L’immigration manipulée

Alliés dans la tourmente
(Photo AFP)

Emmanuel Macron est ce matin chez Angela Merkel. Ils devaient s’entretenir du rapprochement  des fiscalités française et allemande, mais ils sont rattrapés par l’immigration et doivent se mettre d’accord sur ce sujet avant le sommet européen du 28 juin.

L’ÉPISODE douloureux de « l’Aquarius » traduit le durcissement général des politiques migratoires européennes. L’Italie, qui a maintenant un gouvernement composé de néo-fascistes et de populistes, n’a pas autorisé le navire à accoster dans l’un de ses ports. Matteo Salvini, dirigeant de la Ligue et ministre de l’Intérieur, envisage de recenser les Roms vivant en Italie et d’expulser ceux qui n’ont pas la nationalité italienne. Le président Macron a reçu à Paris Giuseppe Conte, président du Conseil italien et a quelque peu apaisé les relations franco-italiennes, après divers incidents, dont l’affaire de « l’Aquarius », qui les ont sérieusement endommagées. À Berlin, Mme Merkel est confrontée à la « fronde » de son ministre de l’Intérieur, Horst Seehofer, chef de la CSU, parti plus à droite que la CDU de la chancelière. M. Seehofer a donné deux semaines à Mme Merkel pour changer sa politique migratoire. Or le gouvernement repose sur une coalition fragile et une scission entre CDU et CSU lui serait fatale.

Une menace pour toute l’Europe.

L’immigration, clandestine ou non, est donc devenue un facteur de déstabilisation des démocraties européennes. Les gouvernements qui souhaitent trouver un compromis entre leur respect des droits de l’homme et le réalisme sont bousculés par des oppositions qui se manifestent au sein même des partis qui les composent. M. Macron est parfaitement conscient de la gravité du problème. C’est pourquoi il a haussé le ton contre l’Italie quand elle a refusé l’accès à ses ports de « l’Aquarius ». La France perçoit, avec le succès croissant des mouvements identitaires en Europe, une évolution fortement défavorable aux migrants et, surtout, une tendance à prendre  des mesures nationales, sans concertation avec l’Europe, qui se traduirait, si elle s’étendait à l’ensemble de l’Union européenne, par le chaos. Car les migrants ne semblent pas dissuadés par les mesures coercitives des Européens. Le flux est moins puissant, mais la recherche désespérée d’un eldorado en Europe continue d’alimenter l’immigration.

Le coup de Salvini.

L’Italie, qui a accueilli au moins 700 000 migrants en quatre ans, s’est donné un gouvernement qui veut un mettre un terme à « l’invasion ». Le refus de M. Salvini d’accepter « l’Aquarius » était une manière de placer le problème dans les mains des Européens et de leur démontrer que, jusqu’à présent, ils ont laissé l’Italie se débrouiller seule, ce que les précédents gouvernements italiens ont fait avec générosité, jusqu’au moment où la Ligue et Cinq étoiles se sont emparés très démocratiquement du pouvoir.  De son côté, l’Espagne a changé de gouvernement. Mis en minorité, Mariano Rajoy a dû démissionner. Il a été remplacé par un gouvernement socialiste, dirigé par Pedro Sanchez, qui a mis un point d’honneur à proposer que « l’Aquarius » se dirige vers l’Espagne. M. Sanchez voulait montrer que son pays ripostait à l’intransigeance italienne en ouvrant les bras aux damnés de la Méditerranée. Sur un drame humain sans précédent, qui fait des victimes tous les jours, qui, dans le cas de « l’Aquarius », a obligé des migrants épuisés à poursuivre pendant une semaine un voyage dans un bateau qui n’est pas conçu pour de longs voyages avec autant de passagers, voilà que chacune des nations européennes fait de la politique.

Une solution multiple.

Bien entendu, la solution à ce problème est multiple. Elle doit prendre en compte le rôle funeste de la Libye qui ne fait rien pour arrêter les passeurs et transforme les migrants en esclaves avant de les laisser partir quand ils ont enfin les moyens de payer leur voyage. C’est un trafic. Elle doit harmoniser les politiques migratoires des pays de l’Union, notamment en rassurant les pays, comme l’Autriche ou la Hongrie, qui ont érigé des murs ou des barricades à leur frontière, en leur montrant que l’immigration en Europe est beaucoup moins massive aujourd’hui qu’il y a quatre ans. Le principe des quotas ou de la répartition des nouveaux venus a été rejeté par nombre d’États membres de l’Union. La France et l’Allemagne doivent leur faire comprendre qu’ils ne peuvent pas toucher les subventions de Bruxelles et s’enfermer dans leurs frontières pour laisser les pays respectueux des droits de l’homme, qui refusent de considérer les immigrés comme des criminels ou des importuns, les recevoir, les soigner et les assimiler.

Il ne peut y avoir de résolution de la crise migratoire qui ne soit pas à l’échelle de l’UE. Le dossier est si lourd de conséquences que, devant l’absence de réaction d’une partie des États de l’UE, il faudra envisager une refonte de  l’Union, peut-être avec moins de membres. Il faut en outre traiter le sujet avec assez de subtilité pour empêcher les partis populistes de battre les partis démocratiques aux élections nationales. Il faut que les élections européennes de 2019 montrent la direction à suivre. Enfin,  les associations et les ONG de tous les pays, qui claironnent leur vocation à tout-va, sans se soucier le moins du monde de la colère populaire contre l’immigration, doivent accepter des politiques équilibrées s’efforçant de tarir les flux migratoires tout en traitant les migrants avec humanité.

RICHARD LISCIA

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2 réponses à L’immigration manipulée

  1. Jean-Marie LE MARCHANT dit :

    Je vous remercie de votre analyse claire, comme d’habitude ; par ailleurs, je me demande si, pour endiguer le flux migratoire, il n’existerait pas aussi aussi la possibilité d’une part de tenter d’intensifier le trafic de clandestins au niveau de la Libye et par ailleurs d’instaurer avec les dirigeants africains une ferme politique pour qu’ils donnent à leurs ressortissants la possibilité de travailler et vivre dignement sur leur sol. Possibilité serait donnée aux jeunes Africains de venir en Europe pour acquérir une formation en tout domaine (informatique, artisanale, etc…) et de regagner ensuite leur pays d’origine munis d’un bagage utile à leur pays. Se contenter d’une politique d’accueil aux migrants conforte les présidents africains (souvent corrompus) de ne rien changer à leur gouvernance actuelle, et pérennise cette situation.

  2. Pascal dit :

    Il faut traiter ces migrants avec humanité mais sans états d’âme.
    Il n’est pas question de les laisser se noyer mais il faut leur faire clairement comprendre qu’ils ne sont pas les bienvenus, en agissant le plus en amont possible .
    Le dosage est, je l’avoue délicat, mais je n’en conçois pas d’autre ou sinon le grand remplacement ne sera pas qu’une théorie.
    Par ailleurs toutes ces ONG ne me semblent pas très claires, je crois qu’elles font du zèle et prennent en charge des gens qui pourraient facilement être ramenés chez eux.
    Quand aux chiffres, les statistiques sont des innocentes qui avouent facilement sous la torture.

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