La cagnotte et la dette

Bruno Le Maire
(Photo AFP)

Les bons résultats obtenus en matière de croissance, d’emploi et de redressement budgétaire ont incité l’opinion et l’opposition à réclamer une redistribution d’argent, celui d’une prétendue « cagnotte », en direction des contribuables. Le gouvernement s’y oppose fermement. Voici pourquoi.

LES STATISTIQUES de 2017 montrent un basculement positif de l’économie française : la bonne croissance de l’année écoulée (+ 2 %), la baisse à 2,6 %, donc largement au dessous des 3 % des déficits publics confondus, permettent à la France d’envisager un avenir meilleur, avec le retour à l’emploi et aux équilibres fondamentaux, même s’il est admis que la croissance en 2018 et 2019 ne sera pas aussi forte qu’en 2017. La gauche attribue les sources de ce basculement aux efforts entrepris par les gouvernements de François Hollande. Mais il nous semble juste de dire aussi que l’élection d’Emmanuel Macron a créé un choc de confiance dans les entreprises qui se sont remises à investir.

Une dette de 2 218 milliards.

Une chose est sûre en tout cas : aucun des facteurs de ce retour progressif à l’équilibre ne doit être ignoré et, parmi ces facteurs, il y a nécessairement la hausse de la CSG qui a été compensée par une baisse des cotisations pour les salariés mais pas pour les retraités, qui se plaignent amèrement d’être les dindons de la farce. Le gouvernement clame qu’il a obtenu ses bons résultats sans augmenter les impôts. C’est discutable. Les dépenses publiques se sont certes stabilisées, mais au niveau excessif de 56,6 % du produit intérieur brut (PIB) et le taux de prélèvements obligatoires atteint un sommet situé à 45,4 du même PIB. Ce qui veut dire, grosso modo, que, lorsque vous avez un revenu de 100, vous ne donnez pas loin de la moitié au fisc sous des formes diverses : impôt sur le revenu, TVA, cotisations, taxes et contributions directes ou indirectes. Par ailleurs, la dette nationale ne cesse d’augmenter. En un an, elle est passée de 96,6 % du PIB à 97 %, soit 2 218 milliards. Et nous continuons à emprunter quelque 200 milliards par an. Pourquoi continuons-nous à emprunter ? Une partie des emprunts de l’année sert à payer les intérêts, le reste finance des emprunts arrivés à maturation et dont il faut rembourser le capital. C’est assez dire que la dette constitue un cycle infernal auquel nous ne pouvons échapper qu’en équilibrant notre budget.

Le premier constat, c’est qu’une « cagnotte » ne peut pas exister lorsqu’un pays a une telle somme à rembourser. Le deuxième est que les pouvoirs publics ont réduit le déficit budgétaire non pas en diminuant la dépense mais grâce à la croissance et aux créations d’emplois, ce qui a eu un double effet : d’une part la hausse du PIB a réduit arithmétiquement le montant de la dette, d’autre part, les bonnes rentrées fiscales ont apporté leur contribution. Il y a tout un débat sur la nature de la dette, et surtout sur la nécessité de la rembourser ou de l’ignorer. Pour l’ignorer, il faudrait qu’elle soit au moins stabilisée. Or son volume dépend de la croissance, qui peut fléchir, et des taux d’intérêt qui, eux, vont probablement augmenter dans les mois qui viennent. Un point de taux en plus et ce sont 22 milliards supplémentaires qu’il faudra rembourser, la moitié du budget de l’Education nationale. Actuellement, la France emprunte sur les marchés à un taux qui tourne autour de 1 %, qui, rapidement, pourrait doubler en moins d’un an.

Une saine comptabilité.

Le troisième constat, c’est que toute somme affectée à l’emprunt ou à la dette, est retirée des montants attribués aux investissements. L’argent que l’on rembourse, c’est par définition celui qui ne sert pas au développement des écoles, des routes ou des hôpitaux.  De toutes parts, collectivités locales, secteur hospitalier, établissements pour personnes âgées, fonction publique, montent les appels à des investissements et à des embauches. Et il est incontestable qu’il est plus facile de supprimer des postes de travail sur le papier que dans la réalité. D’une part, nous ne pouvons pas sabrer dans les secteurs essentiels, comme l’éducation, les structures sanitaires, la sécurité. D’autre part, nous ne retrouverons une marge d’investissement que si notre économie n’est pas étranglée par la dette. Ce n’est pas l’Europe qui crée ce dilemme, comme l’extrême droite et l’extrême gauche ne cessent de nous le ressasser. C’est la vérité implacable d’une saine comptabilité.

Le gouvernement se lance maintenant dans un vaste effort de réduction de la fraude fiscale qui atteindrait 60 milliards par an. On lui souhaite bon courage, car ses prédécesseurs n’ont réussi, au terme d’enquêtes très pointues, qu’à récupérer quelques milliards auprès des foyers qui avaient fait des placements à l’étranger sans les déclarer. C’est du côté des entreprises, non des particuliers, qu’il faut aller chercher les responsables de la fraude. Travail d’entomologiste.

RICHARD LISCIA

 

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Une réponse à La cagnotte et la dette

  1. Num dit :

    Le noeud du problème vient du fait que ce gouvernement ne veut pas sérieusement s’attaquer à la dépense publique et notamment à son premier poste de dépenses, à savoir la masse salariale. Toutes les comparaisons et rapports montrent pourtant que nous avons beaucoup trop de fonctionnaires.

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