Le « retour » de Hollande

Un homme optimiste
(Photo AFP)

La retraite de François Hollande se passe bien et il tient à le faire savoir. La publication de son livre, « Les leçons du pouvoir » (Stock), est un succès de librairie et lui permet de retrouver le contact avec ses concitoyens, nombreux à lui demander une dédicace. On a voulu voir, dans l’engouement du public pour ses mémoires, l’amorce d’un retour politique. Lui-même, dans ses commentaires, de plus en plus vifs à l’égard du pouvoir actuel, semble y croire.

COMME d’autres ex-présidents, François Hollande semble confondre curiosité littéraire et popularité. Son optimisme est pardonnable : il a avalé tant de couleuvres pendant son mandat qu’il a maintenant le droit de se détendre un peu. On n’est pas surpris de ce qu’il ait gardé une dent contre Emmanuel Macron, dont il pense, à tort ou à raison, qu’il l’a trahi. Il s’en veut de ne pas l’avoir vu venir. Il était pourtant évident que lorsque, l’ancien ministre de l’Économie a démissionné, ce ne pouvait être ni pour retourner dans le privé ni pour prendre sa retraite à 39 ans. Certes, le président actuel a probablement fait preuve de duplicité, car il n’a pas franchement exposé ses intentions à M. Hollande quand il l’a quitté. Il n’empêche que l’ex-président n’a pas attendu un an pour s’engager contre M. Macron, dans l’esprit ordinaire du règlement de comptes. Pas plus qu’il n’y avait d’élégance dans le départ mystérieux de M. Macron, il n’y en a dans la charge permanente de M. Hollande contre son successeur.

Un censeur de plus.

D’autant qu’il rejoint ainsi les foules nombreuses et variées des oppositions vouées au discrédit de l’actuel pouvoir. M. Hollande, qui a un statut particulier, se joint à la meute. Mais peu importe : ainsi va la vie politique, qui n’est pas un bouquet de roses. Le problème, pour l’ancien président, c’est que, comme pendant son mandat, il a tendance à prendre ses désirs pour des réalités. De la même manière qu’il scrutait l’horizon pour y déceler le début d’un recul du chômage, il fait des comptes sur le temps qui nous sépare de 2022 pour évaluer ses propres chances de présenter sa candidature. Il oublie qu’il aura été le moins efficace des présidents de la Ve République, qu’en hésitant entre les méthodes de la social-démocratie et celles du libéralisme, il a plongé le pays dans l’incertitude et le désarroi. Il oublie des promesses de campagne excessives qu’il a été, forcément, incapable de tenir. Il oublie ses multiples erreurs de communication : lui qui avait juré d’exercer ses fonctions dans une dignité qui n’était pas, à ses yeux, le fort de Nicolas Sarkozy, nous a distraits avec ses frasques sentimentales et la publication d’un livre, « Un président ne devrait pas dire ça », qu’il a nourri de ses commentaires, allant jusqu’à franchir le cap de la confidentialité liée à ses lourdes responsabilités.

Un lecteur n’est pas un électeur.

On ne saurait dire si Emmanuel Macron voit en François Hollande un rival potentiel en 2022, s’il s’en alarme ou s’il s’en amuse, s’il est inquiet ou confiant à ce sujet, mais ce qui est sûr, c’est qu’en montrant le bout du nez, M. Hollande embarrasse surtout les socialistes qui ont déjà beaucoup de mal à se ressaisir après la raclée électorale qu’ils ont prise et qui ne souhaitent pas lancer un programme sur la base du retour à la case précédente. Ils lui ont déjà fait savoir que, si par extraordinaire il se portait candidat, il devrait participer à la primaire du PS. Dans le reste de la gauche, il ne trouve guère de soutien, ce serait plutôt le contraire. Bien entendu, tout peut arriver et nous avons assisté à assez de retournements de situation pour imaginer l’improbable et même l’impossible. Mais enfin les paramètres ne jouent pas en faveur de l’ex-président. Cent mille lecteurs et même plus ne font pas une majorité, ne font même pas un noyau appelé à s’élargir. Un lecteur n’est pas un électeur. Que M. Hollande, qui reste un homme affable, simple, accessible, qu’il trouve des poches de popularité dans une population indulgente, plus attachée à ses bonnes manières qu’à la qualité de sa gestion, cela fait partie de la nature humaine. Qu’à partir de là, M. Hollande puisse construire un projet aussi lourd et compliqué qu’un second mandat nous semble hors de sa portée.

RICHARD LISCIA

 

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5 réponses à Le « retour » de Hollande

  1. Scalex dit :

    Même situation que François Fillon, qui a cru dur comme fer à ses chances, suite à sa victoire surprise à la primaire. François Hollande était loin d’être favori en 2012 et sa sympathique victoire de l’époque lui laisse des illusions encore aujourd’hui. Mais les indéniables qualités apparentes du président actuel renvoient aussi bien Hollande queSarkozy dans la catégorie des amateurs. Sarkozy a voulu être certain que sa réélection était impossible. On a l’impression que Hollande veut en faire autant… en 2022.

    • mathieu dit :

      Sarkozy n’a pas été, à proprement parler, un amateur: première grande loi sur les retraites (qui devait être abrogée par Hollande dans ses promesses de campagne), heures supplémentaires défiscalisées, gestion exemplaire de la crise économique de 2008, montée au créneau lors de l’invasion de la Géorgie (avant la Crimée), arrêt de l’intégration européenne de la Turquie, « couplage » constructif avec Merkel, première tentative historique d' »Union pour la Méditerranée ». Une vrai stature internationale, je crois non usurpée, et pas limitée aux viriles poignées de main et autres tapes sur l’épaule devant les caméras.
      Enfin, restent quatre années à tenir pour notre actuel président, c’est vrai très talentueux et volontariste, mais dont les effets de com, notamment dans l’international, trouveront vite leurs limites.

  2. Chretien dit :

    Belle analyse encore une fois ! Il a été lamentable, il nous a ridiculisés devant le monde entier.
    Ses lecteurs feraient mieux de lire les fables de La Fontaine !

  3. Leroy dit :

    Tout est dit. J’ajouterai cependant que, en politique comme ailleurs, le ridicule ne tue pas (ou plus). Voilà un ancien président qui, pendant son mandat, a touché le fond, par ses outrances, ses promesses non tenues, l’abaissement constant de sa fonction (affaire Leonarda), ses frasques et vaudevillesques pantalonnades, qui semblaient à certains moments l’occuper plus que son mandat, son mépris vis-à-vis des femmes (« J’ai décidé de mettre fin à ma relation avec Mme Trierweiler »), son dédain à l’égard des magistrats (ce sont des couards), ses confessions à des journalistes du « Monde » sur des secrets d’Etat qui ont même surpris ses interlocuteurs (un président ne devrait pas dire cela…), son humour de potache, enfin et par-dessus tout son échec économique, social et sa folle augmentation des impôts, et qui maintenant voudrait revenir ? C’est fou, non ?

    • mathieu dit :

      Normal qu’il y croie, ou fasse semblant d’y croire ! Les Français ne sont jamais aussi complaisants qu’avec les présidents qu’ils ont massivement rejetés durant leur temps de pouvoir (Voir Chirac qui a rarement dépassé 25 % d’opinions favorables durant ses mandats, contraint par des sondages désastreux à renoncer à une candidature ultime en 2007 et devenu le président chéri des français… après son départ !).
      Giscard, parti sous les huées en 1981, s’était refait une belle popularité quelques années après sur les plateaux télé. Nostalgie, quand tu nous tiens.

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