Trump : la reculade

Un simple gage
(Photo AFP)

Donald Trump a signé un décret interdisant la séparation des familles d’immigrés clandestins. Il l’a fait contraint et forcé car la chambre des représentants s’apprêtait à adopter un texte identique. C’est la première fois que le président américain cède à la pression de son entourage, de l’opinion publique et des parlementaires.

DONALD saisi par la grâce ? Il ne faut pas s’y fier. Mais au moins a-t-il cette fois épargné à son pays la honte d’une politique migratoire assez cruelle pour écoeurer les meilleurs de ses soutiens. L’indignation a gagné successivement son épouse, Melania, qui s’est très vite opposée à la « tolérance zéro » pour les migrants que Trump a mise en oeuvre en mai, les élus démocrates bien sûr, mais aussi beaucoup de républicains et enfin l’opinion, heurtée par les images d’enfants en cage largement diffusées par les médias. Tweet ou décret, le chef de l’exécutif n’hésite jamais à opérer un virage à 180 degrés s’il estime être dans une position inconfortable. Mais, dans ce cas, à quoi croit-il ?

Chantage.

Son décret ne concerne que les enfants séparés de leurs familles par la police des frontières. Comme il a calmé le jeu, la chambre a renoncé à son vote, mais Trump a aussitôt annoncé qu’il fallait tirer profit de cette crise pour passer une loi générale sur l’immigration. De même que la tolérance zéro n’avait pour réel objectif que de contraindre le Congrès à céder à ses injonctions, voilà qu’il présente sa correction à l’une des pires bourdes qu’il ait commises comme un gage offert aux élus. Il nous a assez souvent raconté qu’il était le meilleur négociateur parce qu’il avait appris à passer des compromis dans ses affaires. En réalité, dans l’immobilier de New York, on doit plutôt procéder par chantage. C’est bien ce qu’il fait quand, en échange de son immense compassion pour les enfants venus du Mexique, il réclame une loi qui durcirait les conditions de l’immigration aux États-Unis.

Au chantage, il a ajouté ces derniers jours l’une de ses méthodes les plus perverses, celle qui consiste à calomnier d’autres pays ou d’autres gouvernements. Pour justifier la tolérance zéro, il a cité l’exemple de l’Allemagne que l’immigration massive, selon lui, aurait transformée en enfer sécuritaire. Non, lui ont calmement répondu les dirigeants allemands, depuis quelques années, le niveau d’insécurité ne cesse de baisser dans notre pays. Mais qu’à cela ne tienne : il suffit de brandir un argument fallacieux pour en faire une vérité. Depuis le début de l’année, Trump, dont la politique jusqu’alors semblait indécise et versatile, a limogé ses conseillers considérés comme trop « mous » et s’est entouré, notamment avec Mike Pompeo (secrétaire d’État) et John Bolton (conseiller à la sécurité nationale) de personnalités qui appliquent à la lettre ses promesses de campagne. Les États-Unis viennent de quitter l’organisation mondiale des droits de l’homme, et ils se sont lancés dans une politique commerciale protectionniste qui n’épargne aucun de leurs partenaires, l’Europe, le Canada , le Mexique et la Chine. Après avoir augmenté les tarifs douaniers sur l’acier et l’aluminium pour tous ces pays, il a augmenté les droits de douane pour une tranche supplémentaire de 200 milliards de dollars d’exportations chinoises. Gravement pénalisés par ces mesures, ces pays se voient contraints de se livrer à des représailles du même type, ce qui n’augure rien de bon pour la croissance mondiale.

Marchandage pour le mur.

Trump dispose d’une majorité confortable à la chambre, mais d’une majorité d’une seule voix au Sénat. La loi sur l’immigration qu’il réclame ne passera pas s’il ne règle pas auparavant la question des « dreamers », ces huit cent mille jeunes installés aux États-Unis et auxquels Barack Obama avait promis que leur séjour serait légalisé. Trump est prêt à donner suite à la promesse d’Obama si le Congrès vote le financement du mur censé séparer le territoire américain du territoire mexicain, une bagatelle de 25 milliards de dollars (pour commencer). Un mur dont il avait juré qu’il serait financé par le Mexique, mais qu’il doit maintenant payer avec l’argent des contribuables américains. Ses électeurs, notamment ceux qui vivent des exportations, comme les agriculteurs, sont-ils déçus, indignés, prêts à voter pour l’opposition ? Pour le moment, on ne voit pas chuter la cote de popularité du président.  Pour les Américains qui ont conservé leurs principes et le sens de l’équité, le mandat de Trump est un cauchemar. On ne saura vraiment comment évolue l’opinion américaine que lors des élections de novembre prochain, qui renouvellent la totalité de la chambre et un tiers du Sénat. Les démocrates devraient logiquement reprendre le Sénat, ils ne sont pas assurés d’avoir la majorité à la chambre des représentants. Ils s’opposent aux décisions de Trump, mais ils n’ont pas encore un chef de file charismatique capable de tenir tête au plus dangereux président que les États-Unis aient jamais élu.

RICHARD LISCIA

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