Laïcité : nouvelle polémique

Avec Michel Aupetit, archevêque de Paris
(Photo AFP)

S’adressant hier à la Conférence des évêques, Emmanuel Macron a déclaré que lien entre l’Eglise et l’Etat était « abîmé » et qu’il fallait le réparer. Tollé à gauche.

PRINCIPALE question : à quoi le président de la République faisait-il allusion ? Tout laisse penser qu’il s’inquiète de la réaction de nombreux catholiques à la loi qui autorise le « mariage pour tous » adoptée en fanfare pendant le quinquennat de François Hollande sous la houlette de la ministre de la Justice d’alors, Christiane Taubira. Il était logique de croire que cette avancée (ou ce recul, selon certains) sociétale était irréversible, et même d’imaginer que M. Macron ne lui était pas hostile. N’importe quel observateur des tensions françaises aurait cru en tout cas que ce président-là, par ailleurs assailli par de multiples mécontentements catégoriels, depuis les retraités jusqu’aux cheminots en passant par les étudiants, n’aurait pas ouvert une nouveau front sur un sujet particulièrement délicat qui soulève de durables passions. Il y aurait du Sarkozy chez cet homme-là, comme si, à son tour, il se souvenait que de nombreux électeurs votent pour la droite et le Front national. Ses propres troupes qui, depuis quelques semaines, lui demandent d’orienter à gauche au moins une partie de sa politique, seront déçues.

Tirs de barrage.

Manuel Valls, ardent champion de la laïcité et député apparenté République en marche, n’a pas caché son ressentiment. Mais ce sont la gauche et l’extrême gauche qui ont lancé les plus gros tirs de barrage. Si M. Macron voulait, en cette occasion, faire une fleur aux évêques, il aurait pu se contenter de rappeler la prééminence du catholicisme en France, ce que personne ne peut contester. Cela aurait conforté la très forte majorité catholique de ce pays dans l’idée qu’aucune autre religion ne saurait la concurrencer. En outre, personne ne peut croire que le propos a échappé au président ou que sa parole a déformé sa pensée : il est allé à la Conférence des évêques avec l’intention de dire ce qu’il a dit.  L’affaire est intéressante par ce qu’elle dit de Macron, de son passé, des études qu’il a faites et des convictions qu’il a acquises. Hier, il était sans doute sincère.

On s’aventurera à supposer qu’une fois de plus, il n’a pas été très politique. Il n’a pas su se hisser au-dessus de tous les camps, alors que le rôle permanent du président est de contribuer à l’unité du pays. Mais il l’a fait à dessein et c’est donc sa volonté de s’inscrire dans une philosophie élaborée au fil de ses divers emplois et engagements. Depuis qu’il a décidé de se porter candidat à la présidentielle, il n’a cessé d’affirmer des idées dont il croit avec ferveur qu’elles seront partagées par le plus grand nombre et qu’il est temps de les faire triompher. Sa franchise est impressionnante mais ceux qui souhaitent que son mandat soit utile et productif ne manqueront pas de lui rappeler qu’il doit durer et ne pas affronter une chute de popularité, déjà engagée,  qui, si elle se poursuit, ferait de lui un second François Hollande.

Incohérence.

S’il est libre de prononcer un discours conçu peut-être pour irriter ses adversaires de gauche, qui n’ont pas la moindre indulgence pour lui, et contre lesquels il ne craint ni de se dresser, ni de lâcher des remarques assassines, il l’est moins pour tout ce qui concerne la cohérence de sa démarche. La laïcité est un rempart contre tous les fondamentalismes et la remettre en question, ou l’écorner, ou la contester revient à affaiblir le principal instrument avec lequel nous luttons collectivement contre les extrémismes qui menacent le tissu de la société. Il est bien improbable que le président propose une loi qui affaiblirait ou annulerait celle du mariage pour tous, de même qu’il est improbable qu’il concilie une telle prise de position avec ses projets européens, au moment où partout, dans l’Union, de la Hongrie à l’Italie, se renforcent des populismes qui exercent ou vont bientôt exercer le pouvoir.  Bref, il y a de l’incohérence dans cette affaire et le chef de l’Etat aura tout le loisir de s’expliquer dans les entretiens qu’il aura jeudi et dimanche prochains à la télévision.

RICHARD LISCIA

 

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7 réponses à Laïcité : nouvelle polémique

  1. Michel de Guibert dit :

    Ce commentaire au raz des pâquerettes n’est vraiment pas en consonance avec la hauteur de vue dont a fait preuve Emmanuel Macron.
    La laïcité ouverte dont il se réclame repose sur la liberté de conscience et celle de manifester ses convictions dans les limites du respect de l’ordre public ; elle n’est pas hostilité de principe aux religions ou refus du dialogue.

  2. admin dit :

    LL dit :
    Et puis en plus, outre le caractère malhabile, ne se serait-on pas passé d’une polémique de plus, au milieu d’un grave conflit social?

  3. Num dit :

    Autant votre chronique d’hier était brillante autant celle ci est complètement à côté de la plaque.
    Rencontrer les évêques de France et dire qu’il faut réconcilier l’état avec les catholiques, c’est une atteinte grave à la laïcité ?
    Ni vous ni la gauche ne vous êtes offusqués quand Macron s’est rendu au dîner du CRIF, à rompu le jeun du Ramadan ou a célébré les 500 ans du protestantisme. Pourquoi y a-t-il toujours deux poids deux mesures avec les catholiques ?
    La laïcité n’est pas la lutte contre les religions, c’est le principe de neutralité religieuse de l’Etat. En quoi est il remis en question ?
    Contrairement à Macron qui a bien raison de se moquer des critiques d’un autre temps de ses adversaires politiques dans cette affaire, vous manquez de hauteur sur ce coup-là. Désolé…

    Réponse
    Vous pouvez être désolé, mais pour vous même. Est brillant à vos yeux ce qui vous convient, n’est pas à la hauteur ce qui ne vous convient pas. Vous et un autre lecteur n’avez rien compris à ce que j’ai écrit. A tout hasard, je vous suggère d’y voir un article politique, pas religieux.
    R.L.

    • Michel de Guibert dit :

      Et pourtant la politique c’est l’art de servir le bien commun, pas de partir en guerre contre telle ou telle communauté comme le font trop de pseudo-défenseurs d’une laïcité mal comprise.
      Réponse
      J’ai moi-même souligné l’importance du catholicisme en France. Je n’ai pas besoin que vous m’expliquiez la laïcité, j’en suis un fervent adepte.
      R.L.

    • Num dit :

      La force de Macron c’est justement de dire ce qu’il pense et d’affirmer ses conviction, se moquant du qu’en-dira-t-on des bien-pensants. Cette spontanéité et cette fraîcheur font beaucoup de bien à la politique française d’avoir un président qui est sincère et assume. Et c’est probablement ce que beaucoup apprécient chez Macron même parmi certains qui ne partagent pas toujours ses idées. Ça change de ses prédécesseurs (Hollande, Sarkozy, Chirac) qui gouvernaient le nez permanence sur leur cote de popularité et les sondages électoraux !
      Donc même si votre analyse est politique, je ne la partage pas.
      Réponse
      Comme je l’ai déjà écrit à votre sujet, ça dépend des jours.
      R.L.

    • JMB dit :

      Aristide Briand fut le rapporteur in fine de la loi de 1905. Quelques propos:
      « En régime républicain, nous tenons à réaliser la pleine et entière neutralité confessionnelle de l’État, et pour cela nous voulons laisser à l’Église la liberté de s’organiser et d’évoluer selon sa propre force et ses propres moyens. …elle n’a rien à redouter de la séparation. …si toute la force de l’Église est dans l’État, dans le concours officiel qu’il lui prête, c’est qu’alors l’Église est appelée à disparaître ».
      Des membres du protestantisme libéral auront une action décisive dans l’élaboration de la laïcité. au premier rang Ferdinand Buisson. Celui-ci, comme directeur de l’Enseignement primaire, est un proche collaborateur de Jules Ferry dans l’élaboration de la loi de 1881 sur l’école laïque et obligatoire. Il est à la tête de la commission sénatoriale qui participe à l’élaboration de loi de 1905. Les vicissitudes du protestantisme en France participent de l’implication de certains de ces membres au concept de laïcité.
      Vatican II et l’œcuménisme n’ont que 50 ans: le dernier quart d’heure d’une histoire pluriséculaire d’esprit différent.

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