rien pendant 18 mois et que l’affaire a des conséquences politiques considérables. Pour la première fois, un des GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft) est menacé à la fois sur les plans financier et judiciaire. Sans nul doute, Facebook va devoir réviser de fond en comble la sécurisation de ses données, ce qui pourrait le soumettre à un contrôle public. La société pourrait aussi faire face à des procès intentés par ses utilisateurs. Nous assistons donc à la fois à l’ébranlement d’un géant de la nouvelle technologie et à une accélération de l’enquête qui vise Donald Trump.

RICHARD LISCIA

 

Ce contenu a été publié dans Non classé. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

3 réponses à Ouragan sur Facebook

  1. admin dit :

    LL dit :
    Et sociologique, au sens où il en faut peu pour déstabiliser la première plateforme sociale du monde. Du temps des « networks », une dégradation aussi rapide n’aurait pas été possible.

  2. JMB dit :

    Le film de David Fischer « The Social Network », sorti en 2010 et qui n’est pas interdit, dresse un tableau édifiant de Mark Zuckerberg.
    Le film s’ouvre sur le baratinage de Zuckerberg envers Erica Albright qui le quitte sur une parole peu amène. En représailles, il diffuse sur le site d’Harvard des propos désobligeants à son égard. La rencontrant ultérieurement à la cafétéria d’Harvard, il s’excusera de son comportement lors de cette soirée – l’excuse, une seconde nature – mais sera renvoyé à ses chères études.
    Les frères Winklevoss l’accuseront de plagiat à l’origine de la création de Facebook: ils obtiendront un dédommagement.
    Son ami (?) et collaborateur Edouardo Saverin doit se mettre au vert après avoir été accusé de maltraitantes envers des animaux. Il obtiendra que son nom figure dans les créateurs de Facebook.
    Sean Parker, créateur un temps du site de Peer to peer musical Napster, collaborateur dans le développement de Facebook, sera arrêté pour détention de drogues au cours d’une soirée privée. La police avait reçu un coup de téléphone anonyme. Zuckerberg ne participait pas à cette soirée.
    Même aux États Unis, le péché originel serait oublié ?

    Réponse
    J’ai vu le film, je n’y ai pas vula crucifixion de Zuckerberg que vous y trouvez. C’est l’organisation de la sécurité d’un géant d’Internet qui est remise en cause aujourd’hui, un seul homme, fût-il le patron, n’en est pas uniquement responsable. Quant aux personnages qui se sont trouvés en conflit avec Zuckerberg, ils ne sont pas blanc-bleu, notamment les frères Winklevoss, qui ont été indemnisés et ne sont plus manifestés.
    R.L.

    • JMB dit :

      David Fischer a-t-il un compte Facebook ?
      Quelques années après la diffusion de son film, il déclarait ne pas avoir de compte Facebook, car, disait-il, « il ne souhaitait pas que n’importe qui frappe à la fenêtre de son ordinateur ». A-t-il changé d’avis depuis ?

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.