Sarkozy : mal chronique

Trop d’affaires ?
(Photo AFP)

Nicolas Sarkozy était à peine sorti d’une garde à vue dans l’affaire du financement possible de sa campagne électorale de 2012 par des fonds libyens qu’il fait l’objet, en même temps que son avocat Thierry Herzog et que le juge Gilbert Azibert, d’un renvoi en correctionnelle pour « corruption active » et « trafic d’influence ».

IL EXISTE deux façons de considérer les démêlés de l’ancien président de la République : soit on y voit un acharnement de la justice, qui multiplie les accusations contre lui et ne lui laisse aucun répit, soit on pense que les affaires où il est impliqué sont trop nombreuses pour qu’il puisse avoir la conscience tranquille. Son renvoi devant le tribunal correctionnel  a été annoncé non pas officiellement mais par un article du « Monde » auquel on ne saurait reprocher d’avoir toujours, s’agissant de M. Sarkozy, un temps d’avance, mais qui, de toute évidence, bénéficie d’un privilège que des magistrats lui ont accordé depuis longtemps. Lesquels auraient trouvé, en quelque sorte, un allié puissant dans le quotidien du soir, un peu comme si la seule procédure n’était pas suffisante pour confondre M. Sarkozy. On peut même dire que la justice, dans ses rapports avec l’ancien président, ne cherche même plus à s’abriter derrière la rigueur professionnelle et dépassionnée censée motiver sa conduite: elle ne cache pas sa longue et implacable stratégie, mélange d’enquêtes et de recours aux médias, pour que, enfin, M. Sarkozy soit traîné en justice. Et, jusqu’à présent, et malgré de tels efforts, elle n’y est pas parvenue : M. Sarkozy a fait appel.

Une histoire simple.

Cela dit, si les juges n’ont aucune preuve dans l’affaire libyenne, ils ont eu moins de mal à cerner les faits qui les conduisent aujourd’hui à renvoyer en correctionnelle non seulement l’ancien président, mais aussi son avocat et le magistrat qu’ils auraient tenté de corrompre, en lui promettant un poste à Monaco en échange d’informations confidentielles sur les progrès des enquêteurs dans un autre affaire (encore une), celle des agendas présidentiels saisis par la justice. M. Sarkozy s’y était opposé et il voulait savoir s’il avait une chance de gagner cette manche. Se sachant écouté, il utilisait un téléphone portable, au nom désormais célèbre de Paul Bismuth, l’un de ses amis qui, ayant appris le subterfuge, n’a pas caché son indignation. On a eu vite fait de décrire le stratagème comme un acte de type mafieux, car les commentaires de presse, parfois inspirés par la justice elle-même, n’ont épargné à l’ancien président aucune épithète. En tout cas, peine perdue. Pas naïfs, les juges ont écouté le portable et ont obtenu des transcriptions de conversations entre M. Sarkozy et Me Herzog qui montrent bien que ceux-ci cherchaient à obtenir des informations précises sur l’évolution de la procédure, qu’ils avaient circonvenu M. Azibert et que tout ça n’est ni légal ni moral.

L’indifférence de l’opinion.

Dans le camp de la droite, les protestations, naguère virulentes à propos de la garde à vue, se sont quelque peu affaiblies. Pour l’ancien président, le risque, c’est la lassitude de son propre camp et celle de l’opinion en général. Si M. Sarkozy a perdu la primaire de la droite en 2017, c’est bien parce que le sentiment général des Français était qu’il ne devait pas se présenter pour un nouveau mandat, ce que, visiblement, il n’avait pas compris.  L’indifférence qu’il a alors commencé à susciter le prive du soutien passionné des foules, qui ne croient pas encore qu’il sera terrassé, humilié et sali par quelque verdict ; ou pire, qu’il n’est pas, après tout, le premier homme d’État à rendre des comptes à la justice. Il n’y a pas d’incertitude concernant le recours au téléphone cellulaire, la collusion entre les trois hommes impliqués, la motivation de M. Sarkozy qui, pour être bien connue, n’en semble pas pour autant monstrueuse. Il voulait s’informer, comme « le Monde »,  et il a été plus enfantin que retors. Mais il a compromis deux hommes, un avocat et un juge, dont les fonctions étaient incompatibles avec ce qu’ils ont cru pouvoir faire. Bref, l’enjeu politique n’existe plus, même si certains pensaient que M. Sarkozy souhaitait il y a peu revenir sur le devant de la scène. La disparition de cet enjeu, c’est ce qui devrait inquiéter le plus l’ancien président.

RICHARD LISCIA

 

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2 réponses à Sarkozy : mal chronique

  1. admin dit :

    LL dit :
    La justice est inlassable et arrivera à ses fins – comme l’enquête de Robert Mueller à terme, et comme l’enquête Starr autrefois conduisit presque à l’impeachment de Clinton. (Et si ce n’est pas Mueller, ce sera Stormy Daniels). Pour Sarkozy, les jeux sont quasiment faits. Il lutte maintenant par désespoir. Aussi sanguinaire que soit ce processus, c’est tout de même ce qui nous protège du pourrissement absolu à la Poutine. Il n’y a aucune instance en Russie qui puisse le menacer. La démocratie n’est pas un joli spectacle, mais elle n’a jamais été conçue comme un paradis où la noblesse triompherait de nos passions les plus basses. Ca, c’est ce qu’on lit dans les contes de fée, ou les ré-écritures de l’Histoire.

  2. marie jo dzula dit :

    Je pense que les avocats se croient plus malins que les autres, non pas parce qu’ils connaissent le droit mais parce qu’ils savent comment le contourner

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