Le match social

Manif’ hier à Paris
(Photo AFP)

Le coup d’envoi de la mobilisation sociale, donné hier par les syndicats, n’était pas vraiment convaincant, car le nombre des manifestants a été plutôt limité. Le gouvernement se garde bien de triompher car il commence une course de haies qui va durer trois mois. Il dénonce la récupération des grèves et manifestations par une gauche qui feint de croire au grand soir.

EMMANUEL MACRON ne reculera pas sur la réforme de la SNCF. Elle tenait une place prioritaire dans ses promesses de campagne. Elle devient inéluctable avec la mise en concurrence exigée par l’Union européenne. Elle est indispensable à une amélioration des services, de la sécurité, de la ponctualité. Du côté syndical, on affirme ne pas être hostile à toute réforme, mais on en propose une autre qui aggraverait l’endettement du réseau ferroviaire français, maintiendrait le statut actuel des  cheminots et empêcherait les changements susceptibles de donner des espoirs de survie et de développement à un système sans lequel la France ne peut pas fonctionner. Ce qui sépare les syndicats du pouvoir politique, c’est donc un abîme au-dessus duquel il est difficile, et même apparemment impossible, de poser des passerelles.

Les syndicats tiennent le front.

L’entêtement des syndicats n’est pas inspiré par la seule SNCF. Il correspond à la conviction que M. Macron passe en force sur tous les dossiers, par exemple celui du Code du travail. Il devenait important pour eux de montrer que, après plusieurs reculades, ils étaient en mesure de tenir le front en amont, comme si, depuis dix mois, ils ne s’étaient livrés à un repli tactique que pour mieux contre-attaquer. Le risque d’une cristallisation de tous les mécontentements est donc sérieux. La mobilisation d’hier n’était pas triomphale, mais dès ce matin, les pilotes d’Air France étaient en grève, ce qui a obligé la compagnie à annuler 25 % de ses vols dans la journée. Et le printemps social s’annonce comme une galère permanente pour les usagers de moyens de transport publics. Rien n’est clair dans la tête des grévistes ou manifestants. Ils ont hué et sifflé Olivier Faure, nouveau Premier secrétaire du PS, ce qui semble indiquer une tendance extrémiste, tandis que les amis de Jean-Luc Mélenchon faisaient exploser une mini-bombe, avec pour commentaire : « C’est Macron qui explose », ce qui a fait rire le chef des Insoumis. Bien entendu, nous avons eu droit à notre séance de casse, en fin de parcours des manifestants. Rien, dans ce genre de comportement ne dit quoi que ce soit sur la suite du mouvement, s’il y aura « convergence des luttes », ou au contraire une lassitude au bout de quelques jours ou quelques semaines d’une aventure pour le moins compliquée.

Une machine de guerre.

C’est l’occasion de dire que les grévistes ne se sont pas mis, comme ils l’affirment avec une hypocrisie qui laisse incrédule, au service de l’intérêt général. Ils ont été amenés, parce que le rapport de forces avec le pouvoir les désespérait, à inventer une machine de guerre qui va principalement désorganiser la vie de tous les jours des gens qui travaillent. Il faut que cela soit dit. Les syndicats ne peuvent pas vivre dans le déni, même si leur métier devient très difficile à l’heure de la mondialisation et des privatisations. Ils ne s’attaquent d’ailleurs ni au gouvernement, ni aux sources mêmes de leur mal-être, ils s’attaquent aux gens dont ils sollicitent, avec quel toupet, le soutien. Convergence ou pas, on constate que l’opinion, pour autant qu’on puisse la définir à partir des micros trottoirs, est divisée sur le mouvement. Beaucoup de nos concitoyens continuent à croire qu’on ne doit pas revenir sur les avantages acquis ou sur le statut de la SNCF, alors qu’ils ne partagent pas ces avantages et que le statut, ces dernières années, ne leur a apporté ni le confort ni la ponctualité.

On aura compris que tout repose sur l’opinion. Quand elle en aura marre, le mouvement sera fichu. Si elle soutient les cheminots jusqu’au bout, c’est Macron qui perdra la partie. J’ajouterai que l’échec de la réforme de la SNCF serait un échec national, surtout s’il bloque la « transformation »  voulue par le président de la République qui, en somme, n’a été élu que pour accomplir le travail que la gauche et la droite n’ont jamais osé faire.

RICHARD LISCIA

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3 réponses à Le match social

  1. PICOT dit :

    Absolument. Il est anormal, si c’est vrai, que la moitié de la retraite des cheminots esr financée par nos impôts pour que ces messieurs dames partent à 55 ans, sans compter du fait qu’ils profitent, en plus, de nos cotisations retraites dont une bonne partie finance leurs pensions par le biais du système dit de « compensation ». J’ai comme l’impression qu’ils ne sont, pour la plupart, même pas au courant, ou alors ils trouvent que c’est normal! Il faut que ça cesse : départ au même âge que les autres.

  2. Nguyen Minh dit :

    Dans notre ville,on a déjà fermé la caserne et la base aérienne,le TI,le service de chirurgie. Bientôt la ligne SNCF, et la maternité.
    Et pourtant on subit le même barème fiscal. Où est donc cette Equité républicaine ?.
    Le « match social  » est à l’avance pipé.
    Bien à vous.

  3. Stiers dit :

    J’ai été ophtalmo à la SNCF. Pour vérifier les conditions visuelles nécessaires pour conduire un TGV, j’ai demandé à accompagner le conducteur dans sa cabine. Nous avons effectué le trajet Lille-Roissy
    Le TGV démarre, au bout de quelques minutes la vitesse atteint 280kmh,c’est impressionnant. Questions au conducteur :
    Qu’est-ce que c’est toutes ces boutons sur le tableau de bord ? Cest pour régler l’automatisme car tout est automatique. Vous servez alors à quoi ? A rassurer les voyageurs uniquement.
    Vous êtes content ? Oui, j’ai 47 ans et dans 3 ans ,c’est la retraite. Ce n’est pas trop pénible, mais je m’ennuie ; je voudrais avoir un collègue à mes côtés. CQFD

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