La guerre à nos portes

Trump est content
(Photo AFP)

La décision de Donald Trump de rompre l’accord nucléaire avec l’Iran, n’est pas surprenante. Elle n’en est pas moins désastreuse sur tous les plans : géopolitique, économique, commercial, moral.

NON SEULEMENT Trump sort de l’accord nucléaire avec l’Iran, mais il veut instaurer des sanctions si sévères contre Téhéran que les Européens sont sommés de ne plus faire commerce avec les Iraniens. Nous serions donc contraints d’annuler quelques commandes de l’Iran, par exemple les 130 Airbus qu’il est censé acheter. La France continue de penser que l’accord peut être maintenu en dépit de l’absence des États-Unis. C’est très optimiste, même s’il faut essayer. Les conséquences immédiates de cette catastrophe minutieusement préparée par un chef d’État dont le seul objectif  est de liquider tout ce qu’a fait son prédécesseur, ce qui le conduit à trahir les engagements américains et, donc, dorénavant, rendra sa parole plus que douteuse, sont commerciales et économiques. Le prix du pétrole a déjà beaucoup augmenté ces dernières semaines et la raréfaction des importations en provenance d’Iran ne peut que se traduire par une nouvelle hausse des cours, même si l’Arabie saoudite, ravie de la décision de Trump, annonce qu’elle compensera le manque d’or noir par un accroissement de sa propre production.  Le diktat imposé par Washington au commerce mondial est  illégal et, couplé à ses mesures protectionnistes, finira par affaiblir la croissance.

La tentation militaire.

Mais le danger le plus sérieux vient du Proche-Orient. Livrés à eux-mêmes, les Iraniens sont tentés de réagir par la force. D’abord, rien ne les empêche de reprendre l’enrichissement de l’uranium et de construire des bombes atomiques. La France, l’Allemagne et le Royaume-Uni souhaitent maintenir l’accord nucléaire, mais ils ne peuvent trouver un esprit de conciliation que chez les modérés du régime iranien, dirigés par le président Hassan Rohani. Comment ne pas voir toutefois que les forces iraniennes les plus tentées par le recours à la guerre estiment aujourd’hui qu’elles ont été dupées par les Occidentaux et qu’elles veulent se venger ? Le « Guide suprême », Ali Khamenei, risque bien de se débarrasser de M. Rohani, de s’enfermer dans sa solitude et de poursuivre la mise au point de missiles balistiques chargés de bombes. Il a déjà les missiles. Il joue un rôle en Syrie où se trouvent des troupes iraniennes et les forces du Hezbollah, qui vient de remporter les élections au Liban, ne  cache nullement sa volonté d’attaquer Israël, qui a d’ailleurs mis ses forces en état d’alerte.

Une pluie de missiles ?

Il est indiscutable que l’accord nucléaire avait laissé de côté d’autres nuisances considérables dont l’Iran est capable. Ses forces, protégées par la Russie, combattent en Syrie. Le Hezbollah, lui, est massé à la frontière avec Israël et, si un conflit éclate, il peut lancer des dizaines de milliers de roquettes et engins divers contre l’État juif. Il l’a déjà fait par le passé. Le chef du gouvernement israélien, Benjamin Netanyahu, qui s’est félicité de la décision de Trump, a déclaré que, si une guerre devait éclater, il valait mieux que ce fût aujourd’hui que plus tard. Mais, même pour Israël, ce ne serait en aucun cas une mince affaire. Ce sont les civils israéliens qui risquent d’être les premières victimes du Hezbollah et Israël sait combien il est difficile d’aller chercher l’ennemi en territoire libanais. Les précédents conflits ont montré que l’État hébreu n’a jamais pu contrôler ce qui se passe au Liban. Pour les Israéliens, un conflit serait coûteux en vies humaines, même s’ils finissent par remporter ce qui ne sera, quoi qu’il arrive, qu’une première manche. Israël, les États-Unis et l’Arabie saoudite, autre allié de Trump, ne peuvent pas conquérir l’Iran et ne peuvent même pas l’affaiblir durablement. Ils ne peuvent qu’espérer un changement de régime, grâce à une révolution contre les ayatollahs.

Le brasier est prêt.

Mais ils font exactement le contraire. En effet, et malgré ce qu’ils croient, leur meilleur soutien, c’est l’Europe, qui tente désespérément de calmer le jeu. La paix et le statu quo favorisent les modérés iraniens et affaiblissent les va-t-en guerre. Or la fin prématurée de l’accord nucléaire constitue aussi un terrible échec pour Rohani dont les résultats diplomatiques sont nuls. Si Ali Khamenei veut revenir à ses fondamentaux extrémistes et violents, une chance aura été durablement perdue pour la paix et une chance aura été donnée à la guerre. Bien entendu, la Russie de Poutine a sa part de responsabilité dans ce périlleux chaos. Elle a laissé les forces turques et iraniennes pénétrer en Syrie en échange de leur contribution au maintien de Bachar Al Assad au pouvoir. Chaque puissance militaire nourrit des objectifs égoïstes qui n’ont rien à voir avec la lutte contre le terrorisme. Les Turcs veulent éliminer les Kurdes, les Iraniens chiites veulent gommer l’influence de l’Arabie sunnite. Tous les ingrédients du brasier sont réunis. Il ne reste plus qu’à allumer la mèche.

RICHARD LISCIA

 

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6 réponses à La guerre à nos portes

  1. admin dit :

    LL dit :
    Décision désastreusement soutenue par les Israéiens. On apprend qu’une agence de renseignements privée (Black Cube) a été payée par une source mystérieuse pour espionner Ben Rhodes et autres membres de l’administration Obama et découvrir des scandales financiers potentiels dans l’accord. Venant de Netanyahu (j’imagine), avec toutes les casseroles qu’il a au derrière ça surprend, d’autant que la probité des cibles a été confirmée et que Black Cube n’a rien trouvé. Tout ça est de bonne guerre, puisque tout le monde agit de même; mais Netanyahu joue un jeu extrêmement dangereux. Le problème des hommes forts c’est qu’ils réfléchissent à court terme.

  2. Vic dit :

    Les Iraniens étant fautifs de ce contrat de dupes basé sur le mensonge et le viol systématique des clauses, sont responsables de la nullité de l’accord. Trump reste conséquent avec lui-même et seuls les Européens se mettent la tête dans le sable, car leurs beaux contrats vont s’envoler.
    Et la morale ?

    • Michel de Guibert dit :

      C’est faux.
      L’accord, qui a permis de réduire drastiquement les activités nucléaires sensibles de l’Iran, en échange d’une levée de la majorité des sanctions contre la République islamique, a pourtant été respecté par Téhéran. C’est ce qu’a indiqué à onze reprises l’Agence internationale de l’énergie atomique, organe de l’ONU, chargée de vérifier la mise en application du texte par l’Iran.
      Quant à la morale, c’est d’abord d’honorer sa signature.

      • Michel de Guibert dit :

        L’Iran respecte les dispositions de l’accord sur son programme nucléaire, réaffirme aujourd’hui l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), au lendemain du retrait américain.

  3. Michel de Guibert dit :

    Pleinement d’accord avec l’essentiel de votre commentaire ; la décision de Donald Trump de dénoncer l’accord sur le nucléaire iranien est irresponsable et le décrédibilise encore un peu plus ; les autres puissances qui on signé l’accord seraient bien inspirées d’œuvrer à le maintenir sans les USA et sans céder aux pressions inadmissibles de sanctions économiques contre l’Iran et contre ceux qui commerceraient avec l’Iran.

  4. JMB dit :

    Nous avons été durablement influencés par des infox.
    17 des 21 exécutants de l’attentat du 11 septembre 2001 étaient de nationalité iranienne. La Pakistanaise, qui avec son mari, a réalisé l’attentat de San Bernardino, s’était formée en Iran. Le commanditaire de l’attentat contre l’ambassade des États-Unis à Nairobi en 1998 était iranien. Nous avons cru qu’il s’agissait de ressortissants d’Arabie Saoudite.
    L’idéologie mortifère de Daech, responsable de nombreux attentats en particulier de ceux commis en Europe, n’était pas le salafisme ou le wahhabisme, formes intégristes du sunnisme, mais le chiisme.
    Et c’est de l’argent iranien qui soutient les mouvements religieux d’Afrique subsaharienne.
    Quelle clairvoyance !
    Et notons que le président des États-Unis n’a pas craint de rompre un accord avec un pays avec lequel il réalisait des affaires. Quelle abnégation !

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