La guerre de cent jours

Guillaume Pépy
(Photo AFP)

Le chaos, depuis ce matin, dans les transports, en commun et en privé, donne une idée de ce que peut donner une grève unitaire de longue durée à la SNCF. Les cheminots crient victoire et ils ont raison de le faire aujourd’hui.

CEPENDANT, ce mouvement original qui n’est ni perlé, ni « en pointillé » puisque, dès mercredi, Sud-Rail a appelé à une grève illimitée, ne peut se poursuivre qu’en exigeant de la population une patience qu’elle aura épuisé bien avant le terme des trois mois de conflit et des cheminots eux-mêmes des sacrifices dont ils ressentiront les effets salariaux à la fin du mois. Le concept de grève-marathon est très novateur, mais il s’apparente à un acte d’hostilité envers les usagers avant de produire le résultat recherché, c’est-à-dire l’affaiblissement du gouvernement et sa reddition en rase campagne. Nous en sommes tous à comparer la situation actuelle à celle de 1995, qui s’est traduite par une sorte de triomphe syndical, mais on ne compare pas deux contextes sociaux et politiques séparés par vingt-trois années. Le mythe du cheminot privé du respect gouvernemental et méritant ses avantages acquis a cédé la place à un malaise qui s’ajoute aux tracas de la vie courante. Il n’est déjà pas simple de se rendre en train au travail, il devient inexcusable d’en faire un supplice.

Abandonner la réforme ?

Les sondages d’opinion, à cet égard, qui montrent une division en deux parties à peu près égales entre les citoyens favorables à la grève et ceux qui ne le sont pas, n’offrent qu’une photographie de l’instant. Aujourd’hui, mardi, nous n’en sommes qu’au début d’une guerre  (c’est à dessein que j’utilise ce terme) de cent jours et personne ne peut dire ce qui se passera au bout d’une ou deux semaines, ou au deuxième mois. L’opinion, qui, grosso modo, n’a jamais mis en cause la volonté réformiste de ce gouvernement, lui reprochera sans doute de s’être aventuré hâtivement dans une réforme que les syndicats présentent comme brutale et en tous points inacceptable, et d’avoir pris le risque de plonger les travailleurs dans une crise profonde et insupportable ; et l’économie dans le marasme. Mais, de même que le public « comprend », pour le moment, la vive réaction syndicale, il finira par se poser la question : qui est responsable du chaos, du gouvernement ou des cheminots ? Les Français pourraient exiger, d’ici à quelques jours, la fin du mouvement, sans demander pour autant l’abandon de la réforme.

La cible, c’est l’usager.

Quant à ceux qui estiment qu’il s’agit dune crise politique et non sociale, ils se contentent d’évaluer la capacité de l’opposition de droite et de gauche à porter des coups de boutoir au gouvernement, ils n’assistent pas vraiment à l’hallali. Le président et le Premier ministre se taisent, cela ne signifie pas qu’ils sont tétanisés par la grève, même si, de toute évidence, ils ont été surpris par l’invention de la « grève en pointillé ». Le président de la SNCF, Guillaume Pépy, a annoncé gravement qu’il n’y aurait pratiquement pas de trains aujourd’hui et demain, sans préjuger de la suite ; cela ne veut pas dire que la colère populaire va nécessairement gagner tous les secteurs d’activité et se transformer en franche explication entre le pouvoir et le peuple. Il appartenait au gouvernement de prévoir que, cette fois, ses décisions ne passeraient pas comme une lettre à la poste et il est donc partiellement responsable des multiples inconvénients infligés aux usagers. Cette analyse sera la plus répandue pendant quelques jours. Mais au-delà, l’acharnement des syndicats prendra sa forme authentique : les passagers sont les victimes du mouvement, bien avant que nos dirigeants cèdent à la panique. Et il faut être naïf pour croire que, lors d’une grève ferroviaire, ce ne sont pas les usagers qui sont visés en premier lieu.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à La guerre de cent jours

  1. Num dit :

    Puissiez vous avoir raison…

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