Trumpissime…

Trump : j’ai raison
(Photo AFP

Le président des États-Unis, Donald Trump, a dénoncé le communiqué commun du G7, réuni au Canada, aussitôt après avoir pris l’avion pour Singapour. Le sommet occidental a donc été un fiasco complet. Historiquement, il représente la première grande fracture entre la superpuissance américaine et ses alliés.

M. TRUMP semble avoir cédé partiellement aux pressions qui ont été exercées sur lui par ses alliés. Il est toujours difficile, même pour un homme que la courtoisie n’a jamais étouffé, de résister indéfiniment aux arguments inspirés par la logique et par la raison. Le sommet a donc abouti à un communiqué commun qui, tout en reconnaissant de fortes divergences sur le néo-protectionnisme américain, préservait les apparences. Le Premier ministre canadien, Justin Trudeau, ayant remarqué que les nouvelle taxes américaines sur les importations étaient « insultantes » pour le Canada, M. Trump, à qui rien n’échappe, même quand il voyage, a riposté d’un tweet vengeur, qui annule sa signature au bas du communiqué. On n’est jamais si bien soi-même que lorsqu’on est seul.

Poids historique.

Donald Trump , qui n’a pas un  caractère très policé, pèse quand même sur le cours de l’histoire. La vérité, depuis son tweet, sa marque de fabrique et sa façon de gérer les relations internationales, c’est que les États-Unis ne font plus partie du G7.  Ce rendez-vous annule une technostructure mondiale qui, jusqu’à présent, permettait à l’Amérique de retrouver ses marques de superpuissance. Pour Trump, le G7 est devenu une corvée. Il déteste s’expliquer au sujet de ses méchancetés, de ses pulsions, de sa brutalité. Il hait les nuances de style dont l’accablent ses partenaires. Il méprise tout ce qu’il peut y avoir de culturel dans les rapports diplomatiques. Il n’est à l’aise qu’avec lui-même ou entouré par des conseillers triés sur le volet : des clones de lui-même. La contradiction l’agace d’autant plus qu’elle le renvoie à son cynisme. Il ne pense et n’agit qu’à partir de la surface des événements. Tous ses commentaires sont explicites : il exagère, mais à partir de faits parfois indéniables. Ce qui devrait être traité par le dialogue se transforme en bras-de-fer. Il s’en est pris à l’Allemagne qui vend des voitures sur le marché américain, mais ne fait aucun effort pour augmenter sa participation au budget de l’OTAN, ce qui est vrai. Il ne veut pas qu’un jeune homme canadien, dont le pays n’existe que par le commerce avec son voisin du sud, lui donne des leçons de morale. Cette querelle américano-canadienne contient à elle seule toute la nature du différend entre les États-Unis et leurs (anciens) alliés : la finesse, la nuance, l’élégance, la subtilité, quelle horreur !

Les dangers du néo-protectionnisme.

Il porte aussi une vision du monde fondée sur l’égoïsme national, avec l’idée que d’autres puissances ont le droit, si ça leur chante, d’agir de la même manière, dans un monde livré au désordre et où tous les coups sont permis. C’est pourquoi il exalte curieusement les « vertus » de Vladimir Poutine. D’aucuns croient que, si Trump ménage Poutine, c’est parce que le Russe a sur lui un dossier compromettant. Il souhaite donc la levée des sanctions occidentales contre la Russie. Il n’est pas indigné par l’annexion de la Crimée, parce qu’il voit dans les sanctions une façon indirecte de critiquer sa politique mexicaine ou canadienne. Contre le multilatéralisme honni, il pratique le bilatéralisme. On a assez répété que c’est un hommes d’affaires qui a le sens du deal. Mais sa conception du business appliquée aux relations internationales est en train de démolir les règles qui régissaient le commerce mondial. Rien ne sortira de son néo-protectionnisme, sinon une baisse d’activité industrielle, une hausse du chômage partout, y compris aux États-Unis,  et une corruption généralisée.

Il est vrai que l’Allemagne n’a pas pris la mesure de ses responsabilités européennes, il est vrai que M. Trudeau aurait dû surveiller son langage (mais, après tout, il n’a pas été plus vulgaire que M. Trump); il est vrai que l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ne règle que trop lentement les litiges commerciaux entre ses membres. Mettre ses alliés devant le fait accompli, c’est pour Trump, le moyen de leur annoncer que la fête est finie. Il faut être aveugle pour ne pas comprendre ce qui se passe : l’Amérique s’est transformée en taureau irascible qui écorne tout le monde sur son passage, tandis que l’Europe a perdu tout pouvoir de décision et  tandis que se multiplient, chez les membres de l’Union, des majorités populistes ou même néo-fascistes pour qui le chaos diplomatique n’est pas autre chose que les malheurs qu’elles nous ont annoncés avant de prendre le pouvoir. Conformément à l’expression américaine, self-fulfilling thinking, qui signifie que, lorsqu’on fait tout pour aller à la catastrophe, on passe pour un devin quand elle se produit.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à Trumpissime…

  1. Stiers dit :

    Une véritable dissection psychologique. Bravo.

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