L’entretien le plus long

Macron, hier soir
(Photo AFP)

Pendant près de trois heures, hier soir, le président de la République a répondu aux questions de Jean-Jacques Bourdin (RMC et BFM-TV) et d’Edwy Plenel (Mediapart). L’entretien, d’une longueur excessive, surtout à cette heure de la nuit, a permis une clarification des projets du chef de l’Etat, mais n’aura sans doute pas suffi à convaincre une opinion déjà très remontée contre lui.

J’AI DÉCIDÉ, en écoutant l’interminable exercice oratoire auquel mes semblables ont été conviés par une chaîne de télévision certes ambitieuse, mais peu encline à ménager son public, qu’il ne serait pas utile de résumer les propos tenus par Emmanuel Macron. A la fois pour ne pas infliger un second pensum à ceux qui ont assisté à l’entretien et parce que les effets d’annonce ont été rares, pour ne pas dire inexistants, sauf peut-être pour la dette de la SNCF, qui sera reprise partiellement par l’Etat à partir de 2020 et quand la réforme aura été engagée, et pour le système français de soins qui sera profondément remanié, par la suppression de la tarification à l’activité, laquelle, selon M. Macron, est à l’origine des dysfonctionnements très graves auxquels nous assistons depuis plusieurs mois dans les hôpitaux et les établissements pour personnes âgées.

Un Macron de marbre.

Les trois interlocuteurs ont annoncé l’intention de se retrouver d’ici un an. Ils me permettront de m’inquiéter de la perspective de cette nouvelle épreuve. Edwy Plenel et Jean-Jacques Bourdin avaient posé leurs exigences et M. Macron les a acceptées. Le débat ne pouvant avoir lieu à l’Elysée, centre de pouvoir qui aurait indisposé M. Plenel, il a été installé au Palais de Chaillot. Les deux crocodiles qui attendaient le président dans leur marigot se sont entendus pour ne jamais appeler le président que par son prénom et par son nom, autre tentative pour le forcer à descendre de son piédestal et à s’exprimer comme le commun des mortels.

D’une certaine manière, ils ont réussi à imposer leur propre monde à celui du chef de l’Etat et instauré contre lui une forme de journalisme démocratique qu’ils croient sacrée, mais qui n’est pas autre chose qu’un manque de respect pour la fonction, sinon pour l’homme. Ils se sont ainsi arrogé un droit qui n’est écrit dans aucun texte et, surtout, ne leur a guère permis de briller au firmament des stars de l’interview, comme ils l’espéraient. M. Plenel, dont les questions étaient brutales, a accusé le président d’être « mesquin », sous le prétexte qu’il venait d’évoquer les démêlés de Mediapart avec le fisc.  Autrement dit, tous les coups étaient permis pour les journalistes, aucun pour le chef de l’Etat. En dépit de ce stratagème, ils n’ont pas réussi à déstabiliser le président. Il n’a jamais accepté qu’on le coupe au milieu d’une phrase, il est allé au bout de chacune de ses démonstrations, il n’a jamais été surpris ou choqué par leurs questions, dont certaines étaient venimeuses, il n’a jamais perdu le sourire, ils les a combattus au moyen d’une mémoire infaillible, d’une connaissance approfondie des dossiers et d’une rhétorique infiniment supérieure à la leur.

La fin du savoir-vivre.

On va me dire que je ne rends pas compte d’un débat foisonnant, digne d’une analyse point par point. Mais cette bataille qui opposait deux journalistes à un président décrivait à elle seule la complexité de la société française actuelle, ses clivages, la solitude du pouvoir face à des forces vouées à l’abattre, cette convergence non pas des luttes mais de tous les microscopes, loupes, jumelles, lunettes, longues-vues,  sur le microcosme élyséen qui fascine d’autant plus le public que celui-ci y voit l’objet de son éternel ressentiment, le lieu honni de la monarchie présidentielle, le bâtiment (et l’homme) à abattre.

Hier soir, Notre-Dame-des-Landes a été évoquée. Les forces de l’ordre ont expulsé « tout ce qui pouvait l’être ». Hier, dans la journée, quatre mille personnes sont venues reconstruire des squats. Cette affaire, avec l’occupation des locaux universitaires, constitue une atteinte au droit qui, certes, n’est pas nouvelle, mais traduit une sorte de néo-fanatisme en vertu duquel il ne s’agit plus de défendre une cause mais de livrer une bataille, une de plus, contre les gendarmes. Le désordre est devenu une fin en soi. M. Macron est sûrement satisfait d’avoir prouvé hier qu’il a toute l’autorité, toute la fermeté, toutes les compétences qu’un président doit avoir. Compte tenu de l’état actuel de la société, il semble cependant que de multiples fractions du peuple n’ont aucun respect pour les règles élémentaires du savoir-vivre. Ce qu’on nous propose, c’est de sombrer dans l’anarchie. De même que des journalistes ne sont même plus capables de se conduire avec la courtoisie la plus élémentaire, de même le pays se divise en 65 millions d’individus qui, séparément, expriment leurs revendications personnelles de la manière la moins pacifique.

RICHARD LISCIA

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7 réponses à L’entretien le plus long

  1. Scalex dit :

    Je n’ai aucune remarque négative à émettre sur la prestation du président.
    Quand à la prestation des journalistes, je dirai « peut mieux faire ».

  2. pierre dit :

    Complètement d’accord avec votre commentaire et analyse ( comme très souvent ) … d’où sentiment d’ humeur triste et pessimiste

  3. Jérôme Lefrançois dit :

    Une fois encore, merci pour votre analyse, avec laquelle je suis tout à fait en accord.
    Je ne crois pas (plus) que les deux hommes qui ont « joué » à boxer à deux contre un président méritent encore le titre de « journalistes ». Quelles que soient leurs opinions politiques et leur opposition politique au président.
    Ils n’ont fait que contribuer à la décadence de la société actuelle, à la multiplication des incivilités de toutes sortes que nous côtoyons quotidiennement et un peu partout.
    Et ils n’ont en rien contribué aux informations, par l’absence d’intérêt de leurs questions qui n’en étaient pas, mais ont juste été une suite d’agressions verbales et d’énumérations de leurs idées (?).
    Bien cordialement,
    Dr Jérôme Lefrançois

  4. Langer dit :

    Emmanuel Macron a été brillant, précis, calme et d’une maîtrise de soi et des dossiers admirable. Les journalistes n’étaient pas du tout à la hauteur et ça s’est vu. Le sourire narquois et agaçant de Plenel rappelait celui de Marine Le Pen.
    Je trouve que nous avons beaucoup de chance, par les temps qui courent, d’avoir ce président.

  5. Odile SALIBA dit :

    Richard une fois de plus ta plume m’a enchantée et m’a permis de retourner pas mal d’années en arrière.
    D’autre part ces deux messieurs irrespectueux ne sont pas des journalistes au sens propre du terme.
    Bravo pour ton article.
    Amitiés. Odile

  6. Chambouleyron dit :

    Notre président a déglingué les deux journalistes qui se sont tenu hors de toute déontologie que leur statut leur impose. À se demander pourquoi à Paris ils sont salués. Malheureusement le président s’est abaissé de fait à leur niveau. Une caricature de débat. Je plains leur confrères de cet exemple. Mais on les verra encore. Même de province.

  7. Stiers dit :

    Je suis de l’avis de Langer
    La France a la chance d’avoir un tel président. L’avenir le prouvera.

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